Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... et Mme G... B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 31 août 2016 par lequel le maire de la commune de Colmar a accordé à M. et Mme I... A... un permis de construire une maison d'habitation rue de Montbéliard à Colmar, ensemble la décision du 30 novembre 2016 rejetant leur recours gracieux.
Par un jugement n° 1700365 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur la requête présentée par Mmes D... et B... pour permettre la régularisation du vice entachant le permis de construire du 31 août 2016 et tiré de la méconnaissance de l'article UC 13.3 du plan d'occupation des sols de la commune de Colmar.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 février 2020 et le 12 mai 2022, Mmes D... et B..., représentées par Me Bozzi, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 décembre 2019 en tant qu'il écarte certains des moyens dirigés contre le permis de construire ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 août 2016 du maire de la commune de Colmar ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Colmar la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- en dépit de la régularisation du permis de construire modificatif et, ainsi, du rejet de leur requête par le tribunal administratif de Strasbourg par un second jugement, leur requête n'a pas perdu son objet et il n'y a pas non-lieu à statuer ;
- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article UC 6.2 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Colmar ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme dès lors que le projet est inesthétique, massif et ne s'insère manifestement pas dans son environnement ;
- il méconnaît les dispositions de l'article UC 7.1 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Colmar, qui doivent être lues à la lumière des indications de l'article UC 10.1 du même règlement.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 avril 2020, la commune de Colmar, représentée par Me Rouquet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mmes D... et B... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par les appelantes ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2022, M. H... I... A... et Mme F... I... A..., représentés par Me Lang, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête de Mmes D... et B... ;
2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer en application de l'article L. 600-5-1 pour permettre la régularisation des éventuels vices entachant le permis de construire ;
3°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de Mmes D... et B... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- il n'y a plus lieu de statuer sur la requête dès lors qu'après la délivrance d'un permis de construire modificatif, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la requête formée par Mmes D... et B... par un second jugement devenu définitif, ce qui prive d'objet le présent appel contre le jugement avant dire droit ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par les appelantes ne sont pas fondés ;
- à titre infiniment subsidiaire, la cour surseoira à statuer en application des dispositions de l'article L. 600-5- du code de l'urbanisme.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,
- et les observations de Me Juliac-Degrelle pour Mmes D... et B... et de Me Lang pour M. et Mme I... A....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 31 août 2016, le maire de Colmar a accordé à M. et Mme I... A... un permis de construire une maison d'habitation rue de Montbéliard à Colmar. Mmes D... et B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de cet arrêté, ensemble la décision rejetant leur recours gracieux. Par un jugement du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a, après avoir écarté les autres moyens, sursis à statuer sur la requête présentée par Mmes D... et B... pour permettre la régularisation du vice entachant le permis de construire et tiré de la méconnaissance de l'article UC 13.3 du plan d'occupation des sols de la commune de Colmar. Mmes D... et B... font appel de ce jugement en tant qu'il écarte certains des moyens soulevés contre le permis de construire.
Sur l'exception de non-lieu à statuer :
2. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".
3. Il résulte des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme que lorsque le juge administratif fait usage des pouvoirs qu'il tient de cet article, il doit se prononcer sur l'ensemble des moyens qu'il estime non fondés dans sa décision avant dire droit. Lorsqu'un tribunal administratif, après avoir écarté comme non fondés les autres moyens de la requête, a retenu l'existence d'un ou plusieurs vices entachant la légalité du permis de construire dont l'annulation lui était demandée et, après avoir estimé que ce ou ces vices étaient régularisables par un permis modificatif, a décidé de surseoir à statuer en faisant usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, l'auteur du recours formé contre le permis est recevable à faire appel de ce jugement avant dire droit en tant qu'il a écarté comme non fondés les moyens dirigés contre l'autorisation d'urbanisme initiale et, également, en tant qu'il a fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1. Si l'intervention de la mesure de régularisation dans le cadre du sursis à statuer prononcé par le jugement avant dire droit prive d'objet les conclusions dirigées contre ce jugement en tant qu'il a mis en œuvre les pouvoirs que le juge tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, cette circonstance, tout comme le fait que le tribunal a, après régularisation du vice, rejeté, par un jugement devenu définitif, la requête de première instance, ne privent pas d'objet les conclusions dirigées contre le jugement avant dire droit en tant qu'il a écarté les moyens dirigés contre l'autorisation d'urbanisme. Par suite, M. et Mme I... A... ne sont pas fondés à soutenir qu'à la suite de la délivrance d'un permis modificatif pour régulariser le vice constaté par le jugement avant dire droit et du rejet par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 juin 2020, désormais définitif, de la requête de Mmes D... et B..., la requête d'appel, qui tend à obtenir l'annulation du jugement avant-dire droit du 20 décembre 2019 en tant qu'il a écarté certains des moyens dirigés contre le permis de construire, est privé d'objet. L'exception de non-lieu à statuer doit donc en tout état de cause être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il écarte certains des moyens dirigés contre le permis de construire :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. "
5. Pour apprécier si un projet de construction porte atteinte, en méconnaissance des dispositions précitées, au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
6. Il ressort des pièces du dossier que la construction autorisée s'inscrit dans un quartier d'habitat pavillonnaire, sans particularité architecturale, comptant également quelques immeubles collectifs, mais étant principalement marqué par la présence de maisons d'habitation individuelles et par une certaine hétérogénéité des constructions. Le projet litigieux est constitué par une maison individuelle d'une hauteur et d'un volume légèrement moins importants que les autres constructions implantées à proximité. Le choix d'utiliser de la brique pour les murs du projet, comme le font d'ailleurs plusieurs constructions à proximité rapprochée du site, ainsi que la présence de nombreuses ouvertures au rez-de-chaussée de la face sud de la construction n'empêchent pas l'insertion du projet, de taille modeste, au sein de son environnement. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme doit ainsi être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article UC 6.1 du règlement du plan d'occupation des sols de Colmar alors en vigueur : " Les constructions doivent être implantées soit en retrait de 4 mètres au moins par rapport à l'alignement de la voie publique ou privée, à l'exception des ouvrages de faible dimension (perron, emmarchement d'une surface de 5m² maximum), soit en retrait ou à l'alignement des marges de recul inscrites au plan de zonage ". L'article UC 6.2 du règlement du plan d'occupation des sols de Colmar alors en vigueur dispose : " Lorsque les constructions existantes sont implantées à l'alignement ou de façon ordonnée par rapport à l'alignement et forment un " alignement visuel ", la nouvelle construction doit assurer la continuité dudit alignement ". Il résulte des dispositions précitées que les nouvelles constructions doivent, en principe, être implantées à au moins quatre mètres de l'alignement de la voie publique ou privée ou, en cas de marges de recul inscrites au plan de zonage, sur l'alignement de cette marge ou en retrait de cette dernière. Il ne peut en être différemment que si les constructions existantes forment un alignement visuel, qu'elles soient construites à l'alignement de la voie ou implantées de manière ordonnée par rapport à cet alignement.
8. Il ressort des pièces du dossier et notamment des diverses photographies produites par les parties que les différents bâtiments préexistants dans la rue de Montbéliard ne sont pas construits à l'alignement de la voie publique. Les constructions existantes sont, de plus, implantées de manière désordonnée et elles ne forment pas, du fait notamment des distances variables à la voirie, mais aussi des jeux de volumes existants et de la présence de saillies et balcons en façades, un alignement visuel. Par suite, l'implantation de la construction litigieuse en retrait de quatre mètres de l'alignement de la voie publique ne méconnaît pas les dispositions de l'article UC 6.2 du règlement du plan d'occupation des sols de Colmar alors en vigueur.
9. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article UC 7.1 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Colmar : " Dans une bande de 16 mètres à partir de l'alignement ou de la marge de recul inscrite au plan de zonage, la distance d'isolement par rapport à la limite séparative est égale à la moitié de la hauteur du bâtiment (prise à la gouttière ou à l'acrotère) sans pouvoir être inférieure à 3 mètres. (...) ".
10. Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, en l'absence de tout renvoi par les dispositions de l'article UC 7.1 à la méthode exposée à l'article UC 10.1 pour s'assurer du respect des règles de hauteur maximale, la détermination de la hauteur dans le cadre de l'appréciation de la satisfaction de la règle de prospect ne peut être effectuée d'après les prescriptions consacrées pour s'assurer du respect des exigences de hauteur maximale des constructions. Par suite, pour évaluer la distance devant être respectée, en application de l'article UC 7.1, entre les nouvelles constructions et celles déjà existantes, la hauteur du bâtiment doit être calculée à partir de la hauteur de la gouttière, comme le prévoient explicitement les dispositions précitées, et en partant, à défaut de précision sur ce point, non du niveau de la voirie, mais du niveau naturel du terrain. Or, il résulte des pièces du dossier que la hauteur du bâtiment projeté ne dépasse pas six mètres par rapport au niveau du terrain naturel, de sorte que les distances entre le projet et les limites séparatives, qui sont d'au moins trois mètres, satisfont aux exigences de l'article UC 7.1 précité. Le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit donc être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mmes D... et B... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a écarté les moyens dirigés contre le permis de construire du 31 août 2016 et tirés de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et de la méconnaissances des articles UC 6.2 et UC 7.1 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Colmar.
Sur les frais liés au litige :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mmes D... et B... le versement d'une somme globale de 1 500 euros à la commune de Colmar, ainsi que d'une somme globale de 1 500 euros aux époux I... A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Colmar qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... et de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme D... et Mme B... verseront la somme globale de 1 500 euros aux époux I... A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Mme D... et Mme B... verseront la somme globale de 1 500 euros à la commune de Colmar en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D..., à Mme G... B..., à la commune de Colmar, à M. H... I... A... et à Mme F... I... A....
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Haudier, présidente-assesseure,
- M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 octobre 2022.
Le rapporteur,
Signé : S. C...
Le président,
Signé : C. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 20NC00460
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