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11/10/2022 | FRANCE | N°20NC00498

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 11 octobre 2022, 20NC00498


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association interdépartementale pour le développement des actions en faveur des personnes handicapées et inadaptées (AIDAPHI) a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 1er mars 2018 par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Marne a implicitement rejeté sa demande du 22 décembre 2017 tendant à obtenir le paiement d'une somme de 22 970 euros au titre de l'assistance éducative en milieu ouvert des enfants d'une famille dont le père réside

dans le Loiret, pour la période allant du 1er décembre 2013 au 31 mars 2016 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association interdépartementale pour le développement des actions en faveur des personnes handicapées et inadaptées (AIDAPHI) a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 1er mars 2018 par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Marne a implicitement rejeté sa demande du 22 décembre 2017 tendant à obtenir le paiement d'une somme de 22 970 euros au titre de l'assistance éducative en milieu ouvert des enfants d'une famille dont le père réside dans le Loiret, pour la période allant du 1er décembre 2013 au 31 mars 2016 et de condamner le département de la Haute-Marne à lui verser une somme de 10 519,36 euros au titre de l'assistance éducative en milieu ouvert des enfants de cette famille pour la période allant du 1er décembre 2013 au 1er avril 2015, avec intérêts et capitalisation.

Par un jugement n° 1801807 du 7 janvier 2020, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 février 2020 et 2 avril 2021, l'association AIDAPHI, représentée par Me Corneloup, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du président du conseil départemental de la Haute-Marne ;

3°) de condamner le département de la Haute-Marne à lui verser une somme de 10 519,36 euros, assortie des intérêts légaux avec capitalisation ;

4°) de mettre à la charge du département de la Haute-Marne une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions à fin d'annulation ; la facturation des mesures d'assistance éducative en milieu ouvert est dérogatoire et n'est pas soumise au principe du service fait ; les services d'assistance éducative en milieu ouvert d'Orléans ont été désignés par le juge des enfants pour mettre en place une mesure dans un des services relevant de la compétence du domicile du père des enfants ; une fois la mesure ordonnée par le juge des enfants, son paiement est dû en intégralité, d'autant qu'en l'espèce les mesures sont complexes compte tenu de la nécessité de se coordonner avec l'établissement des mesures d'assistance éducative au domicile de la mère, alors qu'il n'est pas justifié que le département de la Haute-Marne aurait réglé la totalité du prix de journée de la mesure d'assistance en cause et que la prise en charge des mineurs en cause intervient pour déterminer le nombre d'enfants pouvant être aidés par l'association ; le tarif fixé par arrêté s'impose à tous les départements dont dépendent les mineurs pris en charge, sans qu'il y ait lieu de proratiser compte tenu du lieu de résidence de l'enfant, ou de prendre en considération la présence effective de l'enfant au domicile des parents ou la participation de ces derniers à la mesure éducative en cause ; l'arrêté du 19 décembre 2003 relatif aux modes de tarification applicables aux prestations d'action éducative délivrées par les établissements et services concourant à la protection judiciaire de la jeunesse et sous compétence tarifaire conjointe du représentant de l'Etat dans le département et du président du conseil départemental prévoit que chaque enfant concerné par la mesure d'assistance donnera lieu à la perception du prix de journée pour la durée fixée par le juge ; la décision implicite litigieuse est entachée d'une erreur de droit ;

- le tribunal s'est contenté de relever que l'argumentation développée était sans incidence sur la responsabilité du département, sans motivation supplémentaire ;

- c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions indemnitaires ; l'erreur de droit commise par le département présente le caractère d'une faute de nature à engager sa responsabilité ; cette faute lui a causé un préjudice financier certain en la privant d'une partie de ses recettes, correspondant à des factures de 837 euros pour 2013, 8 735,56 euros pour 2014 et 784,80 euros pour 2015.

Par un mémoire enregistré le 18 mai 2020, le département de la Haute-Marne, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'association requérante une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

- c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que les conclusions tendant à l'annulation de la décision rejetant la demande d'indemnisation devaient être rejetées, au motif que cette décision avait pour seul effet de lier le contentieux ;

- c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les conclusions indemnitaires de l'association requérante, en l'absence d'illégalité fautive ; l'association ne saurait solliciter l'application du tarif journalier à l'ensemble des jours, sans tenir compte du fait que le droit de visite du père des enfants était initialement fixé à un week-end tous les quinze jours, puis n'a pas fait l'objet d'une confirmation judiciaire, et que les enfants ne sont pas venus voir leur père dans le département du Loiret depuis la Toussaint 2013 ; les articles L. 228-3 et L. 228-4 du code de l'action sociale et des familles ne créent pas de présomption de prise en charge des prestations, qui ne sont dues qu'en cas de prise en charge effective des enfants.

Par ordonnance du 10 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- l'arrêté du 19 décembre 2003 du garde des sceaux, ministre de la justice, relatif aux modes de tarification applicables aux prestations d'action éducative délivrées par les établissements et services concourant à la protection judiciaire de la jeunesse et sous compétence tarifaire conjointe du représentant de l'Etat dans le département et du président du conseil départemental ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Nadjar, pour l'association requérante.

Considérant ce qui suit :

1. L'association interdépartementale pour le développement des actions en faveur des personnes handicapées et inadaptées (AIDAPHI), qui assure notamment la gestion d'un établissement d'action éducative en milieu ouvert à Orléans, a saisi le président du conseil départemental de la Haute-Marne, le 22 décembre 2017, d'une demande tendant à obtenir le paiement des frais générés par l'accueil des quatre enfants d'une famille dont le père est domicilié dans le Loiret, sur la période allant du 1er décembre 2013 au 31 mars 2016. En l'absence de réponse expresse, une décision implicite de rejet est intervenue. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi qu'à la condamnation du département à lui verser la somme de 10 519,36 euros au titre de l'assistance éducative en milieu ouvert de ces enfants pour la période allant du 1er décembre 2013 au 1er avril 2015.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Les premiers juges ont indiqué que la décision par laquelle l'administration statue sur une demande préalable d'indemnisation avait pour seul objet de lier le contentieux, pour en déduire que les éventuelles illégalités de la décision étaient, par elles-mêmes, sans incidence sur la responsabilité du département et que les conclusions tendant à l'annulation du refus de paiement opposé par le département devaient être rejetées. Leur réponse sur ce point est suffisamment motivée, étant précisé que le tribunal a, par ailleurs, pour rejeter les conclusions indemnitaires, expliqué les raisons pour lesquelles il estimait que les sommes demandées par l'AIDAPHI n'étaient pas dues par le département. L'association requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le jugement est insuffisamment motivé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. L'article L. 228-3 du code de l'action sociale et des familles prévoit que le département " prend (...) en charge les dépenses afférentes aux mesures d'action éducative en milieu ouvert exercées sur le mineur et sa famille en application des articles 375-2,375-4 et 375-5 du code civil et confiées soit à des personnes physiques, établissements et services publics ou privés, soit au service de l'aide sociale à l'enfance ". Aux termes de l'article L. 228-4 du même code " Les dépenses mentionnées à l'article L. 228-3 sont prises en charge par le département du siège de la juridiction qui a prononcé la mesure en première instance " et " Lorsque, pendant l'exécution de la mesure, la juridiction décide de se dessaisir du dossier au profit d'une autre juridiction, elle porte cette décision à la connaissance des présidents des conseils départementaux concernés. Le département du ressort de la juridiction désormais saisie prend en charge les frais afférents à l'exécution de la mesure ". Il ressort de l'article R. 314-25 de ce code que les prestations fournies par les établissements et services mettant en œuvre les mesures éducatives ordonnées par l'autorité judiciaire notamment sur le fondement des articles 375 à 375-78 du code civil, font l'objet d'un prix de journée ou d'un tarif forfaitaire par mesure, un arrêté du ministre de la justice fixant celui des deux modes de tarification qui est applicable à chaque type de prestation. L'article 3 de l'arrêté du 19 décembre 2003 précédemment visé indique que " Les dépenses des services (...) qui délivrent des prestations d'action éducative en milieu ouvert sont prises en charge (...) sous la forme d'un prix de journée. Les services perçoivent un prix de journée pour chaque personne faisant l'objet de la mesure exercée et dans la limite de la durée fixée par l'autorité judiciaire ".

5. Trois des quatre enfants d'une famille résidant dans le Loiret ont bénéficié, à compter de l'année 2008, d'une assistante éducative en milieu ouvert, mise en œuvre par l'établissement relevant de l'AIDAPHI d'Orléans. Leurs parents se sont séparés à compter du mois de novembre 2012, et la mère, avec laquelle résident les enfants, a déménagé dans le département de la Haute-Marne, alors que leur père vit dans le Loiret. Les parents se sont accordés amiablement sur un droit de visite et d'hébergement du père à exercer un week-end tous les quinze jours, en l'absence de décision du juge des affaires familiales sur ce point.

6. Par un jugement en assistance éducative du 23 septembre 2013, le renouvellement de l'assistance éducative à l'égard des 3 ainés a été décidé par le juge des enfants d'Orléans qui dans la même décision charge le juge des enfants de A... d'une part d'organiser la mesure d'assistance au domicile de la mère et d'autre part de s'interroger sur le maintien de la mesure au domicile du père. Par un jugement du 27 octobre 2013 le juge des enfants de A... a donné compétence au juge des enfants d'Orléans pour organiser la mesure d'assistance lorsque les enfants sont chez leur père. Par une ordonnance du 4 novembre 2013, celui-ci a désigné l'AIDAPHI pour assurer la mesure d'assistance éducative lorsque les enfants sont chez leur père, soit un week-end tous les quinze jours jusqu'au 31 mars 2015. Un quatrième enfant a été ajouté en 2014 pour la mesure auprès de la mère et du père. Par un jugement en assistance éducative du juge des enfants de A... du 12 mars 2015, la mesure a été prolongée au domicile de la mère et la décision pour le domicile du père a été renvoyée au juge pour enfants d'Orléans dont il est constant qu'il n'a pris aucune nouvelle mesure. Ainsi, il résulte des termes mêmes du jugement en assistance éducative du 4 novembre 2013 que la mesure d'assistance a été ordonnée au domicile du père uniquement lorsque les enfants y sont effectivement présents. Toutefois, il est constant que les enfants n'ont jamais rendu visite à leur père durant la période au titre de laquelle l'AIDAPHI demande à être rémunérée. Cette dernière ne saurait, dans ces conditions, revendiquer un droit au paiement des dépenses de service mentionnées par les dispositions citées au point précédent. Elle n'est, dès lors pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le département de la Haute-Marne a refusé de lui verser la somme réclamée au titre de la mesure mise en place et à la condamnation de la collectivité locale à lui payer cette somme.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Haute-Marne, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande l'association requérante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AIDAPHI, partie perdante, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le département de la Haute-Marne et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'Association interdépartementale pour le développement des actions en faveur des personnes handicapées et inadaptées est rejetée.

Article 2 : L'Association interdépartementale pour le développement des actions en faveur des personnes handicapées et inadaptées versera au département de la Haute-Marne la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association interdépartementale pour le développement des actions en faveur des personnes handicapées et inadaptées et au département de la Haute-Marne.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2022.

La rapporteure,

Signé : A. B...La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. BassoLa République mande et ordonne à la préfète de la Haute-Marne, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 20NC00498


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00498
Date de la décision : 11/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-10-11;20nc00498 ?
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