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17/11/2022 | FRANCE | N°21NC03131

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 17 novembre 2022, 21NC03131


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 27 octobre 2021 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et l'arrêté du 27 octobre 2021 portant assignation à résidence au sein de la Métropole du Grand Nancy pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable.

Par un jugement n° 2103163 d

u 4 novembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 27 octobre 2021 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et l'arrêté du 27 octobre 2021 portant assignation à résidence au sein de la Métropole du Grand Nancy pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable.

Par un jugement n° 2103163 du 4 novembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 décembre 2021, M. A... représenté par Me Couronne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 4 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 27 octobre 2021 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et l'arrêté du 27 octobre 2021 portant assignation à résidence au sein de la Métropole du Grand Nancy pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable ;

3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) d'enjoindre au préfet de retirer le signalement aux fins de non admission dans le système Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ce qui révèle un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- la décision sera annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision sera annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision sera annulée en conséquence de l'annulation des précédentes décisions ;

- elle est insuffisamment motivée en droit et en fait au regard des quatre critères cumulatifs prévus à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- la décision sera annulée en conséquence de l'annulation des précédentes décisions.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 13 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant albanais né le 20 avril 1978, mariée à Mme C... A... avec qui il a eu quatre enfants, B... née en 2007, Artemisa née en 2009, Juljana née en 2012 et Romelia née en 2016, est entré sur le territoire français une première fois le 1er avril 2013. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) puis la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et il a ensuite fait l'objet le 14 novembre 2014 d'une décision de refus d'admission au séjour et d'une obligation de quitter le territoire français. Le 24 janvier 2017, il a également fait l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français et a été éloigné par voie aérienne le 14 avril 2017. A la suite de son retour en France le 5 mars 2019, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour le 18 juin 2020 qui lui a été implicitement refusée le 18 octobre 2020. Le 26 octobre 2021, il a été interpellé par les services de la police aux frontières. Par deux décisions du 27 octobre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a, d'une part, obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois, et, d'autre part, l'a assigné à résidence au sein de la Métropole du Grand Nancy pour une durée de quarante-cinq jours renouvelables avec une obligation de présence au domicile de 7 h à 10 h du matin et une obligation de pointage au commissariat tous les jeudis à 15 h. Par la présente requête, M. A... fait appel du jugement du 4 novembre 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité des décisions attaquées :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, le requérant reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance tirés du défaut de motivation de la décision litigieuse et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale. Il y a lieu d'écarter ces moyens à l'appui desquels le requérant ne présente aucun élément de fait ou de droit nouveau, par adoption de motifs retenus à bon droit par le premier juge.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est revenu récemment en France, depuis deux ans à la date de l'arrêté attaqué, pour y rejoindre son épouse et leurs quatre enfants mineurs tous en situation irrégulière. De plus, M. A... n'établit pas de liens intenses et stables en France, alors même qu'il déclare avoir encore des frères et sœurs dans son pays d'origine. Enfin, la création et l'immatriculation, extrêmement récentes, d'une entreprise de travaux forestiers au Registre du commerce et des sociétés ne saurait faire obstacle à une mesure d'éloignement. Ainsi, dans ces conditions, la cellule familiale n'ayant pas vocation à être séparée en cas de retour en Albanie et eu égard à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé en France, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des objectifs poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les quatre enfants mineurs des requérants qui n'ont pas vocation à être séparés de leurs parents, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine, l'Albanie. Dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant est écarté.

7. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points précédents, le moyen tiré de l'erreur manifeste commise par le préfet dans l'appréciation de la situation personnelle du requérant et des conséquences des mesures d'éloignement doit être écarté.

En ce qui concerne la décision refusant le délai de départ volontaire :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français (...) ".

10. Il ressort du procès-verbal d'audition du 26 octobre 2021 que M. A... a indiqué son intention de ne pas vouloir rentrer en Albanie et de rester en France. Dès lors, le préfet de Meurthe-et-Moselle était fondé à lui refuser un délai de départ volontaire sur le fondement des dispositions précitées et sa décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

12. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". Il ressort de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans les cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

13. Il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet de Meurthe-et-Moselle a pris la décision portant interdiction de retour sur le territoire français sur le fondement des articles précités en procédant à un examen particulier de la situation du requérant et en prenant en compte les critères mentionnés à l'article L. 612-10 précité, notamment en raison de sa courte durée de séjour en France et de l'absence de liens intenses et stables sur le territoire français. En outre, il ne fait valoir aucune circonstance humanitaire de nature à empêcher l'édiction d'une telle décision à son encontre. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'interdiction de retour de dix-huit mois prononcée à son encontre serait entachée d'erreur d'appréciation dans son principe ou sa durée.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'assignant à résidence serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des décisions du préfet lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 novembre 2022.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. D...

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 21NC03131


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03131
Date de la décision : 17/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : AARPI BDF AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-11-17;21nc03131 ?
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