Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 mars 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation avec remise immédiate d'une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte et enfin de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 2103672 du 6 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 22NC00923 le 13 avril 2022, Mme A..., représentée par Me Ramoul-Benkhhodja, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 octobre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 mars 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation avec remise immédiate d'une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
s'agissant du refus de titre de séjour :
- la procédure suivie devant la commission du titre de séjour est irrégulière ; il est demandé à cet égard la production de l'arrêté publié désignant les membres de cette commission ainsi que la demande d'avis motivée et accompagnée des pièces permettant l'examen de sa situation ;
- le signataire de l'arrêté contesté n'était pas compétent ;
- cet arrêté est entaché d'un défaut de motivation ;
- il est entaché d'une erreur de fait, d'un défaut d'examen préalable, d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une insuffisance d'examen et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la circulaire INTK1229185C du 28 novembre 2012 ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale dès lors qu'elle disposait à la date de son édiction d'une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 14 janvier 2020 ;
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2022, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête de Mme A... est irrecevable dès lors qu'elle a été formée après l'expiration du délai d'appel et n'est pas accompagnée des décisions attaquées ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante de la République démocratique du Congo, est entrée irrégulièrement en France en 2007. Sa demande d'asile, puis sa demande de réexamen ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile. Le préfet du Haut-Rhin lui a délivré des titres de séjour pour raisons de santé valables du 16 novembre 2009 au 15 mai 2010 et du 16 novembre 2010 au 15 novembre 2011. Par un arrêté du 3 octobre 2011, le préfet du Haut-Rhin lui a refusé le renouvellement de ce titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. Par arrêtés des 30 mai 2013 et 18 décembre 2014, il a également rejeté une demande d'admission exceptionnelle au bénéfice du titre " salarié " et une demande de titre de séjour pour raisons de santé formées par Mme A..., et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le 15 janvier 2019, l'intéressée a de nouveau sollicité son admission exceptionnelle au séjour en se prévalant de sa présence en France depuis plus de dix ans. L'arrêté du 24 octobre 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin a rejeté cette demande et de nouveau obligé Mme A... à quitter le territoire français a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 juin 2020. Après réexamen de la demande de Mme A... et au vu de l'avis défavorable de la commission du titre de séjour, le préfet du Haut-Rhin l'a à nouveau rejetée et l'a assorti d'une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de renvoi, par un arrêté du 19 mars 2021. Mme A... relève appel du jugement du 6 octobre 2021, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 19 mars 2021 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, Mme A... reprend en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 19 mars 2021 et du défaut de motivation entachant cet arrêté. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, en se bornant à soutenir que la procédure suivie devant la commission du titre de séjour est irrégulière et à demander la production de l'arrêté publié désignant les membres de cette commission ainsi que la demande d'avis motivée, accompagnée des pièces permettant l'examen de sa situation, documents dont elle a, du reste, reçu communication en première instance, Mme A... n'assortit pas son moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la date de l'arrêté contesté : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
5. En présence d'une demande présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette hypothèse, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
6. Si Mme A... se prévaut de sa présence ininterrompue en France depuis 2007, de plusieurs périodes de travail ou de formation professionnelle, dont la poursuite n'a été entravée, selon elle, que par sa situation irrégulière au regard du séjour, de sa maîtrise du français, de son engagement dans diverses activités associatives et plus généralement de ses efforts d'intégration, elle ne justifie d'aucune attache personnelle ou familiale en France, tandis qu'elle n'en est pas dépourvue dans son pays d'origine, où résident ses enfants, sa mère et sa sœur et ne justifie pas, par le seul rappel de ses brèves périodes de travail ou de formation, d'une qualification professionnelle ou de perspectives sérieuses d'embauche, notamment dans des secteurs où des besoins existent. Par suite, le préfet du Haut-Rhin n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'elle ne présentait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour.
7. En quatrième lieu, la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comporte des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation des étrangers en situation irrégulière, mesures de faveur au bénéfice desquelles ceux-ci ne peuvent faire valoir aucun droit. Les intéressés ne peuvent donc utilement se prévaloir de telles orientations à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre une décision préfectorale refusant de régulariser leur situation par la délivrance d'un titre de séjour. En outre, si l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration instituent une garantie au profit de l'usager en vertu de laquelle toute personne qui l'invoque est fondée à se prévaloir, à condition d'en respecter les termes, de l'interprétation, même illégale, d'une règle contenue dans un document que son auteur a souhaité rendre opposable, en le publiant dans les conditions prévues aux articles R. 312-10 et D. 312-11 du même code, tant qu'elle n'a pas été modifiée, le législateur, en instituant le mécanisme de cette garantie, n'a pas permis de se prévaloir d'orientations générales dès lors que celles-ci sont définies pour l'octroi d'une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l'intéressé ne peut faire valoir aucun droit, alors même qu'elles ont été publiées sur l'un des sites mentionnés à l'article D. 312-11 de ce code. Il suit de là que dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, Mme A... ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la date de l'arrêté contesté : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° (...) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France en 2007, alors âgée de 32 ans. Elle n'y a séjourné de manière régulière que durant les périodes du 16 novembre 2009 au 15 mai 2010 et du 16 novembre 2010 au 15 novembre 2011, au cours desquelles elle a bénéficié d'un titre de séjour pour raisons de santé, ainsi qu'au cours des périodes où elle a été mise en possession de récépissés de demande d'asile ou de titres de séjour. Elle ne justifie d'aucune attache privée ou familiale en France, tandis que ses enfants, sa mère et sa sœur résident en République démocratique du Congo, son pays d'origine. Dans ces circonstances, eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressée, le refus de titre de séjour que lui a opposé le préfet du Haut-Rhin, n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel cette décision a été prise, tandis qu'il n'est pas établi que le préfet n'aurait pas procédé à un examen de la situation de la requérante notamment au regard sa vie privée en France. Il n'a dès lors méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice par le préfet de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.
10. En sixième lieu, le moyen tiré par Mme A... de ce que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé est entaché d'une erreur de fait n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, Mme A... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour, elle n'est pas fondée à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
12. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, elle n'était plus en possession d'une autorisation provisoire de séjour en cours de validité à la date à laquelle le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré de ce que la détention d'une telle autorisation provisoire faisait obstacle à son éloignement doit dès lors être écarté.
13. En troisième, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 6 et 9 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de la requérante.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
15. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme A....
Sur les frais liés à l'instance :
16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
17. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 novembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. Goujon-FischerLe président,
Signé : M. C...
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 22NC00923