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06/12/2022 | FRANCE | N°21NC02059

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 06 décembre 2022, 21NC02059


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2020 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'une année.

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 n

ovembre 2020 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2020 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'une année.

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2020 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'une année.

Par un jugement commun n° 2008113 et n° 2008114 du 29 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 16 juillet 2021 sous le n° 21NC02059, M. C..., représenté par Me Marmin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 janvier 2021 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 27 novembre 2020 pris à son encontre par le préfet de la Moselle ;

3°) d'annuler par voie de conséquence son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et sous la même astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Marmin, avocat de M. C..., de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

s'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- en méconnaissance des dispositions des articles L. 311-12 et L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision est entachée d'une erreur dans l'appréciation de l'existence d'un traitement approprié en Albanie de la pathologie dont est affecté son fils ;

- la décision méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant ;

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, son état de santé n'est pas compatible avec une mesure d'éloignement ;

- la décision méconnaît le droit à la vie et l'interdiction de traitements inhumains ou dégradants, prévus par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

s'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- le tribunal administratif, qui s'est limité à examiner le moyen tiré de l'exception d'illégalité, ne s'est pas prononcé sur les autres moyens dirigés contre la décision fixant le pays de renvoi ;

- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- par ricochet, la décision méconnaît le droit à la vie et l'interdiction de traitements inhumains ou dégradants, prévus par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

s'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

- le préfet, sans examiner sa situation personnelle, a automatiquement assorti son obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour ;

- le préfet a commis une erreur dans l'appréciation des circonstances humanitaires qu'il a pu faire valoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses écritures de première instance.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2021.

II. Par une requête enregistrée le 16 juillet 2021 sous le n° 21NC02060, Mme C..., représentée par Me Marmin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 janvier 2021 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 27 novembre 2020 pris à son encontre par le préfet de la Moselle ;

3°) d'annuler par voie de conséquence son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et sous la même astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Marmin, avocat de M. C..., de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

s'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- en méconnaissance des dispositions des articles L. 311-12 et L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision est entachée d'une erreur dans l'appréciation sur l'existence d'un traitement approprié en Albanie de la pathologie dont est affecté son fils ;

- la décision méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant ;

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- la décision méconnaît le droit à la vie et l'interdiction de traitements inhumains ou dégradants, prévus par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

s'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- le tribunal administratif, qui s'est limité à examiner le moyen tiré de l'exception d'illégalité, ne s'est pas prononcé sur les autres moyens dirigés contre la décision fixant le pays de renvoi ;

- elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- par ricochet, la décision méconnaît le droit à la vie et l'interdiction de traitements inhumains ou dégradants, prévus par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

s'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

- le préfet, sans examiner sa situation personnelle, a automatiquement assorti son obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour ;

- le préfet a commis une erreur dans l'appréciation des circonstances humanitaires qu'elle a pu faire valoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses écritures de première instance.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C..., ressortissants albanais nés respectivement les 18 janvier 1984 et 1er avril 1993, sont entrés en France le 21 novembre 2019 afin de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 26 mars 2020, puis par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 8 septembre 2020. Le 20 janvier 2020, M. et Mme C... ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de l'état de santé de leur fils mineur A.... Par des arrêtés du 27 novembre 2020, le préfet de la Moselle a retiré leurs attestations de demande d'asile, leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un durée d'une année. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, M. et Mme C... relèvent appel du jugement commun du 29 janvier 2021, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des écritures de M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Strasbourg que ceux-ci avaient soulevé, à l'appui de leur contestation des décisions fixant le pays de destination, un moyen tiré de la méconnaissance des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg qui n'a au demeurant pas visé ce moyen, n'y a pas répondu alors que ce moyen n'était pas inopérant à l'encontre de la décision fixant le pays de destination. Dans ces conditions, M. et Mme C... sont fondés à soutenir que le jugement est irrégulier en tant qu'il statue sur leurs conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, et qu'il doit, dans cette mesure, être annulé.

3. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination présentées par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Strasbourg et, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres conclusions présentées par les requérants.

Sur les décisions de refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ". Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit à " (...) l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ".

5. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

6. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. et Mme C... en raison de l'état de santé de leur fils, A..., le préfet de la Moselle s'est fondé sur l'avis du 12 octobre 2020 du collège de médecins du service médical de l'OFII qui a estimé que si l'état de santé de A... C..., atteint d'une surdité perceptionnelle bilatérale majeure, nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

7. M. et Mme C... se prévalent de plusieurs attestations, rédigées par un professeur des écoles et une accompagnante des élèves en situation de handicap, exerçant leurs fonctions dans l'école élémentaire où est pris en charge A... C..., qui indiquent que le fils des requérants a progressé dans ses apprentissages et dans sa capacité à communiquer. Par ailleurs, les requérants se prévalent notamment d'un certificat rédigé par un neuro-pédiatre qui indique qu'une prise en charge pluridisciplinaire de A... C... est indispensable. Toutefois ces attestations et les autres certificats médicaux dont se prévalent les requérants, ne précisent pas que A... C... ne pourrait pas bénéficier d'un traitement médical en Albanie et sont insuffisamment circonstanciés pour établir que le traitement nécessaire à son état de santé y serait indisponible. Ils ne permettent donc pas à eux seuls de remettre en cause l'avis du collège de médecins du service médical de l'OFII. En outre, certains certificats précisent que A... C... a bénéficié d'un appareillage jusqu'à l'âge de ses trois ans en Albanie. Par suite, le préfet de la Moselle n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en refusant de délivrer à M. et Mme C... l'autorisation provisoire de séjour qu'ils sollicitaient en raison de l'état de santé de leur fils.

8. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. Les décisions de refus de séjour n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer les parents de leurs enfants. En outre, en se prévalant uniquement de considérations générales extraites d'un rapport de l'UNICEF de l'année 2015 ainsi que d'observations du Défenseur des droits qui ont été formulées lors d'une instance contentieuse concernant le litige relatif à un autre enfant albanais polyhandicapé, il ne ressort pas des pièces des dossiers, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, que A... C... ne pourrait pas bénéficier, en dehors du territoire français, d'une scolarité adaptée et d'une prise en charge effective de la pathologie dont il est affecté. Au surplus, il ressort des attestations produites par les requérants que A... C... a bénéficié d'une scolarisation dans une école en Albanie pour enfants affectés d'un handicap. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, il n'est pas établi que les décisions de refus de séjour seraient illégales. Par suite, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions de refus de séjour.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : " (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

12. M. C... se prévaut de plusieurs certificats médicaux indiquant qu'il a été pris en charge pour le traitement de lithiases coralliformes au niveau des deux reins. Si un certificat du 22 avril 2021 indique qu'une rupture de suivi pourrait entraîner une perte de chance dans le traitement de l'évolution de la pathologie de l'intéressé, aucune des pièces médicales dont se prévalent les requérants n'indiquent que M. C... ne pourrait bénéficier d'une prise en charge adaptée de sa pathologie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

13. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) ". Par ailleurs, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

14. M. et Mme C..., qui soutiennent que le renvoi dans leur pays d'origine méconnaîtrait les stipulations précitées, ne peuvent pas utilement invoquer ces stipulations à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français qui n'ont pas pour objet ni pour effet de fixer le pays à destination duquel ils pourront être renvoyés en cas d'exécution d'office de ces mesures d'éloignement.

Sur les décisions fixant le pays de destination :

15. En premier lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, il n'est pas établi que les décisions portant obligation de quitter le territoire français seraient illégales. Par suite, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le pays à destination duquel ils pourront être renvoyés seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français.

16. En second lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces des dossiers que M. C... et son fils, A... C..., ne pourraient pas bénéficier, en Albanie, d'un accès effectif à la prise en charge de leurs pathologies. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

Sur les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français :

17. En premier lieu, il ne ressort ni des pièces des dossiers ni des termes des décisions attaquées que le préfet de la Moselle n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle des intéressés et aurait automatiquement assorti les décisions portant obligation de quitter le territoire français de décisions interdisant à M. et Mme C... de retourner sur le territoire français.

18. En second lieu, le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, dispose que : " Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour ".

19. Pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, il ne ressort pas des pièces des dossiers qu'en prenant à leur encontre une interdiction de retour le préfet de la Moselle aurait fait une inexacte application des dispositions précitées au regard des circonstances humanitaires que les intéressés auraient pu faire valoir.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions fixant le pays à destination duquel ils pourront être renvoyés. M. et Mme C... ne sont par ailleurs pas fondés à soutenir que c'est à tort, que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes dirigées contre les décisions refusant de leur délivrer un titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et leur interdisant de retourner sur le territoire français.

Sur le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :

21. Pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, il n'est pas établi que les décisions d'interdiction de retour seraient illégales. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, les conclusions tendant à l'annulation du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen doivent être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

22. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation des requêtes de M. et Mme C... n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

23. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel du litige, le versement d'une somme au conseil de M. et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 janvier 2021 est annulé en tant qu'il a statué sur les demandes de M. et Mme C... tendant à l'annulation des décisions fixant le pays à destination duquel ils pourront être renvoyés.

Article 2 : Les demandes tendant à l'annulation des décisions fixant le pays de renvoi présentées par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Strasbourg et le surplus des conclusions des requêtes sont rejetés.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Goujon-Fischer, président,

- M. Eric Meisse, premier conseiller,

- M. Arthur Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLe président,

Signé : J.-F. Goujon-Fischer

La greffière,

Signé : V. Firmery

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. Firmery

2

Nos 21NC02059-21NC02060


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02059
Date de la décision : 06/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GOUJON-FISCHER
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : MARMIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-12-06;21nc02059 ?
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