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08/11/2022 | FRANCE | N°19NC02257

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 08 novembre 2022, 19NC02257


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SGTP 67, venant aux droits de la société Gartiser, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Phalsbourg à lui verser une somme de 70 324,80 euros correspondant à l'indemnité contractuelle qu'elle estime due au titre de la plus-value induite par les travaux qu'elle a réalisés sur le terrain qui lui avait été vendu par la commune de Phalsbourg, avant rétrocession.

Par un jugement n° 1705434 du 15 mai 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a con

damné la commune de Phalsbourg à verser à la société SGTP 67 la somme de 70 324,80...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SGTP 67, venant aux droits de la société Gartiser, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Phalsbourg à lui verser une somme de 70 324,80 euros correspondant à l'indemnité contractuelle qu'elle estime due au titre de la plus-value induite par les travaux qu'elle a réalisés sur le terrain qui lui avait été vendu par la commune de Phalsbourg, avant rétrocession.

Par un jugement n° 1705434 du 15 mai 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Phalsbourg à verser à la société SGTP 67 la somme de 70 324,80 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2011, avec capitalisation des intérêts à compter du 19 avril 2012.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 juillet 2019, 12 août 2019, 9 novembre 2021, 15 décembre 2021 et 30 août 2022, la commune de Phalsbourg, représentée par Me Schaeffer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 mai 2019 ;

2°) de rejeter la demande de la société SGTP 67 ;

3°) de mettre à la charge de la société SGTP 67 le versement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel est recevable car elle est motivée, conformément aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- la société SGTP 67 ne peut prétendre au versement d'une indemnité de résolution sur le fondement des stipulations du contrat du 25 août 2000 dès lors que les travaux qu'elle a réalisés ne sont pas nécessaires pour l'édification de la construction prévue et n'ont pas été régulièrement réalisés ;

- la société SGTP 67 a déposé sur le terrain acquis des déchets provenant de son activité, en méconnaissance des exigences tirées des articles L. 512-1 et L. 541-1 et suivants du code de l'environnement ;

- les travaux engagés par la société SGTP 67 ont été entrepris avant toute obtention d'un permis de construire ;

- les travaux réalisés par la société SGTP 67 ne présentent aucune justification constructive ;

- l'expertise, réalisée pour déterminer le montant de la plus-value induite par les travaux réalisés par la société SGTP 67 et ordonnée par le juge judiciaire, est privée de tout fondement en raison de la compétence de la juridiction administrative ; elle a été réalisée en méconnaissance du principe du contradictoire en l'absence des experts de France Domaines ;

- les travaux de la société SGTP 67 n'ont en réalité apporté aucune plus-value au terrain, contrairement à ce que retient le rapport d'expertise.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 septembre 2021 et 26 août 2022, la société SGTP 67, représentée par Me Bader, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la commune de Phalsbourg le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle est insuffisamment motivée et ne répond pas aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; ce vice ne saurait avoir été régularisé par le mémoire complémentaire enregistré après l'expiration du délai d'appel ;

- c'est à juste titre que les premiers juges ont fait droit à sa demande ; la commune ne saurait se prévaloir des stipulations figurant dans l'article du contrat relatif aux déclarations fiscales ; les travaux exécutés étaient réguliers et nécessaires, étant précisé que l'acte de vente ne comporte pas une telle exigence ; elle conteste avoir utilisé le site pour entreposer des déchets ; l'exécution de travaux avant la délivrance du permis de construire ne fait pas obstacle à ce qu'ils soient regardés comme réguliers, la méconnaissance du code de l'environnement ne peut être utilement invoquée ; il est justifié de la nécessité des travaux ; l'expertise a pu être à bon droit opposée à la commune ; le montant de la plus-value retenu par les experts n'est pas erroné.

Par ordonnance du 6 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 21 septembre 2022.

Les parties ont été informées le 29 septembre 2022, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, au motif que le tribunal a statué sur un litige qui ne relevait pas de la compétence de la juridiction administrative, le contrat en cause étant susceptible d'être regardé comme un contrat de droit privé, en l'absence notamment de clauses exorbitantes du droit commun (au sens de la décision du Tribunal des conflits du 13 octobre 2014, SA AXA France IARD, n° 3963) et que la cour serait susceptible de saisir le Tribunal des conflits et de surseoir à statuer dans l'attente de sa décision, en application de l'article 32 du décret n° 2015-233.

Par un mémoire enregistré le 5 octobre 2022, la société SGTP 67 a présenté ses observations sur le moyen susceptible d'être relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Schaeffer, pour la commune de Phalsbourg, et de Me Laumin, pour la société SGTP 67.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Phalsbourg relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à verser la somme de 70 324,80 euros à la société SGTP 67, venant aux droits de la société Gartiser, au titre de l'indemnité de résolution prévue par le contrat de vente d'un terrain relevant du domaine privé de la commune.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

3. Il résulte de l'instruction que la requête d'appel de la commune de Phalsbourg, qui n'est pas la reproduction intégrale et exclusive de ses écritures de première instance, comporte une critique du jugement attaqué. La commune a ainsi pu, après l'expiration du délai d'appel, expliciter la portée des moyens d'appel qui figuraient dans sa requête. A supposer que certains des moyens exposés n'aient pas été, initialement, assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, cette circonstance est sans incidence sur la recevabilité de la requête. Il suit de là que la fin de non-recevoir invoquée par la société SGTP 67 et tirée du défaut de motivation de la requête d'appel doit être écartée.

Sur l'ordre juridictionnel compétent pour trancher le litige :

4. L'article 32 du décret du 27 février 2015 dispose : " Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que le litige ressortit à l'ordre de juridiction primitivement saisi, doit, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours même en cassation, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision du tribunal ".

5. Sauf disposition législative contraire, le contrat par lequel une commune cède des biens immobiliers appartenant à son domaine privé est un contrat de droit privé, sauf s'il comporte des clauses qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, impliquent, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs, ou si ce contrat a pour objet l'exécution même du service public.

6. Par un acte de vente conclu le 25 août 2000, la commune de Phalsbourg a cédé à la société Gartiser, aux droits de laquelle vient la société SGTP 67, une parcelle de son domaine privé d'une superficie de 182,60 ares, au prix de de 273 900 francs, en vue de la construction par cette société d'un immeuble à usage industriel, non affecté à l'habitation pour les trois quarts au moins de sa superficie. La vente a été conclue sous plusieurs conditions, tenant en particulier au dépôt d'un permis de construire pour un bâtiment à vocation industrielle et à l'édification de cet immeuble d'une surface d'au moins 1 000 mètres carrés, dans des délais déterminés. L'acte de cession prévoit la possibilité pour le vendeur de procéder à la résolution de la vente, avec le versement à l'acquéreur d'une indemnité égale au prix de la cession, diminué de 10% à titre de dommages-intérêts forfaitaires, si la résolution intervient avant le commencement de tous travaux. Cette indemnité est augmentée, le cas échéant, d'une somme égale au montant de la plus-value apportée au terrain par les travaux régulièrement réalisés sans pouvoir dépasser la valeur des matériaux et le coût de la main d'œuvre, le montant de cette plus-value devant être fixé par voie d'une expertise réalisée contradictoirement par deux experts dont l'administration des Domaines pour la commune. Le contrat interdit par ailleurs à l'acquéreur de mettre en vente le terrain avant l'achèvement de la totalité des travaux prévus, sans en avoir préalablement avisé le maire de la commune de Phalsbourg, cette dernière se réservant alors le droit d'obtenir la rétrocession du terrain dans les conditions prévues pour l'indemnité de résolution mais sans application de la réduction de 10% ou d'agréer ou désigner l'acquéreur en imposant que le prix de vente soit fixé dans les mêmes conditions. Le morcellement du terrain est également interdit sans autorisation de la commune. Le contrat prévoit enfin l'inscription au livre foncier de Phalsbourg des restrictions du droit de disposer et du droit à la résolution, avec effet jusqu'au 25 août 2004.

7. Il ne résulte pas de l'instruction que ce contrat aurait pour objet l'exécution même d'un service public. Il ne comporte pas davantage de clause qui impliquerait, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs. Il s'agit, dès lors, d'un contrat de droit privé.

8. Dans ces conditions et en l'état du dossier, il apparaît que le litige dont le tribunal administratif de Strasbourg était saisi est susceptible de relever de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

9. Toutefois, la cour d'appel de Nancy a, par un arrêt du 13 décembre 2016, qui n'est susceptible d'aucun recours, décliné la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire.

10. Il convient, dans ces conditions et par application de l'article 32 du décret du 27 février 2015, de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et de surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal.

D E C I D E :

Article 1er : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la commune de Phalsbourg jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridictions compétent pour statuer sur ce litige.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Phalsbourg et à la société SGTP 67.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.

La rapporteure,

Signé : A. B...La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. A...

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. A...

2

N° 19NC02257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02257
Date de la décision : 08/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SCP ALEXANDRE LEVY KAHN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-11-08;19nc02257 ?
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