La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/12/2022 | FRANCE | N°20NC03230

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 01 décembre 2022, 20NC03230


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Axis Sécurité a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2014.

Par un jugement n° 1804878 du 5 août 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 novembre

2020, la SARL Axis Sécurité, représentée par Me Heckel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Axis Sécurité a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2014.

Par un jugement n° 1804878 du 5 août 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 novembre 2020, la SARL Axis Sécurité, représentée par Me Heckel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions, pénalités et amendes contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure est irrégulière en ce que l'administration s'est implicitement fondée sur un abus de droit en écartant des factures comme étant de complaisance sans lui accorder les garanties prévues par les articles L. 64, R. 64-1 et R. 64-2 du livre des procédures fiscales ;

- les rappels litigieux ne sont pas fondés en ce que l'administration lui reproche d'avoir versé les sommes dues en règlement de certaines factures à des tiers par rapport aux sociétés lui ayant remis ces factures et fourni les services, alors qu'une telle circonstance ne saurait faire obstacle à la déduction, le paiement au fournisseur ne faisant pas partie des conditions de déduction prévues par les articles 283-4, 272-2 et 271 du code général des impôts ; en l'occurrence il n'est pas contesté que les prestations de services mentionnées sur les factures litigieuses ont bien été effectuées par les sociétés qui les ont émises ; que si des relevés d'identité bancaires falsifiés lui ont été remis afin de permettre l'encaissement des sommes par les dirigeants de ces sociétés, elle en est victime et n'en savait rien ; l'argument invoqué en dernier lieu par l'administration, selon lequel ces sociétés ne pouvaient matériellement effectuer ces prestations pour avoir été placées en liquidation judiciaire, est dépourvu de tout fondement ; au demeurant ce motif ne figurait pas dans la proposition de rectification de sorte que la garantie de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales a été méconnue ;

- en l'absence de factures de complaisance, l'amende de l'article 1737 du code général des impôts n'est pas fondée.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Axis Sécurité exerce une activité de gardiennage et de sécurité. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant concerné la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2015. Par des propositions de rectification des 16 décembre 2016 et 20 juin 2017, confirmées les 30 janvier et 31 juillet 2017 en réponse aux observations du contribuable, l'administration a, notamment, remis en cause, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur des factures de sous-traitance, au titre de la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2014. Elle a, en conséquence, réclamé à la société requérante des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de ladite période, et les a assortis de l'amende prévue par les dispositions du 1 du I. de l'article 1737 du code général des impôts. Les impositions et majorations ont été mises en recouvrement le 15 décembre 2017. La réclamation de la société du 9 janvier 2018 a été rejetée par l'administration le 5 juillet 2018. La SARL Axis Sécurité relève appel du jugement du 5 août 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification ".

3. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. Il résulte également de ces dispositions que, lorsque l'administration invoque des faits constitutifs d'un abus de droit pour justifier un chef de redressement, le contribuable, doit être regardé comme ayant été privé des garanties propres à cette procédure, tenant notamment à la faculté de provoquer la saisine du comité consultatif des abus de droit si, avant la mise en recouvrement de l'imposition, l'administration omet de l'aviser expressément que le redressement a pour fondement les dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.

4. Il ressort des propositions de rectification que le service, afin de refuser la déduction de la taxe sur la valeur ayant grevé les factures émises à l'enseigne " Lynn Sécurité Gardiennage " et " Meckes Gardiennage Sécurité ", s'est précisément et dès l'origine fondé sur les motifs tirés de ce que ces factures émanaient d'exploitants individuels dont les activités avaient fait l'objet de procédures de liquidation judiciaire clôturées pour insuffisance d'actif et que le règlement de ces prestations de sous-traitance avait été effectué au profit de tiers. Le service a estimé au vu de ces circonstances que les factures litigieuses étaient des factures de complaisance, par lesquelles le véritable fournisseur de la prestation avait été dissimulé, et a en conséquence rappelé la taxe sur la valeur ajoutée déduite par la société requérante sur le fondement des dispositions législatives qui sont rappelées aux points suivants du présent arrêt. Dès lors que ces fondements légaux permettaient d'asseoir les rectifications et que l'administration y a eu recours, celle-ci n'était pas tenue de mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit alors même qu'elle a pu mentionner que les indications des factures litigieuses ne correspondaient pas à la réalité en ce qui concerne l'identité du fournisseur. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée des garanties propres à la procédure de répression des abus de droit.

5. En second lieu, il résulte également de ce qui précède que, contrairement à ce que prétend la société requérante, l'administration n'a jamais substitué un autre motif à celui ci-dessus analysé. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les propositions de rectification ne seraient pas suffisamment motivées au sens de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. En tout état de cause, il est loisible à l'administration, à tout moment de la procédure contentieuse y compris au stade de la décision de rejet de la réclamation préalable puis devant le juge de l'impôt, de justifier l'imposition en substituant un motif à une autre, sous réserve que le contribuable ne soit pas privé des garanties de procédure qui lui sont données par la loi compte tenu du motif substitué. Une telle possibilité pour l'administration de procéder à une telle substitution n'est pas subordonnée à la condition que le nouveau motif ait été mentionné dans la proposition de rectification adressée au contribuable en application des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales compte tenu de la possibilité pour ce dernier de saisir le juge de l'impôt avec toutes les garanties inhérentes à la procédure juridictionnelle. Par suite, le moyen invoqué de ce chef par la société requérante manque également en droit et doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

6. Aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " 2. La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits ". Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ". Aux termes de l'article 272 du même code : " 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ". Aux termes de l'article 283 dudit code : " 4. Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée ".

7. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui n'est pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée. Dans le cas où l'auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et se présente comme tel à ses clients, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y est mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture de complaisance et que le contribuable le savait ou ne pouvait l'ignorer. Si l'administration apporte des éléments suffisants en ce sens, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur cette opération, sans qu'il ne puisse être exigé de lui des vérifications qui ne lui incombent pas.

8. Il résulte de l'instruction que les exploitants individuels ayant émis les factures comportant les enseignes " Lynn Sécurité Gardiennage " et " Meckes Gardiennage Sécurité " avaient fait l'objet de procédures de liquidation judiciaire clôturées pour insuffisance d'actif. Ces entreprises ne disposaient plus des moyens, en particulier en personnel, de fournir les services mentionnés sur les factures litigieuses. Il n'est pas contesté que le règlement de ces factures de sous-traitance a été effectué par la société requérante non pas aux fournisseurs identifiés sur ces documents mais au profit de tiers dont l'identité a été mise en lumière par le service dans le cadre de l'exercice de son droit de communication. Par ces éléments, alors que les prestations de gardiennage ont bien été rendues au profit de la société requérante, l'administration rapporte la preuve que les factures litigieuses ne comportaient pas l'indication du véritable fournisseur et qu'elles constituaient en conséquence des factures de complaisance au sens des dispositions ci-dessus rappelées. Afin de combattre ces éléments de preuve, la société requérante, au regard des dispositions ci-dessus rappelées, ne saurait utilement soutenir que le règlement des factures au véritable fournisseur ne constituerait pas une condition du droit à déduction. Si la société requérante soutient par ailleurs avoir été trompée par ses fournisseurs qui lui auraient remis des relevés d'identité bancaire falsifiés, elle ne saurait de manière vraisemblable prétendre avoir ignoré que les exploitants mentionnés sur les factures litigieuses faisaient l'objet de procédures de liquidation judiciaire, ce que la simple consultation du registre du commerce et des sociétés permet de vérifier. Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'administration a rappelé la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces factures, déduite par la société requérante.

Sur l'amende :

9. La société requérante ne conteste l'amende de l'article 1737 du code général des impôts qui lui a été infligée à raison des factures litigieuses que dans la mesure où elle conteste le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Il y a lieu par les mêmes motifs que ceux ci-dessus exposés d'écarter les moyens ainsi soulevés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Axis Sécurité n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Axis Sécurité est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Axis Sécurité et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 20NC03230

2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : HECKEL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 01/12/2022
Date de l'import : 11/12/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20NC03230
Numéro NOR : CETATEXT000046690010 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-12-01;20nc03230 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award