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30/11/2022 | FRANCE | N°21NC02963

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 30 novembre 2022, 21NC02963


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... et Mme E... C... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 30 août 2021 par lesquels le préfet du Doubs les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office.

Par une ordonnance numéros 2101859 et 2101860 du 18 octobre 2021, le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté ces demandes comme étant irrecevables.

Procédure deva

nt la cour :

I.) Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2021, sous le numéro 21NC02963,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... et Mme E... C... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 30 août 2021 par lesquels le préfet du Doubs les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office.

Par une ordonnance numéros 2101859 et 2101860 du 18 octobre 2021, le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté ces demandes comme étant irrecevables.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2021, sous le numéro 21NC02963, M. D..., représenté par Me Maillard-Salin, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 août 2021, à tout le moins de suspendre l'exécution de l'obligation de quitter le territoire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa demande n'était pas tardive en ce que le délai de trente jours lui ayant été indiqué a eu pour effet de rendre applicable le régime procédural qui en découle et en l'occurrence la demande d'aide juridictionnelle a bien eu pour effet de proroger le délai de recours ;

- l'obligation de quitter le territoire : compte tenu des éléments nouveaux produits, l'exécution de la décision doit être prononcée en application des articles L. 752-5 et L. 752-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; a été prise en violation du 10° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; repose sur une appréciation manifestement erronée de leur situation au regard de ces mêmes dispositions ;

- la décision l'assignant à résidence est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juillet 2022, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les conclusions visant une assignation à résidence sont dépourvues d'objet et que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

II.) Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2021, sous le numéro 21NC02964, Mme C..., représentée par Me Maillard-Salin, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 août 2021, à tout le moins de suspendre l'exécution de l'obligation de quitter le territoire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- sa demande n'était pas tardive en ce que le délai de trente jours lui ayant été indiqué a eu pour effet de rendre applicable le régime procédural qui en découle et en l'occurrence la demande d'aide juridictionnelle a bien eu pour effet de proroger le délai de recours ;

- l'obligation de quitter le territoire : compte tenu des éléments nouveaux produits, l'exécution de la décision doit être prononcée en application des articles L. 752-5 et L. 752-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; a été prise en violation du 10° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile repose sur une appréciation manifestement erronée de leur situation au regard de ces mêmes dispositions ;

- la décision l'assignant à résidence est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juillet 2022, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les conclusions visant une assignation à résidence sont dépourvues d'objet et que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

M. D... et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive n° 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... et M. D... ont fait l'objet d'un arrêté du préfet du Doubs du 30 août 2021 leur faisant obligation de quitter le territoire pris sur le fondement du 4° de l'article L.611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile après que leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'office français de protection des réfugiés et des apatrides le 19 mars 2021. Par les requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, Mme C... et M. D... relèvent appel de l'ordonnance du 18 octobre 2021 par laquelle le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de cet arrêté comme étant tardives.

Sur la recevabilité des demandes de première instance :

2. L'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète (...). L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office ". Aux termes du I de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " (...) Conformément aux dispositions de l'article L. 614-5 du [code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile], la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 du même code, fait courir un délai de quinze jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément ". Aux termes de l'article R. 776-5 de ce code : " (...) II. - (...) Les délais de quinze jours mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-3 (...) ne sont susceptibles d'aucune prorogation ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

3. L'étranger, informé par la notification de la décision d'obligation de quitter le territoire français de la possibilité de la contester dans un délai de quinze jours devant le tribunal administratif, peut, dès la saisine de ce tribunal par une requête susceptible d'être motivée même après l'expiration du délai de recours, demander à son président le concours d'un interprète et que lui soit désigné d'office un avocat. Ce délai de recours n'est susceptible d'aucune prorogation. Dès lors, l'introduction d'une demande d'aide juridictionnelle, alors que l'étranger dispose de la faculté de demander au président du tribunal la désignation d'office d'un avocat, ne saurait avoir pour effet de proroger le délai de quinze jours mentionné à l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour rendre opposable le délai de recours contentieux, conformément à ce que prévoit l'article R. 421-5 du code de justice administrative, l'administration est tenue de faire figurer dans la notification de ses décisions la mention des délais et voies de recours contentieux ainsi que les délais des recours administratifs préalables obligatoires.

4. Les arrêtés litigieux ont été pris sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne pouvaient être contestés devant les juridictions administratives que dans un délai non prorogeable de 15 jours à compter de leurs notifications aux intéressés. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les arrêtés litigieux mentionnaient qu'ils pouvaient faire l'objet d'un recours dans un délai de trente jours à compter de leurs notifications. En vertu de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, cette indication erronée relative au délai de recours que comporte les notifications des décisions litigieuses fait obstacle à ce qu'un délai ait commencé à courir. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes comme irrecevables. L'ordonnance attaquée qui est irrégulière doit, par suite, être annulée.

5. Il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les demandes des requérants présentées devant le tribunal administratif de Besançon.

Sur les conclusions aux fins de suspension :

6. Si les requérants demandent la suspension des effets de la mesure d'éloignement sur le fondement de l'article L. 752-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ils n'apportent à l'appui de leurs conclusions aucune précision utile de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé. S'ils font valoir avoir déposé des recours devant la cour nationale du droit d'asile le 21 juin 2021 à l'encontre des décisions leur refusant l'asile, ils ne précisent pas quels sont les éléments sérieux de nature à justifier leur maintien sur le territoire dans l'attente de la décision de cette juridiction sur leurs recours. Par suite, les conclusions présentées de ce chef seront rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

7. En se bornant à soutenir qu'ils ont déposé des demandes de titres de séjour en qualité d'étrangers malades sans autre précision et alors que ces demandes ont été rejetées par l'administration, les requérants n'établissent pas que les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire auraient été prises en violation du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. L'administration n'ayant pas pris à leur encontre de décisions d'assignation à résidence, les conclusions tendant à l'annulation de telles décisions sont dépourvues d'objet. Par suite, le préfet du Doubs est fondé à soutenir qu'elles sont irrecevables.

9. Il résulte de ce qui précède que les demandes présentées par M. D... et Mme C... devant le tribunal administratif de Besançon doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Le présent arrêt rejetant les demandes des requérants, ces derniers doivent être regardés comme les parties perdantes dans la présente instance. Par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à leur avocat d'une somme au titre des frais qu'ils auraient exposés dans la présente instance s'ils n'avaient été admis à l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n°s 2101859 et 2101860 du 18 octobre 2021 du président du tribunal administratif de Besançon est annulée.

Article 2 : Les demandes présentées par M. D... et Mme C... devant le tribunal administratif de Besançon sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C..., M. B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président de chambre,

M. Sibileau, premier conseiller,

Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2022.

Le président,

Signé : M. A...L'assesseur le plus ancien,

Signé : J. B. Sibileau

Le greffier,

Signé : J.Y. Gaillard

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

J.Y. Gaillard

N°s 21NC02963 et 21NC02964


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02963
Date de la décision : 30/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : MAILLARD-SALIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-11-30;21nc02963 ?
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