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06/12/2022 | FRANCE | N°22NC00448

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 06 décembre 2022, 22NC00448


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, à titre subsi

diaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer pendant ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour et enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2106185 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 22NC00448 le 21 février 2022, et un mémoire enregistré le 3 mai 2022, M. A..., représenté par Me Bohner, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

s'agissant du refus de titre de séjour :

- le préfet a inexactement qualifié sa situation au regard de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant qu'il ne justifiait pas suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle ;

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision encourt l'annulation par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour ;

- il y a lieu d'invoquer contre cette décision les mêmes moyens que ceux développés contre le refus de titre de séjour ;

s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision encourt l'annulation par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 22 mars et 24 mai 2022, le préfet du Haut-Rhin conclut au non-lieu à statuer sur la requête.

Il fait valoir que la délivrance à M. A..., le 9 mars 2022, d'une autorisation provisoire de séjour de 6 mois, renouvelable sous réserve du caractère réel et sérieux de la formation, rend l'appel sans objet et qu'en tout état de cause, M. A... ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour, ni sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni sur celui de l'article L. 435-3 du même code.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 29 avril 2019. S'étant déclaré mineur, il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département du Haut-Rhin par une ordonnance de placement provisoire du procureur de la République auprès du tribunal de grande instance de Pontoise du 8 août 2019. Le 28 mai 2021, il a sollicité du préfet du Haut-Rhin la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 1er juillet 2021, le préfet du Haut-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 9 novembre 2021, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'exception aux fins de non-lieu à statuer opposée par le préfet du Haut-Rhin :

2. Il ressort des écritures en défense du préfet du Haut-Rhin que, le 9 mars 2022, M. A... s'est vu remettre une autorisation provisoire de séjour d'une durée du 6 mois. La délivrance de cette autorisation provisoire a eu pour effet d'abroger l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 1er juillet 2021 en tant qu'il fait obligation à M. A... de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi. Par suite, les conclusions de M. A... dirigées contre ces deux décisions ainsi que contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 novembre 2021 en tant qu'il concerne ces deux décisions sont devenues sans objet, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'y statuer.

3. En revanche, la délivrance de cette autorisation provisoire de séjour ne peut être regardée, au regard de ses effets, comme abrogeant la décision du 1er juillet 2021 refusant à M. A... le bénéfice d'une carte de séjour temporaire. Il s'ensuit que les conclusions de ce dernier tendant à l'annulation de cette décision et, par suite, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il concerne cette décision, n'ont pas perdu leur objet. Il y a lieu, dès lors, d'y statuer.

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour du 1er juillet 2021 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issu de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020, entrée en vigueur le 1er mai 2021, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

5. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'au titre de l'année 2020-2021, M. A... était inscrit au lycée des métiers Franklin Delano Roosevelt de Mulhouse dans une unité pédagogique pour élèves allophones arrivants (UPE2A) au sein de laquelle il recevait un enseignement de la langue française ainsi que deux autres disciplines, les mathématiques et l'anglais, conformément aux préconisations de la circulaire n° 2012-141 du 2-10-2012 concernant l'organisation de la scolarité des élèves allophones nouvellement arrivés concernant la première année de prise en charge pédagogique par les UPE2A. S'il fait valoir qu'il était formellement inscrit en seconde professionnelle, en vue d'une orientation vers un baccalauréat professionnel, qui constitue une qualification professionnelle au sens des dispositions, citées au point 2, de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la formation reçue au sein de l'UPE2A, limitée aux enseignements de la langue française, des mathématiques et de l'anglais, ne pouvait pas être regardée elle-même comme une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Les pièces versées au dossier ne permettent pas non plus d'établir que cette formation aurait été étroitement liée à un projet précis et clairement identifié de formation professionnelle dont elle aurait constitué le préalable. Par suite, en estimant que M. A... ne remplissait pas la condition de suivi depuis au moins six mois d'une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, le préfet n'a pas méconnu l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France en avril 2019, alors âgé de 16 ans. Il est célibataire, sans enfant et n'est pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où résident ses deux parents ainsi que son frère et sa sœur. S'il fait valoir que doivent être pris en compte au titre de sa vie privée les efforts importants efforts qu'il a déployés en vue de son insertion sociale et professionnelle, la garantie obtenue de la signature d'un contrat d'apprentissage et sa participation à diverses actions associatives et caritatives, il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard de la durée et des conditions de son séjour en France et de l'intensité des attaches familiales qu'il a conservées dans son pays d'origine, que le refus de l'admettre au séjour à titre exceptionnel aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Il n'a dès lors pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice, par le préfet, de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er juillet 2021 lui refusant le bénéfice d'une carte de séjour temporaire.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A....

Sur les frais liés à l'instance :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... dirigées contre l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 1er juillet 2021 en tant qu'il fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi, non plus que sur les conclusions dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 novembre 2021 en tant qu'il porte sur ces deux décisions.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Goujon-Fischer, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2022.

Le président-rapporteur,

Signé : J. -F. Goujon-Fischer

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau

Signé : E. Meisse

La greffière,

Signé : V. Firmery

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. Firmery

2

N° 22NC00448


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00448
Date de la décision : 06/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GOUJON-FISCHER
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : BOHNER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-12-06;22nc00448 ?
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