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29/11/2022 | FRANCE | N°22NC00649

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 29 novembre 2022, 22NC00649


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, par trois demandes distinctes, d'annuler la décision par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a suspendu ses conditions matérielles d'accueil, celle du 15 janvier 2019 par laquelle il lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil et enfin celle du 17 juin 2019 par laquelle il a refusé de rétablir ses conditions matérielles d'accueil.

Par un jugement n° 1903339-19

07366-1907406 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg, qui a joint...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, par trois demandes distinctes, d'annuler la décision par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a suspendu ses conditions matérielles d'accueil, celle du 15 janvier 2019 par laquelle il lui a refusé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil et enfin celle du 17 juin 2019 par laquelle il a refusé de rétablir ses conditions matérielles d'accueil.

Par un jugement n° 1903339-1907366-1907406 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg, qui a joint les trois demandes, a d'une part, annulé la décision du 15 janvier 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a refusé à Mme B... le bénéfice des conditions matérielles d'accueil et a enjoint à ce dernier de procéder au réexamen de sa situation et d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 mars 2022 et 29 septembre 2022, Mme B..., représentée par Me Chebbale, demande à la cour :

1° ) d'annuler ce jugement du 15 juin 2021 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il n'a pas annulé la décision par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a suspendu ses conditions matérielles d'accueil, révélée par l'arrêt des versements de l'allocation pour demandeur d'asile à compter du mois d'octobre 2017 et celle du 17 juin 2019 par laquelle ce dernier a refusé de rétablir ses conditions matérielles d'accueil ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a suspendu ses conditions matérielles d'accueil, révélée par l'arrêt des versements de l'allocation pour demandeur d'asile à compter du mois d'octobre 2017 ;

3°) d'annuler la décision du 17 juin 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a refusé de rétablir ses conditions matérielles d'accueil ;

4°) d'enjoindre au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de lui faire bénéficier sans délai de l'allocation pour demandeur d'asile à compter du 1er octobre 2017, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 2 400 euros, au bénéfice de son conseil, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

sur la décision du 15 janvier 2019 portant refus des conditions matérielles d'accueil :

- l'Office, qui n'a pas fait appel contre cette décision qui a été annulée par le jugement du 29 juin 2021, est irrecevable à soulever des moyens en défense dirigés contre cette décision ;

- en tout état de cause, la substitution de base légale et de motif demandée par l'Office est infondée ;

sur l'illégalité de la décision implicite de suspension des conditions matérielles d'accueil :

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré son recours irrecevable ; dès lors qu'aucune décision ne lui a été notifiée, elle ne pouvait pas se voir opposer un délai de recours ; l'extension de la jurisprudence Czabaj la prive d'avoir accès à un recours effectif contre cette décision ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle aurait dû être écrite et motivée et tenir compte de sa vulnérabilité ;

- elle n' a pas été en mesure de présenter ses observations, tel que cela est prévu à l'article D. 744-38 du même code ;

- elle n'a pas bénéficié d'un entretien personnel comme le prévoit l'article L.744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, afin notamment d'évaluer sa vulnérabilité ;

- la décision est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation : si la décision du 17 juin 2019 portant refus de rétablissement des conditions matérielles d'accueil vise une décision de retrait du 24 août 2017, elle ne l'a jamais reçue ; par ailleurs la décision implicite de suspension des conditions matérielles d'accueil a été prise pour un motif qui n'est pas prévu par l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

sur l'illégalité de la décision du 17 juin 2019 portant refus de rétablissement des conditions matérielles d'accueil :

- si l'Office entend uniquement défendre sa décision du 21 juillet 2021 à la place de celle du 17 juin 2019, celle du 21 juillet 2021 ne s'est pas substituée à celle du 17 juin 2019 ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- l'illégalité de la décision par laquelle l'Office lui a suspendu le bénéfice des conditions matérielles d'accueil entraîne par voie de conséquence celle de la décision contestée ;

- l'Office n'a pas pris en compte sa situation personnelle ;

- la décision litigieuse est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

. elle est entachée d'un défaut de base légale car elle n'entre pas dans les catégories de refus visées par les articles L. 744-8 et D. 744-37 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

. l'Office n'a pas procédé à un examen de sa vulnérabilité au moment où il a pris sa décision, ni tenu compte de ses besoins en matière d'accueil ;

. elle a toujours respecté les obligations auxquelles elle a consenti lors de son passage au guichet unique le 5 décembre 2016 ;

- la décision contestée est entachée de défaut de base légale compte tenu de l'inconventionnalité des dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard des dispositions de l'article 20 de la directive 2013/33/UE : la décision litigieuse la prive d'un niveau de vie digne, garanti par cette directive ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle la place dans une situation de dénuement matériel extrême.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mai 2022, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représentée par me Froment, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

en ce qui concerne la décision implicite de suspension des conditions matérielles d'accueil :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont regardé les conclusions à fin d'annulation de la décision portant suspension des conditions matérielles d'accueil à compter d'octobre 2017 comme tardive et donc irrecevable ;

en ce qui concerne les décisions du 15 janvier 2019 et du 17 juin 2019 :

- la décision du 15 janvier 2019 portant refus des conditions matérielles d'accueil doit être regardée comme une décision de refus de rétablissement des conditions matérielles d'accueil ;

- il sollicite une substitution de base légale et de motif dès lors que la requérante n'apporte aucun élément justifiant l'absence d'attestation de demandeur d'asile valide entre le 8 janvier 2018 et le 24 septembre 2018 et la condition vulnérabilité fait défaut ;

- il entend défendre uniquement sa décision du 21 juillet 2021, devenue définitive et prise dans le cadre de la présente instance, en exécution du jugement attaqué, confirmative de celle, explicite, litigieuse du 17 juin 2019 ;

- les moyens ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale ;

- du code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante nigériane, née le 25 juillet 1995, a déposé une demande d'asile qui a été enregistrée le 5 décembre 2016 et a accepté le même jour le bénéfice des conditions matérielles d'accueil. Elle a été placée en procédure Dublin et a fait l'objet d'un arrêté de transfert par le préfet du Bas-Rhin. Elle a été déclarée en fuite, raison pour laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a suspendu ses conditions matérielles d'accueil. Faute d'exécution de la décision de transfert, la France est devenue responsable de l'examen de la demande d'asile présentée par la requérante. Le 25 septembre 2018, Mme B... a demandé le rétablissement de ses conditions matérielles d'accueil. Le 15 janvier 2019, le directeur général de l'OFII lui en a refusé le bénéfice. Par une ordonnance du 21 mai 2019, le juge des référés du tribunal de Strasbourg a décidé de suspendre l'exécution de cette décision et a enjoint à l'OFII de procéder au réexamen de la situation de la requérante dans un délai d'un mois. Par une décision du 17 juin 2019, le directeur général de l'OFII a refusé de rétablir les conditions matérielles d'accueil de Mme B.... La requérante a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision de suspension de ses conditions matérielles d'accueil à compter d'octobre 2017 et les décisions précitées des 15 janvier 2019 et 17 juin 2019. Mme B... relève appel du jugement du 29 juin 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision suspendant ses conditions matérielles d'accueil et celle du 17 juin 2019 refusant le rétablissement de celles-ci.

Sur l'étendue du litige :

2. L'Office français de l'immigration et de l'intégration qui se borne à conclure au rejet de la requête de Mme B... n'a formé aucune conclusion d'appel incident tendant à contester le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a annulé sa décision du 15 janvier 2019 portant refus du bénéfice des conditions matérielles d'accueil. Il ne peut donc utilement solliciter une substitution de base légale et de motif pour cette décision dont l'annulation, faute de contestation, est devenue définitive.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a suspendu les conditions matérielles d'accueil à Mme B... à compter du mois d'octobre 2017 :

3. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

4. La règle énoncée ci-dessus, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.

5. Si la décision de suspension des conditions matérielles d'accueil a pu être révélée par l'arrêt des versements de l'allocation pour demandeur d'asile au profit de Mme B... à compter du mois d'octobre 2017, il est constant qu'elle n'a jamais été notifiée à l'intéressée. En revanche, il ressort des pièces du dossier que la requérante en a eu connaissance au plus tard à compter du 25 septembre 2018, date à laquelle elle a sollicité le rétablissement de ses conditions matérielles d'accueil. La demande tendant à l'annulation de la décision de suspension a cependant été enregistrée devant le tribunal administratif de Strasbourg le 3 octobre 2019, soit plus d'un an après qu'elle ait eu connaissance de la décision contestée sans qu'elle ne fasse valoir de circonstance particulière justifiant du délai pris pour en solliciter l'annulation. Dans ces circonstances, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de suspension des conditions matérielles d'accueil comme étant tardive et donc irrecevable.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 17 juin 2019 refusant le rétablissement des conditions matérielles d'accueil à Mme B... :

6. En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'OFII, la circonstance qu'une nouvelle décision de refus de rétablissement des droits de l'intéressée soit intervenue le 21 juillet 2021 est sans incidence sur le présent litige qui porte sur la décision de refus de rétablissement en date du 17 juin 2019.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 portant réforme du droit d'asile, applicable à la date à laquelle l'administration s'était initialement prononcée sur les conditions matérielles d'accueil dont Mme B... pouvait bénéficier : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile a abandonné son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'informations ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile ; 2° Retiré si le demandeur d'asile a dissimulé ses ressources financières ou a fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale ou en cas de comportement violent ou de manquement grave au règlement du lieu d'hébergement ; 3° Refusé si le demandeur présente une demande de réexamen de sa demande d'asile ou s'il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2./La décision de suspension, de retrait ou de refus des conditions matérielles d'accueil est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. / La décision est prise après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations écrites dans les délais impartis. /Lorsque le bénéfice des conditions matérielles d'accueil a été suspendu, le demandeur d'asile peut en demander le rétablissement à l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

8. La décision du 17 juin 2019 comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle vise la directive n° 2012/33/UE du 26 juin 20123 et les articles applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne la circonstance que Mme B... n'a pas justifié du non-respect des obligations auxquelles elle avait consenti lors de l'acceptation de l'offre de prise en charge par l'OFII et que l'évaluation de la situation de Mme B... ne fait pas apparaitre un facteur particulier de vulnérabilité. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.

9. En troisième lieu, d'une part, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale.

10. Le refus de l'OFII de rétablir les conditions matérielles d'accueil de Mme B..., à la suite de sa nouvelle demande du 25 septembre 2018, n'a en tout état de cause pas été pris en application de la décision suspendant ses conditions matérielles d'accueil à compter d'octobre 2017. Cette décision n'en constitue pas plus la base légale. Par suite, la requérante ne peut utilement invoquer l'illégalité de cette décision, au demeurant devenue définitive, à l'appui de la contestation de la décision de rejet de sa demande de rétablissement de ses conditions matérielles d'accueil.

11. D'autre part, en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale.

12. En l'espèce, il résulte du point 5 du présent arrêt que les conclusions d'annulation de la décision portant suspension des conditions matérielles d'accueil de Mme B... ont été rejetées. Il s'ensuit que la requérante ne saurait demander l'annulation, par voie de conséquence, de la décision lui refusant le rétablissement des conditions matérielles d'accueil.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article D.744-37 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le bénéfice de l'allocation pour demandeur d'asile peut être refusé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration :1° En cas de demande de réexamen de la demande d'asile ;2° Si le demandeur, sans motif légitime, n'a pas présenté sa demande d'asile dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2 ;3° En cas de fraude. ".

14. La décision attaquée, qui n'a ni refusé ni retiré les conditions matérielles d'accueil mais qui a refusé le rétablissement de celles-ci n'a pas été prise en application de l'article D.744-37 du code précité. Par suite, Mme B... ne peut utilement se prévaloir de ce que la décision litigieuse est entachée de base légale au motif que la décision attaquée méconnaitrait cet article.

15. En cinquième lieu, aux termes de l'article 20 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 : " (...) Les décisions portant limitation ou retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil ou les sanctions visées aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 du présent article sont prises au cas par cas, objectivement et impartialement et sont motivées. Elles sont fondées sur la situation particulière de la personne concernée, en particulier dans le cas des personnes visées à l'article 21, compte tenu du principe de proportionnalité. Les Etats membres assurent en toutes circonstances l'accès aux soins médicaux conformément à l'article 19 et garantissent un niveau de vie digne à tous les demandeurs ".

16. Il ne ressort ni de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient la possibilité pour un demandeur d'asile dont les conditions matérielles d'accueil ont été suspendues d'en solliciter le rétablissement, ni d'aucune autre disposition que les décisions de refus de rétablissement des conditions matérielles d'accueil feraient en toutes circonstances obstacle à l'accès aux autres dispositifs prévus par le droit interne répondant aux prescriptions de l'article 20 de la directive du 26 juin 2013 précitée, si l'étranger en remplit par ailleurs les conditions, et notamment à l'application des dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles relatives à l'aide médicale de l'Etat ou de l'article L. 345-2-2 du même code relatives à l'hébergement d'urgence. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'erreur de droit au motif que les dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile seraient incompatibles avec les objectifs de la directive n° 2013/33/UE doit être écarté.

17. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 744-6 du même code alors en vigueur : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d'accueil. Ces besoins particuliers sont également pris en compte s'ils deviennent manifestes à une étape ultérieure de la procédure d'asile. Dans la mise en œuvre des droits des demandeurs d'asile et pendant toute la période d'instruction de leur demande, il est tenu compte de la situation spécifique des personnes vulnérables. / L'évaluation de la vulnérabilité vise, en particulier, à identifier les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, telles que des mutilations sexuelles féminines. / L'évaluation de la vulnérabilité du demandeur est effectuée par des agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant reçu une formation spécifique à cette fin. (...) ".

18. Dans le cas où les conditions matérielles d'accueil ont été suspendues sur le fondement de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015, cité au point 7 du présent arrêt, le demandeur peut, notamment dans l'hypothèse où la France est devenue responsable de l'examen de sa demande d'asile, en demander le rétablissement. Il appartient alors à l'OFII, pour statuer sur une telle demande de rétablissement, d'apprécier la situation particulière du demandeur à la date de la demande de rétablissement au regard notamment de sa vulnérabilité, de ses besoins en matière d'accueil ainsi que, le cas échéant, des raisons pour lesquelles il n'a pas respecté les obligations auxquelles il avait consenti au moment de l'acceptation initiale des conditions matérielles d'accueil.

19. D'une part, il ne ressort pas des motifs de la décision litigieuse qui précise notamment que l'évaluation de la situation personnelle de Mme B... ne fait pas apparaitre de facteur particulier de vulnérabilité au sens de l'article L.744-6 précité que l'OFII n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation en refusant de faire droit à la demande de rétablissement. La requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que l'OFII n'aurait pas procédé à un examen personnel de sa situation.

20. D'autre part, si Mme B... se prévaut de sa situation de vulnérabilité, aucune pièce du dossier ne vient établir la réalité des faits de prostitution et de viol dont la requérante soutient avoir été victime. Par ailleurs, l'acte médical attestant d'un avortement le 2 février 2018, soit plus d'un an avant la décision attaquée, n'est pas de nature à démontrer qu'elle était, à la date de la décision contestée, dans une situation de vulnérabilité au sens de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité. Enfin, Mme B... n'apporte aucun élément justifiant des raisons personnelles l'ayant conduit à ne pas respecter ses obligations de présentation auprès des autorités françaises afin d'exécuter la mesure de transfert. Dans ces conditions, au regard du motif pour lequel les conditions matérielles d'accueil ont été interrompues et de la situation personnelle de la requérante, c'est sans erreur de droit, ni erreur manifeste d'appréciation que l'OFII a refusé à l'intéressée de rétablir ses droits.

21. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Au regard de ce qui a été dit aux points 16 et 20 du présent arrêt, la requérante n'établit pas que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations précitées.

22. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 juin 2019.

23. Par voie de conséquence ses conclusions à fin d'annulation, celles à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent elles aussi être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

N. Basso

2

N° 22NC00649


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00649
Date de la décision : 29/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : DE FROMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-11-29;22nc00649 ?
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