Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 28 mars 2018 par lequel le maire de la commune d'Eloyes lui a supprimé le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er avril 2018 et d'enjoindre à la commune d'Eloyes de lui verser le montant de la nouvelle bonification indiciaire à compter du mois d'août 2014 et, subsidiairement, à compter du 28 mars 2018.
Par un jugement n° 1802032 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 28 mars 2018 du maire de la commune d'Eloyes et a rejeté les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2020, la commune d'Eloyes, représentée par Me Cuny, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 16 juin 2020 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. C... ;
3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car le tribunal a statué ultra petita ;
- le jugement est irrégulier car les premiers juges ont, pour annuler l'arrêté, relevé d'office un moyen d'exception d'illégalité, qui n'est pourtant pas d'ordre public ;
- le jugement est irrégulier car les premiers juges ont méconnu leur office en ne s'assurant pas de l'existence d'une décision portant changement d'affectation de M. C... ;
- les conclusions présentées par M. C... et tendant au versement de la nouvelle bonification indiciaire sont, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, des conclusions indemnitaires et, par suite, sont irrecevables ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, elle n'avait pas à solliciter l'avis préalable de la commission administrative paritaire ;
- elle s'est bornée à tirer les conséquences comptables de l'inaptitude de l'agent à exercer ses fonctions et n'a ni muté, ni sanctionné M. C... ;
- subsidiairement, le maire était en situation de compétence liée pour retirer à M. C... le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire et le moyen de légalité externe retenu était donc inopérant.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 septembre 2020, M. A... C..., représenté par Me Picoche, demande à la cour :
1°) d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Nancy du 16 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 mars 2018 du maire la commune d'Eloyes, ensemble la décision par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre à la commune d'Eloyes de lui verser le montant de la nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er avril 2018 dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Eloyes la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le tribunal n'a pas statué ultra petita, ni soulevé un moyen d'office dès lors qu'il a, dans ses écritures de première instance, demandé explicitement l'annulation de l'arrêté portant retrait du bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire du fait de l'illégalité de la décision lui retirant ses fonctions d'encadrement ;
- l'arrêté litigieux est illégal dès lors que son changement d'affectation n'a pas été précédé de l'avis de la commission administrative paritaire, ni de l'avis du comité médical ;
- l'arrêté litigieux est illégal dès lors que son changement d'affectation a été acté en méconnaissance du sens de l'avis du médecin prévention ;
- les conclusions à fin de versement de la nouvelle bonification indiciaire étaient des conclusions accessoires aux fins d'injonctions et donc parfaitement recevables, comme l'ont retenu les premiers juges ;
- la décision litigieuse étant illégale, il est fondé à demander d'enjoindre à la commune de lui verser le montant de la nouvelle bonification indiciaire depuis le 1er avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 2006-779 du 3 juillet 2006 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,
- et les observations de Me Cuny pour la commune d'Eloyes.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., agent de maîtrise principal, était affecté au poste de responsable des ateliers municipaux de la commune d'Eloyes. En raison de l'exercice de fonctions d'encadrement de proximité d'une équipe à vocation technique d'au moins cinq personnes, il percevait, depuis le 1er mai 2015, une nouvelle bonification indiciaire de 15 points. Par un arrêté du 28 mars 2018, le maire de la commune d'Eloyes a mis fin au bénéfice pour M. C... de cette nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er avril 2018. La commune d'Eloyes fait appel du jugement du 16 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 28 mars 2018. M. C... demande à la cour d'enjoindre à la commune de lui verser le montant de la nouvelle bonification indiciaire qu'il aurait dû percevoir depuis le 1er avril 2018.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, M. C... faisait expressément valoir, dans ses écritures de première instance, que l'arrêté litigieux devait être annulé en raison de l'illégalité de la décision l'ayant muté au sein du service des espaces verts et l'ayant ainsi privé de ses fonctions d'encadrement. Il indiquait plus précisément que la décision de mutation n'avait pas été précédée de l'avis de la commission administrative paritaire (CAP) et soutenait qu'en l'absence de mutation, il n'aurait pas perdu le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire. En dépit de l'absence de mention expresse des termes d'" exception d'illégalité " dans les écritures de M. C..., les premiers juges n'ont ainsi, en retenant, par la voie de l'exception, que la décision de mutation était illégale du fait de l'absence de saisine de la CAP et en en déduisant l'illégalité de l'arrêté attaqué, pas soulevé d'office un moyen. Ils n'ont pas plus méconnu pour ce motif leur obligation de ne pas statuer ultra petita, qui s'apprécie d'ailleurs au regard des conclusions et non des moyens des parties.
3. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait retenu l'illégalité d'une décision de mutation qui n'existait pas et dont l'existence n'aurait d'ailleurs pas été vérifiée par les premiers juges relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.
Sur la légalité de l'arrêté du 28 mars 2018 :
4. L'illégalité d'un acte administratif non réglementaire ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. Une exception d'illégalité soulevée à l'encontre d'une décision individuelle n'est recevable que tant que cette décision ne présente pas de caractère définitif. Une décision administrative devient définitive à l'expiration du délai de recours contentieux ou, si elle a fait l'objet d'un recours contentieux dans ce délai, à la date à laquelle la décision rejetant ce recours devient irrévocable.
5. M. C... occupait le poste de responsable des ateliers municipaux de la commune d'Eloyes et exerçait, dans ce cadre, des missions d'encadrement à raison desquelles il bénéficiait d'une nouvelle bonification indiciaire. M. C... a toutefois connu plusieurs arrêts de travail au cours des années 2017 et 2018. Il ressort des pièces du dossier qu'il a, lors de la reprise de ses fonctions le 9 avril 2018, été affecté à des fonctions de chargé de travaux pour les espaces verts. En dépit de l'absence de mesure expresse actant cette mutation, le changement d'affectation de M. C... révèle l'existence d'une décision implicite mutant cet agent de ses anciennes fonctions vers celles de chargé de travaux. Il ressort, de plus, des termes de l'arrêté litigieux que la suppression du bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire résulte de la cessation par M. C... de ses fonctions d'encadrement liées à son poste de responsable des ateliers municipaux et prend effet à compter du 1er avril 2018, soit la date à laquelle la commune a, selon sa demande d'avis du 28 juin 2018 à la CAP, entendu accorder effet à la mutation de M. C.... Ainsi, alors au demeurant que les avis médicaux au dossier témoignent que, bien que l'intéressé ait connu plusieurs périodes d'arrêt de travail et ait dû reprendre son poste sous forme d'un mi-temps, il n'était pas définitivement inapte à ses fonctions, la commune ne saurait soutenir que l'arrêté litigieux n'a pas pour base légale la décision de mutation, mais était fondé sur l'incapacité médicale de son agent. La décision de mutation n'était pas définitive à la date à laquelle M. C... a saisi le tribunal administratif de Nancy, de sorte que M. C... est ainsi recevable à exciper de l'illégalité de la décision le mutant au service des espaces verts au soutien de ses conclusions dirigées contre l'arrêté lui supprimant le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er avril 2018. La commune ne saurait soutenir que le bien-fondé de ce moyen serait sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux, en ce que le maire aurait été en situation de compétence liée pour supprimer le bénéfice à M. C... de la nouvelle bonification indiciaire, alors que ce moyen vient, en tout état de cause, remettre en cause l'existence même de cette situation de compétence liée.
6. Aux termes de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable au litige : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires. Dans le cas où il s'agit de remplir une vacance d'emploi compromettant le fonctionnement du service et à laquelle il n'est pas possible de pourvoir par un autre moyen, même provisoirement, la mutation peut être prononcée sous réserve d'examen ultérieur par la commission compétente. "
7. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté par la commune qu'elle n'a pas saisi la commission administrative paritaire préalablement à la mutation de M. C... au poste de chargé de travaux pour les espaces verts, laquelle induit pourtant une perte importante de responsabilités, notamment du fait de l'absence de fonctions d'encadrement dans le nouveau poste occupé, ainsi que la perte du bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire accordée en raison des tâches d'encadrement préalablement assumées. Dans ces conditions, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ce changement d'affectation visait à parer une vacance d'emploi compromettant le fonctionnement du service, le maire d'Eloyes, en prenant la décision de mutation contestée sans solliciter préalablement l'avis de la commission administrative paritaire, a privé M. C... du bénéfice effectif de la garantie constituée par la consultation préalable obligatoire de cet organe consultatif paritaire et cette omission entache donc d'illégalité la décision de mutation. Cette illégalité prive ainsi de base légale l'arrêté en litige du 28 mars 2018, qui doit, par suite, être annulé.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Eloyes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté de son maire en date du 28 mars 2018.
Sur les conclusions à fin de versement de la nouvelle bonification indiciaire :
9. Aux termes du I de l'article 27 de la loi du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales : " La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires institués à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulières dans des conditions fixées par décret. " Aux termes de l'article 1er du décret du 3 juillet 2006 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire dans la fonction publique territoriale : " Une nouvelle bonification indiciaire, prise en compte pour le calcul de la retraite, est versée mensuellement aux fonctionnaires territoriaux exerçant une des fonctions figurant en annexe au présent décret. ". En vertu de la rubrique 19 du tableau I figurant en annexe à ce décret, les fonctionnaires territoriaux exerçant des fonctions d'encadrement de proximité d'une équipe à vocation technique d'au moins cinq agents se voient attribuer quinze points de nouvelle bonification indiciaire.
10. Il résulte des dispositions précitées que le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire ne constitue pas un avantage statutaire et n'est lié ni au cadre d'emplois, ni au grade mais dépend seulement de l'exercice effectif des fonctions qui y ouvrent droit.
11. En l'absence de tout élément permettant de considérer que M. C... ait, postérieurement au 1er mai 2018 et à sa mutation, effectivement exercé des fonctions d'encadrement de proximité d'une équipe à vocation technique d'au moins cinq agents ou toute autre fonction ouvrant droit à la nouvelle bonification indiciaire, ses conclusions afin qu'il lui soit versé le montant de cette bonification à compter du 1er mai 2018 doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme sollicitée par la commune d'Eloyes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Eloyes la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune d'Eloyes est rejetée.
Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C... sont rejetées.
Article 3 : La commune d'Eloyes versera la somme de 1 500 euros à M. C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Eloyes et à M. A... C....
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Haudier, présidente-assesseure,
- M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2022.
Le rapporteur,
Signé : S. B...
Le président,
Signé : C. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet des Vosges, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 20NC02064
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