La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/12/2022 | FRANCE | N°22NC00776

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 06 décembre 2022, 22NC00776


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de

retard, et, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le même délai et sous la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte, en lui délivrant pendant le temps de ce réexamen une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2103652 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 22NC00776 le 28 mars 2022, Mme A..., représentée par Me Perez, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 avril 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte, en lui délivrant pendant le temps de ce réexamen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

s'agissant du refus de titre de séjour :

- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;

- la décision de refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance de l'obligation de consultation préalable de la commission de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle méconnait le 7° de l'articles L. 313-11 et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour, qui en constitue la base légale

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, qui en constitue la base légale

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2022, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., épouse A..., ressortissante arménienne, est entrée irrégulièrement en France le 9 décembre 2010. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 août 2011, confirmée par la cour nationale du droit d'asile le 24 février 2012. Le même jour, elle a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. La délivrance d'une carte de séjour temporaire pour raisons de santé lui a été refusée par décision du 17 juillet 2013, assortie d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français. Le 18 février 2021, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du CESEDA. Par arrêté du 8 avril 2021, dont la requérante demande l'annulation, le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance du titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé l'Arménie comme pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 13 juillet 2021, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 8 avril 2021 :

2. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article ". L'article R. 312-1 de ce code précise que " Le préfet ou, à Paris, le préfet de police saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l'un des titres mentionnés aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance. / La commission est également saisie dans les cas prévus aux articles L. 313-14 et L. 431-3. Cette demande d'avis est accompagnée des documents nécessaires à l'examen de l'affaire, comportant notamment les motifs qui conduisent le préfet à envisager une décision de retrait, de refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour, ainsi que les pièces justifiant que l'étranger qui sollicite une admission exceptionnelle au séjour réside habituellement en France depuis plus de dix ans ".

3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

4. L'obligation, pour l'autorité administrative, de soumettre à la commission du titre de séjour la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans est constitutive, pour l'étranger intéressé, d'une garantie. Dès lors, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un tel moyen à l'appui de conclusions dirigées contre un refus d'admission exceptionnelle au séjour, d'apprécier si l'intéressé a été, en l'espèce, privé de cette garantie ou, à défaut, si cette irrégularité a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision.

5. Mme A... a produit en appel diverses pièces attestant de sa résidence habituelle en France, en particulier les justificatifs de ses démarches liées à sa demande d'asile, divers certificats médicaux, ordonnances ou résultats d'analyses médicales, ses relevés de versement de l'assurance maladie et, attestations de droits à l'assurance maladie et à la couverture maladie universelle, ses avis d'imposition et avis de situation déclarative, des attestations de suivi de cours d'alphabétisation, de français ou de participation à un atelier de cuisine établies par la Croix Rouge et l'association Parole et Soleil, des attestations de réception de colis alimentaires établies par le Secours Catholique ainsi que des bulletins d'inscription aux distributions alimentaires des Restaurants du cœur et des attestations d'élection de domicile au service d'action sociale de la ville de Mulhouse puis chez son fils. Par ces documents, Mme A... apporte la preuve de ce qu'elle a résidé de manière habituelle en France de manière ininterrompue de décembre 2010, période de son entrée en France et du dépôt de sa demande d'asile, jusqu'à la date de l'arrêté contesté du préfet du Haut-Rhin. Ainsi, en rejetant la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par Mme A..., dans laquelle il n'est pas contesté qu'elle s'était prévalue de sa résidence habituelle en France, sans la soumettre pour avis à la commission du titre de séjour, le préfet du Haut-Rhin a privé l'intéressée d'une garantie et méconnu les dispositions, citées au point 3 du présent arrêt, des articles L. 313-14 et R. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. L'exécution du présent arrêt implique uniquement que le préfet du Haut-Rhin réexamine la demande d'admission exceptionnelle au séjour de Mme A... après l'avoir soumise pour avis à la commission du titre de séjour. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à cette consultation et à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme A... au titre de ces dispositions et de celles de l'article 37 de la loi du 10juillet 1991 relative à l'aide juridique.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 juillet 2021 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, au réexamen de la demande d'admission exceptionnelle au séjour de Mme A... après l'avoir soumise pour avis à la commission du titre de séjour.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Goujon-Fischer, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2022.

Le président-rapporteur,

Signé : J. -F. Goujon-Fischer

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau

Signé : E. Meisse

La greffière,

Signé : V. Firmery

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. Firmery

2

N° 22NC00776


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. GOUJON-FISCHER
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : PEREZ

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 06/12/2022
Date de l'import : 18/12/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 22NC00776
Numéro NOR : CETATEXT000046732742 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-12-06;22nc00776 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award