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08/11/2022 | FRANCE | N°19NC00319

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 08 novembre 2022, 19NC00319


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Alufey Briotet a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner CUS Habitat à lui verser une somme de 295 190,43 euros.

Par un jugement n° 1506028 du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné CUS Habitat à verser à la société Alufey Briotet la somme de 75 887,55 euros, dont devra être retranchée la somme de 61 300 euros, dès que cette provision accordée par le juge judiciaire sera devenue définitive, outre les intérêts au taux moratoire à

compter du 10 août 2016, capitalisés à compter du 10 août 2016 puis à chaque échéance...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Alufey Briotet a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner CUS Habitat à lui verser une somme de 295 190,43 euros.

Par un jugement n° 1506028 du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné CUS Habitat à verser à la société Alufey Briotet la somme de 75 887,55 euros, dont devra être retranchée la somme de 61 300 euros, dès que cette provision accordée par le juge judiciaire sera devenue définitive, outre les intérêts au taux moratoire à compter du 10 août 2016, capitalisés à compter du 10 août 2016 puis à chaque échéance annuelle.

Procédure devant la cour :

Par une requête et trois mémoires enregistrés les 30 janvier 2019, 20 mai 2020, 1er avril 2021 et 2 février 2022, la société Alufey Briotet, représentée par Me Merkling, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, en ce qu'il a limité la condamnation de CUS Habitat au versement de la somme de 75 887,55 euros ;

2°) de condamner CUS Habitat à lui verser une somme de 295 190,33 euros, augmentée des intérêts moratoires et des frais de recouvrement ;

3°) de mettre à la charge de CUS Habitat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir tirée de ce qu'elle devait être regardée comme ayant renoncé à demander le paiement direct au maître d'ouvrage, au motif qu'elle avait saisi le juge judiciaire d'un recours contre l'entrepreneur principal ;

- elle a droit au paiement direct de la part de CUS Habitat conformément à l'article 6 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ; le contrat de sous-traitance a été agréé et validé par le maître d'ouvrage ; elle a bien adressé sa demande de paiement direct à l'entreprise principale qui n'a pas donné son accord ou refusé cette demande dans le délai de 15 jours prévu par l'article 116 du code des marchés publics ; dès lors, le maître de l'ouvrage ne peut plus refuser de payer le sous-traitant ; l'existence d'un différend opposant le titulaire du marché et le sous-traitant ne peut justifier un refus de paiement de ce dernier par le maître d'ouvrage ; la déclaration de sous-traitance modificative du 7 mai 2014 ne saurait lui être opposée dès lors qu'elle ne l'a pas signée et que ce document comporte un montant erroné s'agissant des sommes à verser par paiement direct ; les stipulations du contrat conclu entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur principal ne sauraient lui être opposées ; si elle a reçu une indemnité de 61 300 euros de la part de l'entrepreneur principal, c'est seulement au titre d'une provision accordée par le juge des référés commerciaux, le jugement rendu le 3 décembre 2021 par le tribunal judiciaire n'est pas devenu définitif ; le litige qui l'a opposée à l'entreprise principale devant le juge judiciaire ne se pose pas dans les mêmes termes que la présente instance ;

- s'agissant du solde du marché de base, c'est à tort que le tribunal a déduit 38 292,77 euros au titre de travaux qui avaient été confiés par l'entreprise principale à une autre société, en violation des stipulations du contrat de sous-traitance ; il ne lui appartient pas de justifier qu'elle a bien effectué les missions prévues au contrat de sous-traitance et elle a en toute hypothèse réalisé l'ensemble des prestations dues, les travaux ayant été réceptionnés et les réserves levées ; elle a droit à 129 737,60 euros toutes taxes comprises à ce titre ;

- elle est fondée à réclamer directement au maître d'ouvrage, d'une part, le paiement correspondant aux avenants non réglés mais acceptés par le maître d'œuvre et, d'autre part, celui des travaux supplémentaires effectués à la demande du maître d'ouvrage et réalisés dans les règles de l'art ; les travaux supplémentaires ont été évoqués formellement dans un compte rendu de réunion de chantier du 7 octobre 2013 ; c'est à tort que les premiers juges ont estimé que ces travaux concernaient un lot dont elle était titulaire, et non le lot dont elle était sous-traitante ; CUS Habitat avait accepté et validé les travaux complémentaires, qui ont fait l'objet des avenants 3 et 4, que le maître d'ouvrage peut produire ;

- subsidiairement, le maître d'ouvrage a commis une faute en s'abstenant de respecter ses engagements, alors qu'il s'était engagé à régler les travaux restant à réaliser ;

- plus subsidiairement, en vertu de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, il appartient au maître d'ouvrage, lorsqu'il a connaissance de la présence d'un sous-traitant qui n'a pas fait l'objet d'une acceptation ou d'un agrément de ses conditions de paiement à hauteur des prestations sous-traitées, en l'espèce les travaux supplémentaires commandés, de mettre en demeure l'entreprise principale de régulariser cette situation, notamment par un avenant au contrat de sous-traitance ; à défaut, le maître d'ouvrage commet une faute de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis du sous-traitant ; le maître d'ouvrage avait connaissance de son intervention pour ces travaux supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage public ; il l'a laissée intervenir sans demander la régularisation du contrat de sous-traitance et a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

Par quatre mémoires enregistrés les 30 septembre 2019, 26 juin 2020, 17 septembre 2021 et 5 janvier 2022, l'office public de l'habitat CUS Habitat, devenu société OPHEA, représentée par Me Zimmer, conclut :

1°) au rejet de la requête de la société Alufey Briotet ;

2°) à l'annulation des articles 1, 2 et 4 du jugement attaqué ;

3°) à ce que soit mis à la charge de la société Alufey Briotet une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la déclaration modificative DC4 n'ouvre droit pour la requérante qu'à un paiement direct pour un montant maximal de 190 736,76 euros hors taxe, qu'elle lui a réglé ; c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur la déclaration DC4 initiale ; le maître d'ouvrage qui se voit soumettre un acte spécial de sous-traitance modificatif par l'entreprise principale est tenu d'accepter cette demande, sauf pour les sommes dont le paiement au profit du sous-traitant a été définitivement accepté par le titulaire ; la circonstance que l'acte spécial n'a pas été signé par le sous-traitant est sans incidence ; la société requérante ne justifie pas avoir réalisé les travaux dans les conditions initialement prévues au contrat de sous-traitance ; le titulaire s'était vu attribuer un macro-lot, comprenant plusieurs lots techniques, il n'y a pas de montant isolé pour chaque lot opposable au maître d'ouvrage, les éventuelles erreurs de l'entreprise principale dans le calcul de la déclaration DC4 modificative ne sauraient engager le maître d'ouvrage ; peu importe que la déclaration modificative soit intervenue après réception des travaux, dès lors qu'elle était effective au moment du décompte ; il n'appartenait pas au maître d'ouvrage de modifier l'exemplaire unique ou le certificat de cessibilité ;

- il y a lieu d'éviter une double indemnisation de la société requérante et de déduire les sommes versées au sous-traitant par l'entrepreneur principal, le jugement attaqué est insuffisamment contraignant ; le juge judiciaire a condamné l'entreprise principale à verser les sommes de 126 366,93 euros et de 52 325 euros ;

- s'agissant du solde du marché, les prestations qui ont été réalisées par une autre société ne sauraient ouvrir droit à indemnisation, une méconnaissance du contrat de sous-traitance est inopposable au maître d'ouvrage ; à supposer même les arguments de la société requérante fondés, elle ne pourrait demander qu'une somme de 92 342,77 euros hors taxe ; elle n'est pas recevable à demander une somme supérieure aux 114 943,27 euros qu'elle avait sollicités, au titre du solde du marché, devant le tribunal ;

- s'agissant des sommes demandées au titre des avenants 3 et 4, ces derniers ne sont pas produits ; ni le maître d'ouvrage, ni le maître d'œuvre n'ont validé les devis en question ; sauf à faire l'objet d'une déclaration modificative, qu'il appartenait à l'entreprise principale de souscrire, les travaux correspondants ne pourraient être payés au sous-traitant, qui n'est partie à aucun avenant au marché de travaux, qu'au titre de travaux supplémentaires ; il n'est pas justifié que les travaux mentionnés dans les devis ont été effectivement confié au sous-traitant et réalisés ;

- s'agissant des travaux supplémentaires, il n'est pas justifié que ces travaux auraient été confiés au sous-traitant ou qu'il les aurait réalisés, ni qu'ils auraient été indispensables ; le compte-rendu de chantier du 7 octobre 2013 porte sur les travaux d'un autre lot.

Par ordonnance du 2 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 23 février 2022.

En réponse aux demandes qui leur ont été adressées par des courriers du 23 août 2022, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, les parties ont produit des éléments complémentaires, par un mémoire enregistré le 31 août 2022, pour OPHEA, et par un mémoire enregistré 5 septembre 2022, pour la société Alufey Briotet.

En réponse aux demandes qui leur ont été adressées par des courriers du 21 septembre 2022, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, et aux productions précédemment mentionnées les parties ont déposé des éléments complémentaires, par un mémoire enregistré le 29 septembre 2022, pour OPHEA, et par un mémoire enregistré le 3 octobre 2022, pour la société Alufey Briotet.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ;

- la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Laumin, pour la société Alufey Briotet, et de Me Schultz, pour la société OPHEA.

Considérant ce qui suit :

1. L'office public de l'habitat Communauté Urbaine de Strasbourg (CUS) Habitat a conclu, par un acte d'engagement du 20 mars 2012, avec la société Costantini un marché ayant pour objet la construction d'un siège social, lui confiant plusieurs lots. Par un acte spécial de sous-traitance du 4 juillet 2012, CUS Habitat a agréé, à hauteur de 305 710 euros hors taxe (HT) les conditions de paiement de la société Alufey Briotet, sous-traitante du lot n° 6 " serrurerie-métallerie ". Cette dernière a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner CUS Habitat à lui verser une somme de 295 190,43 euros sur le fondement, principalement, du droit au paiement direct et subsidiairement de la faute. Par un jugement du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné CUS Habitat à verser à la société Alufey Briotet la somme de 75 887,55 euros, avec intérêts et capitalisation, sous réserve de déduction d'une somme de 61 300 euros correspondant à une provision accordée par le juge judiciaire dans le litige opposant le sous-traitant à l'entreprise principale. La société Alufey Briotet relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande, alors que CUS Habitat, devenu société office public de l'habitat de l'eurométropole de Strasbourg (OPHEA), conteste sa condamnation par la voie de l'appel incident.

Sur le cadre juridique :

2. Aux termes de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution (...). Ce paiement est obligatoire même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites (...) ". Aux termes de l'article 7 de la même loi : " Toute renonciation au paiement direct est réputée non écrite ".

3. En l'absence de modification des stipulations du contrat de sous-traitance relatives au volume des prestations du marché dont le sous-traitant assure l'exécution ou à leur montant, le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur principal ne peuvent, par un acte spécial modificatif, réduire le droit au paiement direct du sous-traitant dans le but de tenir compte des conditions dans lesquelles les prestations sous-traitées ont été exécutées.

4. Toutefois, dans l'hypothèse d'une rémunération directe du sous-traitant par le maître d'ouvrage, ce dernier peut contrôler l'exécution effective des travaux sous-traités et le montant de la créance du sous-traitant. Au titre de ce contrôle, le maître d'ouvrage s'assure que la consistance des travaux réalisés par le sous-traitant correspond à ce qui est prévu par le marché. Il en va ainsi même en l'absence d'opposition de l'entreprise principale au paiement du sous-traitant.

5. De même, le sous-traitant agréé ne peut obtenir le paiement direct du maître de l'ouvrage pour un montant supérieur à celui fixé par le marché ou l'acte spécial, sauf s'agissant de travaux indispensables ou de sujétions imprévues.

6. En outre, s'il résulte des dispositions citées au point 2 que le sous-traitant agréé dispose d'un droit au paiement direct par le maître d'ouvrage, celles-ci ne font pas obstacle à ce que le paiement de ce sous-traitant soit directement effectué par le titulaire du marché, éteignant ainsi à due concurrence la créance du sous-traitant sur le maître d'ouvrage. Dans une telle hypothèse, il appartient au maître d'ouvrage de s'assurer que ces créances ont été effectivement réglées par le titulaire du marché.

7. Enfin, il résulte des articles 3, 5, 6 et 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 qu'il incombe au maître d'ouvrage, lorsqu'il a connaissance de l'exécution, par le sous-traitant, de prestations excédant celles prévues par l'acte spécial et conduisant au dépassement du montant maximum des sommes à lui verser par paiement direct, de mettre en demeure le titulaire du marché ou le sous-traitant de prendre toute mesure utile pour mettre fin à cette situation ou pour la régulariser, à charge pour le titulaire du marché, le cas échéant, de solliciter la modification de l'exemplaire unique ou du certificat de cessibilité et celle de l'acte spécial afin de tenir compte d'une nouvelle répartition des prestations avec le sous-traitant.

Sur les conclusions indemnitaires de la société Alufey Briotet :

En ce qui concerne le droit au paiement direct :

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Alufey Briotet a formé un recours devant le juge judiciaire, en vue de faire constater l'étendue de sa créance à l'égard de l'entrepreneur principal et de se faire reconnaître par jugement un droit au paiement pour des sommes ayant le même objet que celles demandées dans le présent litige. Ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, cette circonstance ne peut faire regarder la société Alufey Briotet comme ayant renoncé à demander au maître d'ouvrage le paiement direct des créances qu'elle prétend détenir en exécution du marché litigieux dès lors qu'il résulte de l'article 7 de la loi du relative à la sous-traitance qu'un sous-traitant ne peut renoncer à son droit au paiement direct.

9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'il y a lieu d'adopter les motifs circonstanciés retenus à bon droit par le tribunal aux points 4 à 6 du jugement contesté, pour estimer que le maître d'ouvrage ne pouvait fonder son refus de payer les sommes demandées par le sous-traitant sur l'opposition de l'entreprise principale.

10. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été indiqué au point 3, la société OPHEA n'est pas fondée à soutenir que le droit au paiement direct auquel peut prétendre la société requérante devrait s'apprécier au regard de l'acte spécial modificatif et qu'elle serait tenue par ce document, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le contrat de sous-traitance liant la société Costantini et la société Alufey Briotet aurait lui-même été modifié. La créance de la société requérante au titre de son paiement direct s'élève donc à la somme de 305 710 euros HT figurant dans la déclaration de sous-traitance initiale. Pour autant, au regard des principes rappelés au point 4, cette dernière ne saurait prétendre au versement des sommes prévues dans l'acte spécial initial et qui correspondraient au paiement de travaux qu'elle n'a pas exécutés. A cet égard, il résulte de l'instruction que la société Nouvelle Dusch a réalisé les travaux relatifs aux garde-corps extérieurs des niveaux R+1 et R+7, pour un montant justifié de 32 179,88 euros HT. Si, pour le surplus, la société OPHEA conteste plus généralement la réalité et la conformité des travaux réalisés par la société Alufey Briotet en qualité de sous-traitant du lot n° 6, elle ne l'établit pas.

11. En quatrième lieu, la société Alufey Briotet demande le paiement direct de travaux supplémentaires qu'elle indique avoir réalisés, notamment, sur le fondement d'avenants au marché conclus entre le maître d'ouvrage et l'entreprise principale. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'acte spécial de sous-traitance aurait été modifié pour intégrer de tels travaux. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux évoqués, à les supposer même effectivement réalisés, seraient indispensables à la réalisation des ouvrages dans les règles de l'art ou résulteraient de sujétions imprévues. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, la société requérante n'est ainsi, en tout état de cause, pas fondée à en demander le paiement.

12. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de déduire de la somme de 305 710 euros HT représentant le montant du marché sous-traité, les 32 179,88 euros mentionnés au point 10 correspondant à des travaux réalisés par un autre prestataire ainsi que les 190 736,73 euros dont il est constant qu'ils ont déjà été versés. La société Alufey Briotet est ainsi susceptible de prétendre au versement d'une somme de 82 793,39 euros HT, au titre du solde du marché dont elle a assuré la sous-traitance.

13. Toutefois, la société Alufey Briotet ne saurait demander la condamnation de la société OPHEA à lui verser des sommes qui lui auraient déjà été payées par la société Costantini au titre du solde du contrat de sous-traitance. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que les premiers juges ne pouvaient opérer de réfaction à cet égard, par principe, étant précisé en revanche que seules les sommes qui lui ont été effectivement payées, le cas échéant par compensation, peuvent être regardées comme ayant éteint sa créance sur le maître d'ouvrage.

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

14. En premier lieu, la société Alufey Briotet recherche la responsabilité pour faute du maître d'ouvrage, au motif qu'il n'aurait pas respecté les engagements pris dans le compte-rendu de chantier du 7 octobre 2013 qui mentionne que " pour pallier à d'éventuels blocages concernant la prise en charge des travaux à réaliser par l'entreprise Alufey Briotet, le maître d'ouvrage se porte garant de payer ces travaux approuvés par le maître d'œuvre et d'appliquer une retenue sur le mandataire du groupement. Un décompte serait fait en fin de chantier ".

15. Cependant, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, le compte-rendu de chantier du 7 octobre 2013 ne précise pas quels étaient les travaux en cause, et aucun élément soumis à l'instruction ne permet de déterminer s'ils concernaient le lot n° 6, pour lequel la société Alufey Briotet intervenait en qualité de sous-traitante, ou le lot n° 5 dont elle était l'entreprise titulaire.

16. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction, et en particulier pas des mentions du compte-rendu de chantier du 7 octobre 2013, que le maître d'ouvrage aurait été informé que la société Alufey Briotet réalisait, en qualité de sous-traitante du lot n° 6, des prestations excédant celles prévues à l'acte spécial. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le maître d'ouvrage aurait méconnu son obligation de veiller à la régularisation de cette situation, mentionnée au point 7.

17. Par suite, la société Alufey Briotet n'est pas fondée à rechercher la responsabilité pour faute du maître d'ouvrage.

18. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Alufey Briotet est uniquement fondée à demander que la somme due au titre du paiement direct de son contrat de sous-traitance conclu avec la société Constantini soit portée à la somme de 82 793,39 euros HT. Cette somme sera assortie des intérêts et de leur capitalisation dans les conditions prévues par le jugement attaqué non contesté sur ce point. Les conclusions d'appel incident de la société OPHEA sont en revanche rejetées.

19. Toutefois devra être déduite de la somme de 82 793,39 euros HT due celle effectivement versée par la société Costantini, au titre du solde du marché sous-traité en application du jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 3 décembre 2021. Il appartiendra à la société Alufey Briotet de justifier auprès de la société OPHEA des sommes ainsi perçues. Dans l'hypothèse où le jugement du tribunal judiciaire serait infirmé en appel, il appartiendra à la société Alufey Briotet d'en informer la société OPHEA, la déduction devra le cas échéant tenir compte de la somme versée sur le fondement de la nouvelle décision de justice.

Sur l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement :

20. Aux termes de l'article 39 de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 : " Le retard de paiement fait courir, de plein droit et sans autre formalité, des intérêts moratoires à compter du jour suivant l'expiration du délai de paiement ou l'échéance prévue au contrat. Ces intérêts moratoires sont versés au créancier par le pouvoir adjudicateur ". Selon l'article 40 de cette même loi : " Le retard de paiement donne lieu, de plein droit et sans autre formalité, au versement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret (...) ". L'article 44 de la même loi dispose : " Le présent titre s'applique aux contrats conclus à compter du 16 mars 2013 ".

21. Seuls les contrats conclus à compter du 16 mars 2013 sont susceptibles de donner lieu au versement de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Les conclusions de la société requérante tendant à ce que l'intimé soit condamné à lui verser une telle indemnité ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

22. D'une part, compte tenu de ce qui précède, c'est à bon droit que les premiers juges avaient estimé que le maître d'ouvrage avait la qualité de partie perdante. La société OPHEA n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté les conclusions qu'elle avait présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et mis à sa charge une somme de 1 000 euros à verser à la société Alufey Briotet, au même titre.

23. D'autre part, au titre de la procédure d'appel, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La somme que l'OPH CUS Habitat, aux droits duquel vient la société OPHEA, est condamné à verser à la société Alufey Briotet est portée à 82 793,39 euros HT, sous réserve de la déduction mentionnée au point 19 du présent arrêt et selon les modalités qui y sont précisées.

Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 novembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Alufey Briotet et à la société OPHEA.

Copie en sera adressée pour information à la société Costantini.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.

La rapporteure,

Signé : A. B...La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. A...

La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

M. A...

2

N° 19NC00319


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00319
Date de la décision : 08/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SELARL SOLER-COUTEAUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-11-08;19nc00319 ?
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