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20/10/2022 | FRANCE | N°21NC00364

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 20 octobre 2022, 21NC00364


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Felix Lewi Successeurs a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Eurométropole de Strasbourg à lui verser la somme de 1 140 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du classement des parcelles cadastrées section 57 n° 60, 61, 62, 63 et 64 en zone UXb1 du plan local d'urbanisme intercommunal approuvé par une délibération du 16 décembre 2016, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2018 et de la capitalisation des intérêts, et

de mettre à la charge de l'Eurométropole de Strasbourg la somme de 3 000 euros a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Felix Lewi Successeurs a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Eurométropole de Strasbourg à lui verser la somme de 1 140 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du classement des parcelles cadastrées section 57 n° 60, 61, 62, 63 et 64 en zone UXb1 du plan local d'urbanisme intercommunal approuvé par une délibération du 16 décembre 2016, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2018 et de la capitalisation des intérêts, et de mettre à la charge de l'Eurométropole de Strasbourg la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900109 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes et a mis à sa charge le versement à l'Eurométropole de Strasbourg de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 21NC00364 le 10 février 2021 et un mémoire, enregistré le 13 septembre 2022, la société Felix Lewi Successeurs, représentée par Me Bader, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 décembre 2020 ;

2°) de condamner l'Eurométropole de Strasbourg à lui verser la somme de 1 140 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du classement des parcelles cadastrées section 57 n° 60, 61, 62, 63 et 64 en zone UXb1 du plan local d'urbanisme intercommunal approuvé par une délibération du 16 décembre 2016, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2018 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de l'Eurométropole de Strasbourg la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

s'agissant de la responsabilité pour faute :

- le classement contesté est incompatible avec les orientations n° 7 du chapitre I, n° 1 du chapitre III, et n° 4 du chapitre VI du document d'orientation et d'objectifs (DOO) du schéma de cohérence territoriale de la région de Strasbourg (SCOTERS) relatives respectivement au renouvellement urbain, à la gestion économe de l'espace et au développement des activités commerciales ;

- ce classement est incohérent avec les orientations et objectifs définis dans le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de l'Eurométropole de Strasbourg ;

- la commune a commis une erreur de fait en procédant au classement des parcelles concernées, qui ne peuvent être qualifiées d'espace naturel à préserver, non plus que d'espace vert à la disposition du public ;

- les parcelles en cause ne constituent pas un espace naturel à protéger pour des raisons écologiques au titre des articles L. 151-9 et L. 151-23 du code de l'urbanisme et du 12° de l'article 2, titre II, du règlement du PLUi de l'Eurométropole de Strasbourg ; en tout état de cause, en appliquant à l'ensemble de la surface non-bâtie de ces parcelles le classement en espaces plantés à conserver ou à créer, la commune a excédé ce qui était nécessaire pour satisfaire les objectifs du PLUi ;

- le classement litigieux est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- ce classement porte atteinte à l'égalité des citoyens devant la loi ;

- il porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété.

s'agissant de la responsabilité sans faute :

- au regard de leurs caractéristiques, ses parcelles ne pouvaient pas être légalement classée comme espaces plantés à préserver ou à créer ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que son terrain était déjà construit à hauteur de la moitié de sa surface ; elle supporte une charge spéciale et exorbitante de nature à engager la responsabilité de la commune sur le fondement de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme ;

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 3 et 21 septembre 2022, ce dernier non communiqué, l'Eurométropole de Strasbourg, représentée par Me Verdin, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit mis à la charge de la société Felix Lewi successeurs une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, président,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lamin, substituant Me Bader, pour la société Felix Lewi successeurs, ainsi que celles de Me Verdin, pour l'Eurométropole de Strasbourg.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 16 décembre 2016, le conseil de l'Eurométropole de Strasbourg a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal applicable au territoire de l'Eurométropole. Par lettre du 17 janvier 2018, la société Felix Lewi Successeurs en a demandé l'abrogation en tant qu'elle approuve le classement des parcelles lui appartenant, cadastrées section 57 n° 60 à 64 à Schiltigheim en " espaces plantés à conserver ou à créer ". Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'Eurométropole sur cette demande d'abrogation. La société Felix Lewi successeurs a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler cette décision implicite de rejet ainsi que la délibération du 16 décembre 2016 approuvant le plan local d'urbanisme intercommunal, en tant qu'elle classe ses parcelles en " espaces plantés à conserver ou à créer ". Par un jugement du 23 octobre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes. Parallèlement, la société Felix Lewi successeurs a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation de l'Eurométropole de Strasbourg à lui verser la somme de 1 140 000 euros HT en réparation de la perte de valeur vénale de ses parcelles résultant du classement litigieux. Elle relève appel du jugement du 10 décembre 2020 par lequel le tribunal a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur la responsabilité pour faute :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-23 du même code : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les sites et secteurs à protéger pour des motifs d'ordre écologique, notamment pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation. (...). / Il peut localiser, dans les zones urbaines, les terrains cultivés et les espaces non bâtis nécessaires au maintien des continuités écologiques à protéger et inconstructibles quels que soient les équipements qui, le cas échéant, les desservent ". Ces dispositions, issues de l'ancien article L. 123-1-5 de ce code, permettent au règlement d'un plan local d'urbanisme d'édicter des dispositions visant à protéger, mettre en valeur ou requalifier un élément du paysage dont l'intérêt le justifie. Le règlement peut notamment, à cette fin, identifier un secteur en raison de ses caractéristiques particulières. La localisation de ce secteur, sa délimitation et les prescriptions le cas échéant définies, qui ne sauraient avoir de portée au-delà du territoire couvert par le plan, doivent être proportionnées et ne peuvent excéder ce qui est nécessaire à l'objectif recherché. Une interdiction de toute construction ne peut être imposée que s'il s'agit du seul moyen permettant d'atteindre l'objectif poursuivi.

3. L'article 2 du règlement du PLUi de l'Eurométropole de Strasbourg prévoit que " sont admis sous conditions : (...) / 12. Dans les secteurs repérés au règlement graphique par la trame " espaces plantés à conserver ou à créer " : -les espaces d'agréments et circulations réservés aux piétons - les accès aux constructions ; - les gloriettes de jardin à condition de ne pas excéder une emprise au sol de 10 m² et une hauteur hors tout de 3 mètres ; - les bassins des piscines non couvertes, dont les plages et aménagements artificiels périphériques n'excèderont pas une largeur de 1 m autour du bassin, dans la limite de 10% de la surface de " l'espaces planté à conserver ou à créer ", impactant l'unité foncière concernée ; - les aménagements, installations ou constructions nécessaires au fonctionnement d'un espace public ; les opérations inscrites en emplacement réservé ".

4. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles de la société Felix Lewi successeurs, situées à Schiltigheim et cadastrées section 57 n° 60 à 64, sont de celles que le règlement graphique du PLUi de l'Eurométropole de Strasbourg a classées en Zone UXb1, comme " espaces plantés à conserver ou à créer " et a ainsi soumis aux dispositions de son article 2, citées ci-dessus. Il ressort du rapport de présentation du PLUi que ces espaces, localisés notamment dans les cœurs d'îlots et fonds de parcelles constitués principalement d'espaces non bâtis et de jardins, ont été identifiés dans le but de participer au maintien et au renforcement de la nature en ville sous toutes ses formes ainsi qu'au maillage écologique, sans toutefois que ce dernier concerne les continuités écologiques les plus structurantes du territoire, telles qu'elles figurent à l'OAP trame verte et bleue, les constructions de faible emprise y restant, pour cette raison, possibles.

5. D'une part, ni les dispositions de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme, ni les règlement et règlement graphiques du PLUi ne subordonnent la délimitation de " secteurs à protéger pour des motifs d'ordre écologique, notamment pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques " ou le classement de parcelles, au titre de ce même article L. 151-23, comme " espaces plantés à conserver ou à créer " à la condition que ces parcelles constituent un paysage remarquable ou un espace naturel à protéger au titre de la trame verte et bleue ou possèdent, à la date d'établissement du plan, tous les caractères d'un espace planté. Ainsi, la circonstance, à la supposer établie, que les parcelles de la société Felix Lewi successeurs seraient constituées d'une végétation sauvage ne présentant aucune particularité et n'appelant aucune protection ne faisait pas obstacle à une telle délimitation ou à un tel classement. Si la société requérante soutient que les caractéristiques de ses parcelles ne correspondent à aucun des trois exemples de parcelles citées par le rapport de présentation pour justifier cette délimitation ou ce classement, ces exemples ne présentent pas, en tout état de cause, de caractère exhaustif. Par suite, il y a lieu d'écarter les moyens tirés par la société requérante des caractéristiques et de l'état de la végétation sur ses parcelles.

6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le classement des parcelles situées rue du Chêne à Schiltigheim comme espaces plantés à conserver ou à créer procède de la volonté de la commune de préserver ce qu'elle considère être, selon les termes de sa réponse à la commission d'enquête, un " poumon vert dans un quartier densément peuplé ". Aux dires de cette commission, cette zone verte est en effet existante et fait écran entre la voie de chemin de fer et les habitations existantes. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des documents photographiques produits par les parties, que les parcelles en cause ne seraient pas de nature à jouer ce rôle, conforme à l'objectif du PLUi de maintenir et renforcer la nature en ville, de zone de transition entre les habitations, constituées notamment de pavillons individuels, et la voie ferrée, ainsi d'ailleurs que de l'autoroute A4, ni que le périmètre de ce classement excéderait ce qui est nécessaire à l'atteinte de cet objectif.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 151-2 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme comprend : (...) 2° Un projet d'aménagement et de développement durable ; (...) 4° Un règlement ; 5° Des annexes. (...) ". Aux termes de l'article L. 151-5 du même code : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit : 1° Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques. 2° Les orientations générales concernant l'habitat, les transports et les déplacements, les réseaux d'énergie, le développement des communications numériques, l'équipement commercial, le développement économique et les loisirs, retenues pour l'ensemble de l'établissement public de coopération intercommunale ou de la commune. / Il fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain. ". Aux termes de l'article L. 151-8 du même code : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

8. Il ressort des pièces du dossier que si le projet d'aménagement et de développement durables du PLUi de l'Eurométropole de Strasbourg comporte, comme le souligne la société requérante, diverses orientations tendant à renforcer l'attractivité régionale et internationale de l'Eurométropole, à parvenir à un équilibre entre la préservation des terres agricoles, des espaces naturels et le développement urbain, lequel est privilégié dans l'enveloppe urbaine, à s'appuyer sur des pôles urbains, dont Schiltigheim fait partie, pour répondre aux besoins démographiques, ou à favoriser l'implantation d'entreprises, il mentionne également la volonté des auteurs du PLUi de proposer un cadre de vie agréable et attractif, notamment par un développement de la nature en ville et la disponibilité d'espaces verts de proximité, de respiration, de calme, de rencontre et de loisirs, dans un but d'amélioration du cadre de vie ou de réalisation d'une interface avec la nature en ville. Contrairement à ce que soutient la société requérante, l'orientation n° 1, Développer la nature en ville sous toutes ces formes comme support d'aménités urbaines ne concerne pas uniquement les espaces verts aménagés ouverts au public. Le PADD indique encore expressément que l'attractivité de l'Eurométropole de Strasbourg n'est pas seulement liée à l'offre économique et aux capacités d'accueil d'entreprises, mais aussi à son attractivité résidentielle et la qualité de l'accueil des populations liée à l'offre d'habitat, au cadre de vie, aux espaces de nature et d'équipements. Eu égard à l'ensemble de ces orientations, qu'il appartenait aux auteurs du PLUi de concilier, le classement des parcelles de la société requérante, pour les motifs rappelés au point 6 du présent arrêt, comme espaces plantés à préserver ou à créer ne procède en lui-même d'aucune incohérence avec les orientations du PADD.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 151-1 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme respecte les principes énoncés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. Il est compatible avec les documents énumérés à l'article L. 131-4 et prend en compte ceux énumérés à l'article L. 131-5 ". Aux termes de l'article L. 131-4 du même code : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 (...) ". Pour apprécier la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

10. Il est vrai que les orientations n° 7 du chapitre I, n° 1 du chapitre III et n° 4 du chapitre VI du document d'orientation et d'objectifs du Scoters traduisent la volonté des auteurs de ce schéma de cohérence de favoriser le développement urbain, d'assurer une gestion économe de l'espace et de localiser les activités commerciales dans le respect des équilibres territoriaux. Toutefois, le classement des parcelles de la requérante comme espaces plantés à préserver ou à créer, qui manifeste la volonté des auteurs du PLUi de protéger le cadre de vie des habitants, n'est en lui-même incompatible ni avec le souci de construire prioritairement dans les " dents creuses ", ni avec la préoccupation d'économie du foncier, ni enfin avec la localisation préférentielle de la fonction commerciale dans les centralités urbaines, qu'évoquent ces diverses orientations, alors qu'il n'est ni établi, ni même allégué que ces objectifs ne trouveraient pas leur concrétisation dans d'autres dispositions du PLU ou que leur réalisation se trouveraient compromis par le classement contesté.

11. En dernier lieu, eu égard, d'une part, à l'objectif de préservation de la nature en ville et d'amélioration du cadre de vie des habitants qui justifie, sans erreur manifeste d'appréciation, le classement des parcelles de la société requérante comme espaces plantés à préserver ou à créer et, d'autre part, au maintien de possibilités d'y réaliser des constructions de faible emprise, ce classement n'a porté d'atteinte illégale ni au principe d'égalité devant les charges publiques, ni au droit de propriété de la requérante.

12. Il résulte de ce qui précède que le classement des parcelles de la société requérante comme espaces plantés à préserver ou à créer n'est entachée d'aucune illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'Eurométropole de Strasbourg.

Sur la responsabilité sans faute :

13. Aux termes de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme : " N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. / Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain. Cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui tient compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan local d'urbanisme approuvé ou du document en tenant lieu ". Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en œuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi.

14. Le classement des parcelles de la société requérante comme espaces plantés à conserver ou à créer, soumis par l'article 2 du règlement du PLUi de l'Eurométropole de Strasbourg à des restrictions importantes de constructibilité, n'a ni porté atteinte à des droits acquis, ni modifié l'état antérieur des lieux. En outre, eu égard notamment à l'objet de ce classement, qui vise à permettre le maintien d'espaces de nature en ville et à préserver le cadre de vie des habitants d'un quartier résidentiel, la perte de valeur vénale de ces parcelles, auparavant classée en secteur UX5, excluant déjà les constructions à usage d'habitation et permettant seulement la construction de locaux d'activités avec une emprise limitée à 50 %, ne peut, en tout état de cause, être regardée comme faisant peser sur la société requérante une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec les justifications d'intérêt général sur lesquelles repose le PLUi de l'Eurométropole de Strasbourg. La société Felix Lewi successeurs n'est par suite pas fondée à rechercher la responsabilité de l'Eurométropole de Strasbourg sur le fondement des dispositions de l'article L. 105-1 du code de l'urbanisme ou du principe d'égalité devant les charges publiques.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Felix Lewi successeurs n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

17. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Eurométropole de Strasbourg, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Felix Lewi successeurs demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de celle-ci le versement à l'Eurométropole de Strasbourg de la somme de 2 000 euros, qu'elle demande, au titre des frais qu'elle a elle-même exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Felix Lewi successeurs est rejetée.

Article 2 : La société Felix Lewi successeurs versera à l'Eurométropole de Strasbourg la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Felix Lewi successeurs et à l'Eurométropole de Strasbourg.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Goujon-FischerLe président,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne à la préfète de région Grand Est, préfète du Bas-Rhin en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 21NC00364


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00364
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SELARL DÔME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-10-20;21nc00364 ?
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