Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2021, par lequel le préfet du Doubs lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office à l'expiration de ce délai de départ volontaire.
Par un jugement n° 2101472 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Besançon a, d'une part, annulé l'arrêté susmentionné et, d'autre part, enjoint au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour mention salarié dans un délai de deux mois.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 novembre 2021, le préfet du Doubs demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 9 novembre 2021 ;
2°) de confirmer la légalité de ses décisions du 2 juillet 2021.
Le préfet soutient que les documents d'état civil produits par M. A... sont frauduleux et que leur légalisation n'établit pas pour autant la véracité des mentions portées sur les actes civils.
Par des mémoires en défense, enregistré les 17 février et 1er juin 2022, M. B... A..., représenté par Me Bocher-Allanet conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du préfet du Doubs sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Des pièces enregistrées les 11 mars et 27 juin 2022 n'ont pas été communiquées.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 3 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 2020-1370 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant de la République de Guinée, affirme être né le 14 juillet 2002 et être entré irrégulièrement en France en octobre 2018. Par une ordonnance du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Besançon du 23 octobre 2018, l'intéressé a fait l'objet d'une mesure de placement provisoire à compter du même jour auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du Doubs, placement qui a ensuite été renouvelé jusqu'à sa majorité. Par un courrier du 19 juin 2020, M. A... a déposé une demande de délivrance de titre de séjour, à titre principal, sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article L. 313-15 ou L. 313-14 du même code. Par un arrêté du 2 juillet 2021, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la présente requête, le préfet du Doubs demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Besançon du 9 novembre 2021 annulant son arrêté.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se substituant à compter du 1er mai 2021 à l'article à l'article L. 313-15 du même code : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.
4. D'une part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° les documents justifiant de son état civil ; 2° les documents justifiant de sa nationalité ; (...) ". L'article L. 811-2 du même code prévoit que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Ce dernier article dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Aux termes de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 susvisée : " (...) II. - Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. / La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère : " I. - L'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français peut légaliser : / 1° Les actes publics émis par les autorités de son Etat de résidence, légalisés le cas échéant par l'autorité compétente de cet Etat ; (...) ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Par dérogation au 1° du I de l'article 3, peuvent être produits en France ou devant un ambassadeur ou chef de poste consulaire français : / 1° Les actes publics émis par les autorités de l'Etat de résidence dans des conditions qui ne permettent manifestement pas à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire français d'en assurer la légalisation, sous réserve que ces actes aient été légalisés par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire de cet Etat en résidence en France. / Le ministre des affaires étrangères rend publique la liste des Etats concernés ; (...) ".
5. D'autre part, l'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe donc à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Toutefois, en l'absence de convention internationale contraire, les copies ou extraits d'actes d'état civil établis par les autorités étrangères doivent, selon la coutume internationale, être légalisés pour recevoir effet en France. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
6. En l'espèce, il résulte des dispositions de l'article 4 du décret du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère ainsi que du tableau récapitulatif de l'état actuel du droit conventionnel en matière de légalisation en date du 7 juin 2022, que les actes publics émis par les autorités de la République de Guinée dans des conditions qui ne permettent manifestement pas à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire français d'en assurer la légalisation peuvent être légalisés par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire de cet Etat en résidence en France. Il en résulte que la légalisation effectuée par Mme A..., chargée des affaires financières et consulaires au sein de l'ambassade, pour laquelle l'ambassadeur de Guinée en France a attesté le 9 juin 2020 qu'elle était habilitée à signer et à légaliser les actes d'état civil, est régulière. Par suite, et nonobstant le rapport de la police aux frontières de Pontarlier du 1er septembre 2020, en l'absence de tout élément sur la qualité des supports des actes d'état civil guinéens et les sécurités qu'ils doivent comporter selon la législation guinéenne, la circonstance que les actes présentés par M. A... sont établis sur un support ordinaire grand public sans sécurité documentaire n'est pas de nature à établir que les mentions relatives à son identité et notamment à sa date de naissance sont irrégulières, falsifiées ou inexactes. Il résulte de ce qui précède, qu'en application de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 47 du code civil auquel il renvoie, il n'est pas établi que les actes d'état civil fournis par M. A... sont dépourvus de valeur probante. Par ailleurs, aucune pièce au dossier ne permet de regarder M. A... comme ayant gardé des liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. En outre, à la date de l'arrêté attaqué, le requérant avait suivi pendant plus de six mois une formation qualifiante qui présente un caractère réel et sérieux. Enfin, le rapport de la structure d'accueil fait valoir la bonne intégration de M. A... et il n'est fait état d'aucune circonstance qui permettrait de considérer que la présence de ce dernier en France constitue une menace pour l'ordre public.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Doubs n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé ses décisions.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bocher-Allanet avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bocher-Allanet de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du préfet du Doubs est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Bocher-Allanet, avocat de M. A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bocher-Allanet renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressé au préfet du Doubs.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 septembre 2022.
La rapporteure,
Signé : M. BarroisLe président,
Signé : M.WallerichLa greffière,
Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 21NC03044