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10/11/2022 | FRANCE | N°20NC02550

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 10 novembre 2022, 20NC02550


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) AXE ENERGIES a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de rétablir le déficit reportable de l'exercice 2013 à hauteur de 32 765 euros et de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1806448 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

P

ar une requête enregistrée le 1er septembre 2020, l'EURL AXE ENERGIES, représentée par Me Kempf, dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) AXE ENERGIES a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de rétablir le déficit reportable de l'exercice 2013 à hauteur de 32 765 euros et de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 1806448 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er septembre 2020, l'EURL AXE ENERGIES, représentée par Me Kempf, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de la décharger des impositions et pénalités contestées et de rétablir le déficit reportable de l'exercice 2013 à hauteur de 32 765 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision d'externaliser son service commercial relève de sa liberté de gestion dans laquelle l'administration fiscale ne saurait s'immiscer ; en l'espèce l'administration ne rapporte pas la preuve que les sommes versées par elle à la société HB Consulting ne relèveraient pas d'une gestion commerciale normale ; les éléments mis en avant par l'administration, constituant selon elle un faisceau d'indices, ne sont pas significatifs de l'absence d'intérêt d'avoir recours aux services d'HB Consulting alors qu'elle est dépourvue de force commerciale et que le démarchage de nouveaux clients est essentiel pour son activité ; l'évolution du chiffre d'affaires témoigne de la réalité et de l'utilité des prestations fournies par HB Consulting et alors que cette dernière n'est rémunérée qu'à la commission sur chaque affaire conclue grâce à elle ;

- contrairement à ce qu'a estimé l'administration, MM D... et B... n'ont aucune fonction commerciale et n'ont que des attributions techniques ainsi qu'en attestent leurs contrats de travail ; ces contrats de travail, rémunérés au forfait jour, ne les empêchent nullement de développer une activité commerciale au sein de HB Consulting.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Axe Energies a pour activité la conception, la vente, l'installation et l'entretien d'appareils de climatisation et de chauffage. Ella a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 à l'issue de laquelle l'administration, à la suite d'une proposition de rectification du 20 mai 2016 notifiée selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, a procédé à la réintégration dans les bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés des années 2013 et 2014 des commissions versées à une société HB Consulting en vertu d'un contrat d'agent commercial, commissions qu'elle a regardées comme constitutives d'un acte anormal de gestion. La société vérifiée n'ayant pas accepté les rectifications, celles-ci ont été confirmées par lettre du 26 septembre 2016 et à l'issue d'une entrevue avec le supérieur hiérarchique du vérificateur du 27 octobre 2016. La commission départementale des impôts directs a émis un avis favorable à ces redressements le 12 juin 2017. Le supplément d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2014, assorti de la pénalité pour manquement délibéré, a été mis en recouvrement le 17 janvier 2018. La réclamation préalable de la société a été rejetée par l'administration le 3 septembre 2018. La société Axe Energies relève appel du jugement du 15 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition supplémentaire et au rétablissement du déficit reportable de l'année 2013.

2. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

3. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

4. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'une société a commis un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.

5. Il résulte de l'instruction que la société Axe Energies a déduit de ses bénéfices des années 2013 et 2014 les sommes de 32 765,44 euros hors taxes (HT) et 105 461,55 euros HT à titre de commissions versées à une société HB Consulting en rémunération de prestations d'agent commercial. Afin de justifier de ces écritures, la société requérante a produit les factures correspondantes établies par son fournisseur comportant le détail de chaque commission. Elle a également produit le contrat d'agence commerciale conclue avec la société HB Consulting le 13 juillet 2013 par lequel elle a confié à cette société l'exclusivité de sa représentation commerciale pour l'ensemble de ses produits et prestations. Cette convention stipule que l'agent commercial sera rémunéré par une commission égale à 5 % de chaque vente hors taxes de produits et prestations conclue avec des anciens clients et de 8 % hors taxes dans le cas des ventes conclues auprès de nouveaux clients. Si l'administration a pu soutenir que la réalité des prestations fournies par la société HB Consulting n'avait pas été établie par la société requérante, elle ne soutient pas, et il ne résulte pas de l'instruction, que les ventes figurant sur les factures produites ayant donné lieu à commissions versées à HB Consulting n'auraient pas été conclues ou seraient fictives. Par suite, en produisant ces éléments à l'appui de ses écritures, la société requérante doit être regardée comme ayant justifié du principe même de la déductibilité de ses bénéfices des commissions litigieuses.

6. Toutefois, il résulte de l'instruction que les prestations de commercialisation présentées comme ayant été fournies par la société HB Consulting ont été matériellement assurées par MM C... et B..., associés fondateurs de cette société, qui sont également les salariés de la société Axe Energies et anciens cadres d'entreprises dont la société requérante avait acquis la clientèle. Il résulte également de l'instruction que M. B... a été recruté par contrat de travail à durée indéterminée le 1er mars 2011 en qualité de " technico-commercial Niveau VIII " à temps complet et au salaire mensuel brut de 6 556,06 euros. M. C... a été recruté par contrat de travail à durée indéterminée le 1er mars 2011 en qualité de " technico-commercial/responsable administratif, Niveau VIII " à temps complet et au salaire mensuel brut de 6 556,06 euros. Il ressort en outre de l'organigramme de la société requérante remis au vérificateur le 17 juin 2015 que M. B... occupait les fonctions de directeur commercial tandis que M. C... assurait les fonctions de directeur technique. Il est vrai que, le 30 juillet 2015, la société requérante a présenté un nouvel organigramme mentionnant M. C... comme directeur technique chauffage et M. B... comme directeur technique climatisation ainsi que, par courriel du 10 août 2015, des avenants aux contrats de travail des intéressés, conclus le 27 mai 2013, stipulant qu'ils occuperaient ces emplois à compter du 1er juin 2013, à l'exclusion de toute autre fonction, les autres clauses des contrats ne subissant aucune modification, en particulier en ce qui concerne leurs temps complets. Mais, si la société requérante soutient que l'emploi du temps des intéressés au sein de son entreprise était exclusivement consacré à leurs attributions techniques en matière de climatisation et de chauffage, il est constant que les emplois sur lesquels ils ont été recrutés consistaient également à assurer des fonctions commerciales, à obtenir le renouvellement des contrats auprès des anciens clients et à démarcher et recruter de nouveaux clients. Ce n'est qu'à la suite des demandes du vérificateur portant sur la justification des commissions versées à HB Consulting que la société requérante a présenté en cours de vérification les documents ci-dessus analysés, censés justifier l'affectation exclusive des deux salariés à des fonctions techniques. Si la société requérante soutient que l'emploi exercé en son sein par les deux salariés leur laisse tout le temps nécessaire pour assurer leurs fonctions commerciales au sein de la société HB Consulting, une telle circonstance paraît démentie par l'examen des plannings de travail des intéressés auquel s'est livré le vérificateur et qui figure dans la proposition de rectification du 20 mai 2016. Il résulte en réalité de l'ensemble de ces éléments que MM C... et B... ont continué à assurer au sein de la société HB Consulting leurs fonctions commerciales aux côtés de leurs attributions techniques dans les mêmes conditions pour lesquelles ils avaient été recrutés par les contrats de travail du 1er mars 2011. Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que si la société Axe Energies a pris, comme elle peut librement le faire, la décision de gestion d'assurer une augmentation des rémunérations de ses deux cadres salariés non par le biais des salaires versés mais au moyen d'une externalisation de leurs attributions commerciales au sein d'une société tierce à laquelle elle a versé des commissions, elle n'est pas pour autant fondée à déduire les sommes versées à ce titre dès lors que les prestations correspondantes ont été effectuées par les intéressés dans le cadre des contrats de travail qui les liaient à elle, pour la rémunération qui y était stipulée, et non pas par la société HB Consulting elle-même. Par suite, l'administration doit être regardée comme ayant apporté la preuve que le versement des commissions litigieuses ne relève pas d'une gestion commerciale normale et c'est à juste titre qu'elle a réintégré les sommes correspondantes dans les bénéfices imposables de la société Axe Energies.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Axe Energies n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'EURL Axe Energies est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Axe Energies et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 20NC02550

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02550
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : GROUPEMENT STRASBOURGEOIS D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-11-10;20nc02550 ?
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