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08/12/2022 | FRANCE | N°22NC01674

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 08 décembre 2022, 22NC01674


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 février 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à inte

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 février 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2201743 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 22NC01674 le 29 juin 2022, Mme A..., épouse B..., représentée par Me Andreini, demande au tribunal :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 février 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

s'agissant du refus de titre de séjour :

- cette décision méconnaît les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour sur lequel elle est fondée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français sur laquelle elle est fondée ;

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... épouse B..., ressortissante serbe, est entrée en France, selon ses déclarations, le 21 octobre 2018. Le 24 janvier 2019, elle a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", au besoin au titre d'une admission exceptionnelle au séjour, en se prévalant de son mariage, le 11 janvier 2019, avec un ressortissant kosovar titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle, ainsi que de sa grossesse. Par arrêté du 7 février 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 25 mai 2022, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 7 février 2022 :

2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., entrée en France selon ses dires en octobre 2018, y a épousé, le 11 janvier 2019, un ressortissant kosovar, bénéficiaire en France de la protection subsidiaire et titulaire d'un titre de séjour pluriannuel. De cette union, est né, le 18 juillet 2019, un enfant, qui était par conséquent âgé de près de deux ans et demi à la date de l'arrêté contesté et inscrit, à cette date, en toute petite section de l'école maternelle publique Catherine à Strasbourg. L'environnement familial de cet enfant est composé, outre de ses parents, de ses grands-parents paternels, de son oncle et de ses trois tantes, les trois premiers étant titulaires de titres de séjour pluriannuels et les trois dernières ayant la nationalité française. Il ressort en outre des pièces du dossier que la prise en charge de cet enfant repose principalement sur Mme B..., sa mère, qui est sans emploi, tandis que le père de l'enfant travaille à temps complet comme opérateur de maintenance électrotechnique au sein de la SNCF selon le système dit " des trois 8 ", soit en horaires décalés. Par ailleurs, si Mme B... n'apporte pas la preuve qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales en Serbie, son pays d'origine, ses allégations selon lesquelles elle n'aurait plus de liens avec sa famille en raison de son mariage avec un ressortissant kosovar ne peuvent pas être regardées, au cas d'espèce, comme dépourvues de toute crédibilité.

4. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, notamment de la durée particulièrement longue entre le dépôt de la demande de titre de séjour de Mme B... et la date de son rejet exprès par la préfète du Bas-Rhin, pendant lequel l'enfant est né et a grandi dans l'environnement qui vient d'être décrit, ainsi que de la durée prévisible d'instruction d'une demande de regroupement familial que le mari de la requérante pourrait former à son bénéfice, le refus de titre de séjour contesté implique, pour une durée incertaine, soit une séparation difficile de l'enfant d'avec sa mère, soit son déracinement du cadre familial, social et scolaire dans lequel il a grandi pendant près de deux ans et demi. Ainsi, et alors même que Mme B... serait éligible au regroupement familial, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé le 7 février 2022 a méconnu, en l'espèce, l'intérêt supérieur de l'enfant, protégé par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. L'exécution du présent arrêt implique la délivrance à Mme B... d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de procéder à la délivrance de ce titre dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, ainsi qu'à la délivrance, dès la notification de cet arrêt, d'un récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n°2201743 du 25 mai 2022 et l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 7 février 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer, dès la notification de cet arrêt, un récépissé de demande de titre de séjour, valant autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Goujon-FischerLe président,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 22NC01674


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01674
Date de la décision : 08/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : ELEOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-12-08;22nc01674 ?
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