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29/11/2022 | FRANCE | N°19NC02466

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 29 novembre 2022, 19NC02466


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Office national des forêts à lui verser une somme de 15 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ceux-ci, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison, d'une part, de sa mise à l'écart injustifiée du service entre les 31 mars et 10 mai 2014, et, d'autre part, des faits de harcèlement moral dont il a été victime entre 2010 et 2014.

Par un jugement n° 1604246 du 22 mai 2

019, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'Office national des forêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Office national des forêts à lui verser une somme de 15 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ceux-ci, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison, d'une part, de sa mise à l'écart injustifiée du service entre les 31 mars et 10 mai 2014, et, d'autre part, des faits de harcèlement moral dont il a été victime entre 2010 et 2014.

Par un jugement n° 1604246 du 22 mai 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'Office national des forêts à verser à M. B... une indemnité de 250 euros, tous intérêts compris, et a mis à la charge de l'Office national des forêts une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 juillet 2019, 27 octobre 2020 et 23 mars 2021 et un mémoire récapitulatif enregistré le 7 février 2022, M. B..., représenté par Me Frachet, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer le jugement du 22 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a limité à la somme de 250 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Office national des forêts en réparation du préjudice subi ;

2°) de porter à la somme de 15 000 euros le montant de l'indemnité due au titre de la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de l'illégalité de la décision du

14 avril 2014 et des agissements de harcèlement moral dont il estime avoir été victime au titre des années 2010 à 2014 ;

3°) de constater et déclarer la nullité des arrêtés des 24 mars et 20 mai 2016 par lesquels le directeur général de l'Office national des forêts a respectivement prononcé sa mise à la retraite d'office et sa radiation des cadres à compter du 1er juin 2016 ;

4°) de mettre à la charge de l'Office national des forêts la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête d'appel n'est pas tardive ;

- en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, le jugement est irrégulier en tant qu'il ne mentionne pas et n'analyse pas la demande d'annulation de la décision du 17 juin 2016 par laquelle l'Office national des forêts a refusé de l'indemniser des préjudices subis ;

- les premiers juges ont commis des erreurs de droit, méconnu leur office, omis de statuer, entaché leur décision d'un défaut de motivation, dénaturé les pièces du dossier, les faits et termes du litige, inversé la charge de la preuve et n'ont pas respecté l'autorité absolue de la chose jugée, les droits de la défense et les principes du contradictoire et d'impartialité ;

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré des agissements de harcèlement moral commis à son encontre concernant les évaluations 2011 à 2013 et ses notations de 2010 à 2011 ; les premiers juges ont également dénaturé les pièces du dossier et omis de statuer sur le moyen tiré des agissements de harcèlement moral des directeurs de l'agence à son encontre ;

- les premiers juges n'ont ordonné aucune mesure d'instruction afin d'apprécier si les agissements allégués étaient constitutifs d'agissement d'harcèlement moral ;

- les premiers juges n'ont pas respecté les droits de la défense en se fondant sur le contenu d'un courriel du 10 avril 2013 qui n'a pas été soumis au débat contradictoire ;

- en tout état de cause, il est victime de faits constitutifs de harcèlement moral faisant obstacle au prononcé d'une sanction ; les agissements de l'administration, qui excédaient l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, se sont révélés dans les évènements concernant son armement de service et ses tournées de surveillance, ses évaluations et notations ainsi que son avancement professionnel, l'agression physique dont il a été victime, le refus de lui accorder des congés annuels en 2013, et la tentative de le faire évincer médicalement et disciplinairement du service ;

- la décision du 14 avril 2014 par laquelle il a été placé d'office en congé de maladie ordinaire est également constitutive d'un agissement de harcèlement moral ;

- la décision du 14 avril 2014 par laquelle il a été placé d'office en congé de maladie ordinaire a été annulée par un jugement du 29 février 2016 du tribunal administratif de Strasbourg est illégale et donc abusive ;

- la décision du 14 avril 2014 a porté atteinte à sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; cette décision révèle une volonté de nuire constitutive d'une faute grave ;

- l'absence de restitution de son matériel et de son véhicule administratif, l'absence d'évaluations professionnelles et le versement tardif de ses rémunérations sont constitutifs d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'ONF ;

- cette mise à l'écart injustifiée justifie l'allocation d'une indemnité en réparation de préjudices physique, résultant de la nécessité de faire des tournées de surveillance à pied, et moral, en raison de l'atteinte portée à sa dignité, sa réputation et sa considération.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2019, l'Office national des forêts, représenté par la SCP Delvolvé et Trichet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable car tardive ;

- les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés des 24 mars et 20 mai 2016 sont nouvelles en appel et donc irrecevables ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la demande indemnitaire de première instance fondée sur des faits de harcèlement moral, fait générateur distinct de celui résultant de la demande préalable indemnitaire exclusivement fondée sur l'illégalité fautive de l'arrêté du 14 avril 2014 plaçant d'office M. B... en congé de maladie.

Par un mémoire, enregistré le 28 octobre 2022, qui n'a pas été communiqué, l'ONF a présenté des observations sur le moyen d'ordre public.

Par plusieurs courriers, non communiqués, M. B... a fait part à la cour de son impossibilité de répondre à ce moyen d'ordre public, faute d'avocat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denizot, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Deux notes en délibéré, enregistrées les 16 et 22 novembre 2022 ont été présentées par

M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., technicien opérationnel forestier, a exercé, en dernier lieu, les fonctions de chef de triage forestier à Schoenbourg. M. B... a présenté le 16 mai 2016 à l'Office national des forêts (ONF) une demande indemnitaire tendant à la réparation des préjudices subis en raison uniquement de l'illégalité de la décision du 14 avril 2014 le maintenant d'office en congé maladie. Par un jugement du 22 mai 2019, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'ONF à verser à M. B... une indemnité de 250 euros en réparation du préjudice moral que l'intéressé a subi en raison de l'illégalité de la décision du 14 avril 2014 et rejeté le surplus de sa demande qui portait notamment sur l'indemnisation des préjudices résultant du harcèlement moral.

Sur la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau des conclusions présentées dans la requête d'appel :

2. M. B... a présenté des conclusions tendant à déclarer les arrêtés des 24 mars et 20 mai 2016 prononçant sa suspension et sa mise à la retraite d'office comme nuls et nul effet. Toutefois, de telles conclusions, qui ont été présentées pour la première fois en appel, sont, ainsi que le soutient l'ONF, irrecevables et doivent être rejetées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, la décision de l'ONF du 17 juin 2016 a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de M. B... qui, en formulant des conclusions indemnitaires, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Eu égard à l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressé à percevoir la somme qu'il réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux, sont sans incidence sur la solution du litige. Par suite, c'est par une exacte interprétation des conclusions de M. B... que les premiers juges n'ont pas visé la demande tendant à l'annulation de la décision du 17 juin 2016 et ont mentionné uniquement les conclusions tendant à la condamnation de l'ONF.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des pièces du dossier, que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par M. B..., a suffisamment motivé les réponses apportées aux moyens soulevés par M. B.... Par suite, le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation.

5. En troisième lieu, il ressort des termes du jugement contesté que le tribunal administratif de Strasbourg, s'il a mentionné l'existence d'un courrier électronique du 10 avril 2013, n'a pas fondé son jugement sur cette pièce, dont l'existence et le contenu étaient, au demeurant, révélés par les pièces jointes à la demande de première instance et notamment la saisine du comité médical départemental. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Strasbourg aurait méconnu le principe du contradictoire et les droits de la défense en se fondant sur un courrier électronique qui n'a pas été soumis au débat contradictoire.

6. En dernier lieu, M. B... soutient de manière plus générale que les premiers juges ont commis des erreurs de droit, méconnu leur office, omis de statuer, entaché leur décision d'un défaut de motivation, dénaturé les pièces du dossier, les faits et termes du litige, inversé la charge de la preuve et n'ont pas respecté l'autorité absolue de la chose jugée, les droits de la défense et les principes du contradictoire et d'impartialité. Toutefois, d'une part, aucun élément des écritures de M. B... ne permet précisément d'identifier une omission à statuer sur des conclusions ou moyens, une méconnaissance des droits de la défense et une insuffisance de motivation autres que celles évoquées aux points précédents, du principe du contradictoire et une partialité des premiers juges. D'autre part, les moyens tirés de l'erreur de droit, de la dénaturation des pièces du dossier, des faits et termes du litige, de l'inversion de la charge de la preuve et de la méconnaissance de l'autorité absolue de la chose jugée relèvent de la contestation du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.

7. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires fondées sur les agissements allégués de harcèlement moral :

8. Aux termes de l'article 6 quinquies de loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".

9. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui.

10. En premier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les notations, évaluations ou avancement que M. B... conteste régulièrement, ne reflèteraient pas la juste appréciation de sa valeur professionnelle, en particulier de ses difficultés à travailler en équipe et de ses difficultés relationnelles. A cet égard, si M. B... se plaint du refus de l'ONF de reconnaître l'imputabilité au service d'une maladie contractée en 1991 due au martelage et du refus d'utiliser la peinture à la place du marteau forestier sans tenir compte de ses problèmes de santé, expliquant ainsi sa baisse de notation injustifiée, ses allégations ne sont corroborées par aucune pièce du dossier. Par ailleurs, la circonstance que la demande de révision de la notation de 2011 ait obtenu un avis favorable de la commission de révision n'est pas davantage de nature à faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral. Enfin, si plusieurs décisions de l'ONF en matière de notation, d'avancement et de congés ont été annulées par le tribunal administratif de Strasbourg et la cour administrative d'appel de Nancy, ces seules illégalités ne sont pas davantage de nature à faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral.

11. En deuxième lieu, si M. B... se plaint du retrait de son arme de service l'ayant empêché de mener à bien ses missions de surveillance en équipe et ayant contribué à son isolement, il résulte de l'instruction que cette mesure était fondée sur l'intérêt du service, notamment dans un but de sécurité et n'avait en aucun cas pour objectif de restreindre les missions de M. B... ni de l'empêcher de travailler en équipe.

12. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que si les relations entre M. B... et son supérieur hiérarchique étaient conflictuelles, la réalité de l'agression physique du 2 avril 2013 dont aurait été victime M. B... n'est établie par aucune pièce du dossier. M. B... ne justifie pas davantage que le comportement de son supérieur hiérarchique à son égard, ainsi que la plainte déposée à son encontre le 2 décembre 2013, excéderaient l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. A cet égard, si M. B... soutient que l'ONF a interdit à ses collègues d'entrer en contact avec lui et de lui rédiger des témoignages écrits, ces allégations ne sont corroborées par aucune pièce. Ainsi de tels éléments ne suffisent pas à faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral.

13. En quatrième lieu, si, d'une part, le service d'aide médicalisé d'urgence a été envoyé au domicile de M. B..., le 10 avril 2013, sur demande de sa hiérarchie à la suite de l'alerte d'un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et de l'absence de réponse aux appels téléphoniques de sa hiérarchie, cette intervention, réalisée dans le contexte particulier du suicide très récent d'un agent de l'ONF ne saurait présumer, à elle seule, l'existence d'agissements de harcèlement moral de la hiérarchie de M. B.... D'autre part, il résulte de l'instruction que l'ONF a décidé le 10 avril 2013 de suspendre M. B... de ses fonctions pour une durée de quatre mois, l'a convoqué les 15 et 18 avril 2013 à des visites médicales, a saisi le

16 mai 2013 le comité médical départemental, a placé d'office M. B... le 16 mai 2013 en congé maladie, l'a privé le 16 juillet 2013 d'une bonification de son ancienneté pour le calcul de son avancement d'échelon, a suspendu son traitement le 1er octobre 2013, et a implicitement refusé de lui attribuer des congés annuels et des réductions de temps de travail en 2013. Si les décisions des

10 avril, 16 mai et 16 juillet 2013, annulées par la juridiction administrative, manifestent une gestion inappropriée de la situation administrative de M. B... par l'ONF, elles s'expliquent par le contexte particulier dans lesquelles elles ont été prises au regard des refus de l'intéressé de se rendre aux visites médicales auxquelles il était convoqué et des difficultés relationnelles récurrentes avec sa hiérarchie. Dans ces circonstances particulières, les décisions regrettables de l'administration ne permettent ainsi pas de faire présumer l'existence d'actes constitutifs de harcèlement moral. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que son éviction du service, pour des raisons médicales, ferait présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral.

14. En cinquième lieu, ainsi que l'ont jugé à plusieurs reprises le tribunal administratif de Strasbourg et la cour administrative d'appel de Nancy, il ne résulte pas de l'instruction que la réintégration, le 24 mars 2016, de M. B... dans un emploi d'agent patrimonial au sein des services fonctionnels de l'agence Nord Alsace à Schoenbourg aurait revêtu le caractère d'une nomination pour ordre nulle et non avenue. En outre, à supposer même que l'arrêté du 24 mars 2016 portant réintégration de M. B... procède à une reconstitution incomplète de sa carrière, une telle circonstance, au demeurant non établie par les pièces du dossier, est sans incidence sur la légalité des décisions des 24 mars et 20 mai 2016 prononçant la suspension et la mise à la retraite d'office de l'intéressé. Au demeurant, ainsi que l'a jugé en dernier lieu la cour administrative d'appel de Nancy dans un arrêt du 27 décembre 2019, il ne résulte pas de l'instruction que l'arrêté du 20 mai 2016 par lequel le directeur général de l'ONF aurait infligé à M. B... une mise à la retraite d'office aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière ou n'aurait pas été justifié. Enfin, il résulte de l'instruction que la suspension de M. B... prononcée le 24 mars 2016 était motivée par les faits, mentionnés dans le procès-verbal d'enquête disciplinaire du 23 décembre 2013, et tirés notamment de ce que l'intéressé a proféré des menaces de mort envers son supérieur hiérarchique le

2 décembre 2013 et de ses manquements répétés au devoir d'obéissance hiérarchique. Les faits ainsi retenus à l'encontre du requérant présentaient, à la date à laquelle sa suspension a été prononcée, un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier l'éloignement de M. B... du service à titre conservatoire. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les décisions des 24 mars et 20 mai 2016, qui l'ont évincé disciplinairement du service, seraient de nature à faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral.

15. En sixième lieu, M. B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui n'a en tout état de cause pas vocation à s'appliquer aux conséquence des décisions annulées.

16. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'ONF ait usé de propos déloyaux à l'égard de M. B... tant dans la gestion de sa carrière que dans les différents litiges soumis au juge en dissimulant des preuves méconnaissant ainsi les droits de la défense.

17. Par conséquent, et sans qu'il soit besoin de diligenter une mesure d'instruction qui revêtirait en l'espèce un caractère frustratoire, les faits allégués pris isolément ou collectivement s'ils manifestent une gestion inappropriée de la situation difficile de M. B..., ne sont pas de nature à faire présumer l'existence d'actes constitutifs de harcèlement moral.

18. Il en résulte, sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions fondées sur le harcèlement moral dont il se dit victime.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité fautive de la décision du 14 avril 2014 :

S'agissant de la faute :

19. En principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute de nature à engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain. L'intervention d'une décision illégale ne saurait toutefois ouvrir droit à réparation notamment si les dommages ne trouvent pas leur cause dans cette illégalité, mais découlent directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle la victime s'est elle-même placée, indépendamment des faits commis par la puissance publique, et à laquelle l'administration aurait pu légalement mettre fin à tout moment ou si une décision d'effet équivalent aurait dû légalement être prise.

20. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par un jugement du 29 février 2016, devenu définitif, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 14 avril 2014 par laquelle le directeur territorial de l'ONF a maintenu d'office M. B... en congé de maladie ordinaire au titre de la période du 31 mars au 30 avril 2014, au motif que l'administration avait commis une erreur dans l'appréciation de la compatibilité de l'état de santé de M. B... avec l'exercice de ses fonctions. Cette illégalité est fautive et de nature à engager la responsabilité de l'ONF.

21. En deuxième lieu, si M. B... soutient que la décision du 14 avril 2014 méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle révèlerait une réelle volonté de nuire caractérisant une faute grave, il ne résulte pas de l'instruction que de telles illégalités, à les supposer même établies, ouvriraient un droit à réparation différent et supérieur à celui qui est imputable à l'erreur d'appréciation commise par l'ONF sur l'incompatibilité de l'état de santé de M. B... avec l'exercice de ses fonctions.

22. En dernier lieu, si M. B... soutient que l'absence de restitution de son matériel et de son véhicule administratif, l'absence d'évaluations professionnelles et le versement tardif de ses rémunérations seraient constitutifs d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'ONF, de telles allégations, se rattachent à l'argumentation du requérant sur l'existence d'agissements de harcèlement moral. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction que la mise à l'écart injustifiée du service du 31 mars au 30 avril 2014 serait imputable à de telles fautes, à les supposer même avérées.

23. Il résulte de ce qui précède que M. B... est uniquement fondé à rechercher la responsabilité de l'ONF pour la faute commise le 14 avril 2014 maintenant l'intéressé d'office en congé de maladie ordinaire du 31 mars au 30 avril 2014.

S'agissant des préjudices :

24. En premier lieu, si M. B... se prévaut d'un préjudice physique, au demeurant non établi, il résulte de l'instruction que la nécessité pour l'intéressé de réaliser des tournées de surveillance à pied est uniquement imputable à la décision du 2 décembre 2013 lui retirant l'usage de son véhicule administratif et n'est pas imputable à la décision illégale du 14 avril 2014. Par suite, M. B... n'est pas fondé à demander l'indemnisation de ce chef de préjudice en raison de l'illégalité de la décision du 14 avril 2014.

25. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'évaluation à 250 euros, tous intérêts et capitalisation des intérêts compris du préjudice moral subi par M. B... en raison de sa mise à l'écart du service du 31 mars au 30 avril 2014 soit insuffisante.

26. Il en résulte que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'ONF, en réparation de l'illégalité fautive de la décision du 14 avril 2014, à lui verser une somme de 250 euros, tous intérêts et capitalisation des intérêts compris.

27. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête d'appel, que M. B... n'est pas fondé à demander la réformation du jugement attaqué.

Sur les frais liés à l'instance :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. B... présentées sur ce fondement, l'ONF n'étant pas la partie perdante à l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'ONF présentées sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Office national des forêts présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Office national des forêts.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 19NC02466


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02466
Date de la décision : 29/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : FRACHET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-11-29;19nc02466 ?
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