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13/10/2022 | FRANCE | N°20NC00950

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 13 octobre 2022, 20NC00950


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignés au titre de l'année 2012.

Par un jugement n°s 1804679 et 1808138 du 18 février 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 avril 2020 et un mémoire enregistré le 1er juin 2021, Mme B..., représen

tée par Me Fritsch, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de la décharger des impos...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignés au titre de l'année 2012.

Par un jugement n°s 1804679 et 1808138 du 18 février 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 avril 2020 et un mémoire enregistré le 1er juin 2021, Mme B..., représentée par Me Fritsch, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de la décharger des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure est irrégulière en ce qu'elle n'a jamais reçu la proposition de rectification du 30 janvier 2014 et pas davantage celle du 2 avril 2014 dont l'administration se prévaut de sorte que les impositions et les majorations doivent être dégrevées ;

- seuls les versements périodiques pour une période supérieure à douze mois d'une prestation compensatoire peuvent être imposés à l'impôt sur le revenu chez le créancier de la prestation dès lors que cet échéancier est prévu par le jugement de divorce et que les échéances sont indexées ; dans le cas où les versements se sont échelonnés sur une période supérieure à douze mois en méconnaissance du jugement de divorce, alors ces sommes ne sont pas imposables comme des pensions alimentaires en vertu de la doctrine administrative BOFIP-IR-RICI-160-10 § 150 au 12 septembre 2012 ; en l'espèce, le versement de la prestation compensatoire de 100 000 euros a été prévu par le jugement de divorce en trois échéances sur une durée inférieure à huit ans de sorte que les sommes perçues ne sauraient être regardées comme des pensions alimentaires au sens de l'article 80 quater du code général des impôts ; la circonstance que le solde consécutif à la vente de la maison a été versé plus de douze mois après le jugement est sans incidence en l'absence d'indexation et dès lors que la vente de la maison constituait par définition un aléa ;

- les impositions qui découlent de l'imposition de cette prestation compensatoire sont excessives et procèdent d'un détournement de pouvoir alors qu'elles n'ont pas été imposées entre les mains de son ex-mari ;

- en tout état de cause il y a lieu à titre subsidiaire d'exclure des revenus imposables les montants perçus au titre de la pension alimentaire à hauteur de " 57.20 euros ".

Par un mémoire en défense enregistré le 12 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêt n° 18NC02120 du 27 décembre 2018 auquel il est fait expressément référence, cette cour, après avoir annulé une ordonnance de la vice-présidente du tribunal administratif de Strasbourg du 22 mai 2018, a renvoyé à cette juridiction les demandes de Mme B... tendant à la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignés au titre de l'année 2012 à la suite d'une procédure de taxation d'office. Mme B... relève appel du jugement du 18 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.

Sur la régularité de la procédure :

2. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : 1° à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus (...) sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 67 ". Aux termes de l'article L. 67 de ce même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure ". Aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. Cette notification est interruptive de prescription ".

3. Mme B... n'ayant pas déposé sa déclaration de revenu global modèle 2042 au titre de l'année 2012 après avoir reçu notification le 30 août 2013 d'une mise en demeure, a ainsi été régulièrement taxée d'office. Il résulte de l'instruction que l'administration justifie avoir adressé un pli recommandé contenant une proposition de rectification du 2 avril 2014 comportant les indications exigées par l'article L. 76 du livre des procédures fiscales à Mme B... qui a été présenté par les services postaux le 9 avril 2014 et retourné à l'expéditeur portant la mention " avisé non réclamé " le 26 avril suivant. La circonstance que cette proposition de rectification annule et remplace une précédente proposition de rectification datée du 30 janvier 2014 demeure sans incidence sur la régularité de la procédure de taxation d'office et sur le caractère interruptif de la prescription de la notification des bases d'imposition. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu ". Aux termes de l'article 80 quater du même code : " Sont soumises au même régime fiscal que les pensions alimentaires les versements de sommes d'argent mentionnés à l'article 275 du code civil lorsqu'ils sont effectués sur une période supérieure à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce, que celui-ci résulte ou non d'une demande conjointe, est passé en force de chose jugée ". Aux termes de l'article 274 du code civil : " Le juge décide des modalités selon lesquelles s'exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes suivantes : 1° Versement d'une somme d'argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution des garanties prévues à l'article 277 ". Aux termes de l'article 275 du même code : " Lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l'article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires. Le débiteur peut demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement important de sa situation. A titre exceptionnel, le juge peut alors, par décision spéciale et motivée, autoriser le versement du capital sur une durée totale supérieure à huit ans. Le débiteur peut se libérer à tout moment du solde du capital indexé ". Aux termes de l'article 275-1 dudit code : " Les modalités de versement prévues au premier alinéa de l'article 275 ne sont pas exclusives du versement d'une partie du capital dans les formes prévues par l'article 274 ". Il résulte de la combinaison des dispositions des articles 80 quater du code général des impôts, 275 et 275-1 du code civil que ne peuvent être soumises au même régime fiscal que les pensions alimentaires, que les sommes d'argent versées au titre d'une prestation compensatoire dont le juge a fixé les modalités de paiement sous la forme des versements prévus aux articles 275 et 275-1 et qui sont effectués sur une période supérieure à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement est passé en force de chose jugée.

5. Il est constant que, par le jugement de divorce du 17 septembre 2012, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Strasbourg, homologuant la convention conclue entre les époux, a accordé à Mme B..., à titre de prestation compensatoire, un capital de 100 000 euros et fixé les modalités de paiement de cette somme " sous la forme de versements échelonnés (50 000 euros dans le mois suivant la date à laquelle le jugement de divorce est définitif, 30 000 euros le 15 janvier 2013 et 20 000 euros à la date de signature de l'acte de vente de l'ancien domicile conjugal) ". Il résulte ainsi des mentions de ce jugement que le juge aux affaires familiales, qui a subordonné l'obligation de procéder au dernier versement à un événement dont la date n'était pas prévisible, a nécessairement reconnu la faculté pour le débiteur de procéder au versement complet du capital sur une période supérieure à douze mois. Au demeurant, à la date du jugement attaqué, la vente de l'ancien domicile conjugal n'était toujours pas intervenue et, corrélativement, le dernier versement de 20 000 euros n'avait pas été effectué par l'ex-mari de Mme B.... Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard au terme indéterminé du délai prévu pour effectuer le versement complet du capital fixé par le jugement ci-dessus analysé à titre de prestation compensatoire, lequel autorisait la libération du débiteur dans un délai supérieur à douze mois, comme cela s'est d'ailleurs produit, c'est à bon droit que l'administration a soumis le versement de 50 000 euros intervenu au cours de l'année 2012 au régime fiscal ci-dessus rappelé des pensions alimentaires.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./ Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".

7. L'instruction 5B-15-12 du 23 mars 2012, reprise sous la référence BOFIP-IR-RICI-160-10 § 150 au 12 septembre 2012, invoquée par la requérante, outre qu'elle n'ajoute rien à la loi fiscale, concerne le versement en tout ou partie de la prestation compensatoire au-delà du délai de douze mois dans le cas où le jugement ou la convention homologuée prévoit que le versement doit intervenir intégralement dans le délai de douze mois. Cette doctrine n'est, dès lors, pas applicable au présent litige qui concerne, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le régime fiscal de paiements intervenus en exécution d'un jugement de divorce autorisant le versement de la prestation compensatoire sur une période supérieure à douze mois. Il s'ensuit que Mme B... ne peut pas s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

8. La requérante reprend, en outre, en appel les moyens tirés du caractère excessif de l'imposition mise à sa charge et d'un détournement de pouvoir. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.

9. Si la requérante demande à titre subsidiaire que soient déduites de son revenu imposable les pensions alimentaires à hauteur, selon ses propres termes, de " 57.20 euros ", elle ne précise pas la nature de ces sommes et pas davantage sur quel fondement il conviendrait de faire droit à ces conclusions.

Sur les pénalités :

10. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai " et aux termes de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard./Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France ".

11. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme B... a été régulièrement mise en demeure de déposer sa déclaration de revenu global et qu'elle a été régulièrement taxée d'office à défaut d'avoir déféré à cette injonction. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les majorations ayant assorti les impositions litigieuses devraient être déchargées à raison des vices qui auraient affecté la procédure d'imposition.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 20NC00950

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00950
Date de la décision : 13/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : FRITSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-10-13;20nc00950 ?
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