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29/09/2022 | FRANCE | N°20NC02709

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 29 septembre 2022, 20NC02709


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA d'HLM Vilogia a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés n° 2018/08 et 2018/09 du 15 janvier 2018 par lesquels le maire de Brumath a préempté les parcelles cadastrées Section 41, n° 514/76 et 515/76, sises rue du général de Gaulle à Brumath, ensemble la décision du 2 mars 2018 rejetant son recours gracieux et de mettre à la charge de la commune de Brumath la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.r>
Par un jugement n° 1802885 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA d'HLM Vilogia a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés n° 2018/08 et 2018/09 du 15 janvier 2018 par lesquels le maire de Brumath a préempté les parcelles cadastrées Section 41, n° 514/76 et 515/76, sises rue du général de Gaulle à Brumath, ensemble la décision du 2 mars 2018 rejetant son recours gracieux et de mettre à la charge de la commune de Brumath la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1802885 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC02709 le 15 septembre 2020, et un mémoire enregistré le 30 novembre 2021, la SA d'HLM Vilogia, représentée par Me Vamour, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 juillet 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés n° 2018/08 et 2018/09 du 15 janvier 2018 par lesquels le maire de Brumath a préempté les parcelles cadastrées Section 41, n° 514/76 et 515/76, sises rue du général de Gaulle à Brumath, ensemble la décision du 2 mars 2018 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Brumath la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen par lequel elle soutenait que la délégation du droit de préemption urbain à une commune par arrêté du président de la communauté d'agglomération était irrégulière dès lors que les articles L. 213-3 et R. 213-1 du code de l'urbanisme requéraient une délibération de l'organe délibérant ;

- les arrêtés contestés sont entachés d'incompétence, dès lors qu'il n'a pas été justifié de la validité et du caractère exécutoire des différents actes de la communauté d'agglomération de Haguenau ayant eu pour objet de déléguer le droit de préemption urbain ;

- ces arrêtés ne satisfont pas à l'exigence de motivation en matière d'exercice du droit de préemption urbain ;

- ils ont été pris sans qu'existe de projet réel, antérieur à la réception des déclarations d'intention d'aliéner, en méconnaissance de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme ;

- ils ne sont pas justifiées par un intérêt général suffisant ;

- ils ont eu pour but d'empêcher une opération de logement social au centre-ville de Brumath.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 6 novembre 2020 et 15 juillet 2022, ce dernier non communiqué, la commune de Brumath, représentée par Me Clamer, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit mis à la charge de la SA d'HLM Vilogia une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la SA d'HLM Vilogia ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, président,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lehmann, pour la SA d'HLM Vilogia, ainsi que celles Me Condello, pour la commune de Brumath.

Considérant ce qui suit :

1. La SA d'HLM Vilogia, dont l'objet est la construction et la location de logements sociaux, a engagé l'acquisition, auprès des sociétés Atac et Paréa, des parcelles cadastrées section 41 n° 514/76 et 515/76, sises rue du général de Gaulle à Brumath, ainsi que de l'ensemble immobilier s'y trouvant, composé d'un supermarché désaffecté de l'enseigne Simply, d'un parking et d'une station-service démantelée, en vue d'y réaliser un programme de logements sociaux. Par deux courriers du 17 novembre 2017, reçus en mairie de Brumath le 20 novembre suivant, l'office notarial en charge de la vente a transmis à la commune les déclarations d'intention d'aliéner ces biens immobiliers. Par deux arrêtés du 15 janvier 2018, le maire de la commune de Brumath a décidé d'exercer son droit de préemption urbain sur ces biens. Ces décisions de préemption ont été confirmées par la commune, sur recours gracieux, par une décision du 2 mars 2018. La SA d'HLM Vilogia relève appel du jugement du 15 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 15 janvier 2018 et de la décision du 2 mars 2018 rejetant son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Pour répondre, en ses différentes branches, au moyen de la SA d'HLM Vilogia tiré de l'incompétence du maire de Brumath à édicter les arrêtés du 15 janvier 2018 portant préemption des parcelles cadastrées Section 41, n° 514/76 et 515/76, les premiers juges ont notamment cité, au point 4 du jugement attaqué, l'article R. 213-1 du code de l'urbanisme, aux termes duquel " La délégation du droit de préemption prévue par l'article L. 213-3 résulte d'une délibération de l'organe délibérant du titulaire du droit de préemption " ainsi que l'article L. 5211-9 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit que " (...) Le président de l'établissement public de coopération intercommunale peut, par délégation de son organe délibérant, être chargé d'exercer, au nom de l'établissement, les droits de préemption (...) ". Ils ont par ailleurs relevé que, par délibération du 9 janvier 2017, le conseil d'agglomération, organe délibérant de la communauté d'agglomération d'Haguenau, avait délégué au président le pouvoir d'exercer, au nom de la communauté d'agglomération, les droits de préemption et de celui de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions du premier alinéa de l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme. Ce faisant, ils ont implicitement, mais nécessairement répondu au moyen de la SA d'HLM Vilogia tiré de ce que la délégation du droit de préemption urbain à une commune par arrêté du président de la communauté d'agglomération aurait été irrégulière dès lors que les articles L. 213-3 et R. 213-1 du code de l'urbanisme requéraient une délibération de l'organe délibérant. Le moyen tiré de ce que le tribunal aurait omis de se prononcer sur cette branche du moyen doit dès lors être écarté.

Sur la légalité des décisions contestées :

En ce qui concerne la compétence du signataire des décisions contestées :

S'agissant des textes applicables :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme : " Lorsque la commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale y ayant vocation, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer tout ou partie des compétences qui lui sont attribuées par le présent chapitre. / Toutefois, la compétence d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, d'un établissement public territorial créé en application de l'article L 5219-2 du code général des collectivités territoriales, ainsi que celle de la métropole de Lyon en matière de plan local d'urbanisme, emporte leur compétence de plein droit en matière de droit de préemption urbain. (...) ". Aux termes de l'article L. 213-3 du même code : " Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'Etat, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine du délégataire. / Dans les articles L. 211-1 et suivants, L. 212-1 et suivants et L. 213-1 et suivants, l'expression " titulaire du droit de préemption " s'entend également, s'il y a lieu, du délégataire en application du présent article. ". L'article R. 213-1 de ce code précise que " La délégation du droit de préemption prévue par l'article L. 213-3 résulte d'une délibération de l'organe délibérant du titulaire du droit de préemption. / Cette délibération précise, le cas échéant, les conditions auxquelles la délégation est subordonnée. (...) ". Selon l'article L. 5211-9 du code général des collectivités territoriales : " Le président est l'organe exécutif de l'établissement public de coopération intercommunale (...) Il est seul chargé de l'administration, mais il peut déléguer par arrêté, sous sa surveillance et sa responsabilité, l'exercice d'une partie de ses fonctions aux vice-présidents (...) Le président de l'établissement public de coopération intercommunale peut, par délégation de son organe délibérant, être chargé d'exercer, au nom de l'établissement, les droits de préemption, ainsi que le droit de priorité, dont celui-ci est titulaire ou délégataire en application du code de l'urbanisme. Il peut également déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien, dans les conditions que fixe l'organe délibérant de l'établissement (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) La publication ou l'affichage des actes mentionnés au premier alinéa sont assurés sous forme papier (...) Dans ce dernier cas, la formalité d'affichage des actes a lieu, par extraits, à la mairie et un exemplaire sous forme papier des actes est mis à la disposition du public. La version électronique est mise à la disposition du public de manière permanente et gratuite ". Aux termes de l'article L. 5211-3 du même code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Les dispositions du chapitre premier du titre III du livre premier de la deuxième partie relatives au contrôle de légalité et au caractère exécutoire des actes des communes sont applicables aux établissements publics de coopération intercommunale (...) ".

S'agissant des faits de l'espèce :

5. En premier lieu, il est constant que la communauté d'agglomération d'Haguenau, dont la commune de Brumath est membre, a été constituée par un arrêté du préfet de la région Grand Est du 26 octobre 2016 et est compétente en matière de plan local d'urbanisme depuis le 1er janvier 2017. A compter de cette date, elle disposait dès lors, en application des dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme, citées ci-dessus, d'une compétence de plein droit en matière de droit de préemption urbain.

6. En deuxième lieu, au point 4.9° de sa délibération du 9 janvier 2017, le conseil d'agglomération a donné délégation au président de la communauté d'agglomération, en application des articles L. 213-3 et R. 213-1 du code de l'urbanisme, aux fins d'" exercer, au nom de la communauté d'agglomération, les droits de préemption (...) définis par le code de l'urbanisme, que la collectivité en soit titulaire ou délégataire " et de " déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien " selon les dispositions prévues au premier alinéa de (...) ". Il ressort des mentions portées sur cette délibération, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, non rapportée en l'espèce, que celle-ci a fait l'objet d'un affichage à compter du 12 janvier 2017 et a été transmise au sous-préfet le même jour. Il ressort par ailleurs du certificat établi par M. C... B..., directeur général des services de la communauté d'agglomération de Haguenau, le 2 juin 2020, que la délibération en cause a été affichée sur le panneau d'affichage officiel de la communauté d'agglomération du 12 janvier au 13 février 2017 inclus. Si la société requérante fait valoir que la délégation de signature consentie à M. B... par arrêté du président de la communauté d'agglomération de Haguenau du 11 janvier 2020 ne comporte pas la certification du caractère exécutoire des actes de la communauté d'agglomération, prévue par l'article L. 2121-1 du code général des collectivités territoriales, cette circonstance, qui fait seulement obstacle à ce que les informations certifiées par le directeur général des services soient regardées comme l'ayant été sous la responsabilité du président de la communauté d'agglomération, ne sont pas pour autant dépourvues de valeur probante. La circonstance que ce certificat concerne un acte signé à une date antérieure à l'entrée en vigueur de la délégation de signature donnée à M. B... est en tout état de cause sans incidence sur la force probante des informations qui y sont portées. La société requérante n'apporte aucun élément de nature à démentir l'affichage de la délibération du 9 janvier 2017 du 12 janvier au 13 février 2017 inclus, ni à établir que cet affichage n'aurait pas constitué, en l'espèce, une mesure de publicité adéquate et suffisante. Enfin, en application des dispositions combinées des articles L. 2131-1 et L. 5213-3 du code général des collectivités territoriales, cette délibération est devenue exécutoire de plein droit le 12 janvier 2017 par l'effet de cette double formalité d'affichage et de transmission au sous-préfet, sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article L. 5211-47 du code général des collectivités territoriales, aux termes desquelles " Dans les établissements publics de coopération intercommunale comprenant au moins une commune de 3 500 habitants et plus, le dispositif des actes réglementaires pris par l'organe délibérant ou l'organe exécutif est transmis dans le mois, pour affichage, aux communes membres ou est publié dans un recueil des actes administratifs dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ", dont le respect conditionne uniquement le point de départ du délai de recours des actes réglementaires des établissements publics de coopération intercommunale concernés. Il suit de là que le président de la communauté d'agglomération de Haguenau, en application de l'article L. 213-3 précité du code de l'urbanisme, était seul compétent, à compter du 12 janvier 2017, pour exercer au nom de la communauté d'agglomération le droit de préemption urbain ainsi que pour en déléguer, le cas échéant, l'exercice, notamment à l'occasion de l'aliénation d'un bien.

7. En troisième lieu, par un arrêté du 16 janvier 2017, le président de la communauté d'agglomération d'Haguenau a accordé à M. Jean-Lucien Netzer, vice-président en charge de l'aménagement du territoire, une délégation de fonctions portant sur divers domaines notamment les " affaires foncières " et précisé que cette délégation incluait les affaires déléguées par le conseil communautaire au président de la communauté d'agglomération et relevant du champ d'attribution de M. D.... Eu égard aux compétences exercées par la communauté d'agglomération et aux autres domaines de cette délégation de fonctions, les termes de cet arrêté de délégation étaient suffisamment précis et permettaient d'y inclure l'exercice du droit de préemption urbain, de même que la possibilité de déléguer l'exercice de ce droit, notamment à une collectivité locale, dès lors que la faculté de délégation du droit de préemption urbain était au nombre des compétences qui avaient été déléguées par le conseil communautaire au président de la communauté d'agglomération. Il ressort du tampon apposé sur cet arrêté, dont les indications font foi jusqu'à preuve du contraire, non rapportée en l'espèce, que celui-ci a été transmis au sous-préfet le 17 janvier 2017. Il ressort par ailleurs du certificat établi par M. C... B..., directeur général des services de la communauté d'agglomération de Haguenau, le 2 juin 2020, que l'arrêté en cause a été affiché sur le panneau d'affichage officiel de la communauté d'agglomération du 17 janvier au 18 mars 2017 inclus. Comme il a été dit précédemment, la circonstance que M. B... n'aurait pas reçu de délégation régulière lui permettant de certifier le caractère exécutoire de l'arrêté en cause ne prive pas de valeur probante ces indications, tandis que la société requérante n'apporte pas d'élément de nature à démentir celles-ci. En application des dispositions combinées des articles L. 2131-1 et L. 5213-3 du code général des collectivités territoriales, l'arrêté du 16 janvier 2017 est devenu exécutoire de plein droit le 17 janvier 2017 par l'effet de cette double formalité d'affichage et de transmission au sous-préfet, sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article L. 5211-47 du code général des collectivités territoriales, ainsi qu'il a été dit précédemment. Il s'ensuit que M. D... disposait d'une délégation régulière de fonctions l'habilitant à signer les arrêtés du 14 décembre 2017 délégant à la commune de Brumath l'exercice du droit de préemption urbain.

8. En quatrième lieu, il ressort des mentions de ces deux arrêtés du 14 décembre 2017, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, non rapportée en l'espèce, que ceux-ci ont fait l'objet d'un affichage à compter du 14 décembre 2017 et ont été transmis au sous-préfet le même jour. Il ressort par ailleurs du certificat établi par M. C... B..., directeur général des services de la communauté d'agglomération de Haguenau, le 2 juin 2020, que ces mêmes arrêtés ont été affichés sur le panneau d'affichage officiel de la communauté d'agglomération du 14 décembre 2017 au 15 janvier 2018 inclus. Comme il a été dit précédemment, la circonstance que M. B... n'aurait pas reçu de délégation régulière lui permettant de certifier le caractère exécutoire de l'arrêté en cause ne prive pas de valeur probante ces indications, tandis que la société requérante n'apporte pas d'élément de nature à démentir celles-ci. En application des dispositions combinées des articles L. 2131-1 et L. 5213-3 du code général des collectivités territoriales, les arrêtés du 14 décembre 2017 sont devenus exécutoires de plein droit le même jour par l'effet de cette double formalité d'affichage et de transmission au sous-préfet, sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article L. 5211-47 du code général des collectivités territoriales.

9. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que par une délibération du 14 avril 2014, le conseil municipal de la commune de Brumath avait délégué au maire, pour la durée de son mandat, l'exercice du droit de préemption, y compris dans les hypothèses visées à l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme, lorsque la commune est elle-même délégataire de ce droit. Il ressort du tampon apposé sur cet arrêté, dont les indications font foi jusqu'à preuve du contraire, non rapportée en l'espèce, que celui-ci a été transmis au sous-préfet le 17 avril 2014. Il ressort par ailleurs du certificat établi par M. E... A..., maire de Brumath, le 9 mars 2020, que cette délibération a été affichée sur le panneau d'affichage officiel de la commune de Brumath du 24 avril au 23 mai 2014 inclus. Elle est devenue exécutoire de plein droit le 24 avril 2014 par l'effet de cette double formalité d'affichage et de transmission au sous-préfet. La circonstance qu'un transfert de compétence en matière de préemption soit intervenu en cours de mandat n'a pas été de nature à remettre en cause la légalité et le caractère exécutoire de cette délégation.

10. Il résulte de ce qui précède que le maire de Brumath avait compétence pour édicter les arrêtés n° 2018/08 et 2018/09 du 15 janvier 2018 décidant de préempter les parcelles cadastrées Section 41, n° 514/76 et 515/76, sises rue du général de Gaulle à Brumath

En ce qui concerne les autres moyens :

11. Il résulte des dispositions des articles L. 211-2 et L. 213-3 du code de l'urbanisme que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

12. En premier lieu, les arrêtés du maire de Brumath du 15 janvier 2018 indiquent que les équipements sportifs et culturels actuels de Brumath ne répondent plus aux besoins d'occupation de l'ensemble des associations brumathoises, que la hausse démographique brumathoise alimente la demande en matière d'équipements sportifs, sociaux et médicaux et en matière de locaux associatifs. Ils se réfèrent en outre à la demande en matière de logements aidés et indiquent que l'acquisition des parcelles en cause répond à un intérêt général et participe à une opération d'aménagement visant à répondre à la saturation du centre omnisports et du centre culturel, à la demande en matière d'équipements sportifs, sociaux, médicaux, en matière de locaux associatifs ainsi qu'à la demande en matière de logements aidés. Le dispositif de ces deux arrêtés prévoit en outre d'affecter les deux parcelles préemptées à la réalisation d'un équipement sportif, avec une aire multisports et une aire pour les sports de combat, d'équipements sociaux et médicaux de type épicerie solidaire, mission locale, centre médico-social et réseau de prévention, d'un local pour l'association Horizons jeunes, de locaux à destination des associations locales, d'un parking complémentaire pour le centre omnisport et le centre culturel et de logements aidés en fonction de la disponibilité foncière. Ils font ainsi apparaître la nature du projet en vue duquel le droit de préemption est exercé sur les deux parcelles concernées et satisfont aux exigences de motivation résultant des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme.

13. En deuxième lieu, les arrêtés litigieux sont motivés, ainsi qu'il vient d'être dit, par la volonté de la commune de Brumath de répondre à l'accroissement constaté et prévisible des besoins du territoire communal en matière d'équipements sportifs, sociaux et médicaux, de locaux associatifs et de logement aidé. Il ressort de l'étude d'opportunité réalisée par la commune de Brumath avec le concours du Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) du Bas-Rhin que si l'offre communale en matière d'équipements publics est de bon niveau dans son ensemble, des besoins subsistent et sont appelés à s'étendre au regard des fonctions de bourg-centre, de la croissance démographique et de l'attractivité de la commune de Brumath. Il est notamment fait état d'études engagées avec un bureau d'études pour la réalisation et la localisation d'une salle multisport et d'une salle de combat permettant de répondre aux insuffisances d'accueil des équipements existants, notamment l'actuel complexe multisport, de l'espace insuffisant de l'épicerie solidaire, dont le nombre de communes adhérentes augmente, de l'antenne de Brumath de la mission locale ainsi que du centre médico-social, dont les locaux ne sont par ailleurs pas accessibles aux personnes à mobilité réduite, de l'association Réseau, Diabète, Obésité, Maladies cardio-vasculaires (REDOM), de l'association Horizons jeunes et de diverses autres associations, nombreuses sur le territoire communal. L'étude mentionne également l'opportunité que représente l'acquisition des deux parcelles en cause pour la création d'un parking complémentaire destinés aux usagers du centre omnisport et du centre culturel et la volonté de la commune d'étudier en outre l'opportunité de construire des logements aidés. Elle relève enfin que le site présente de nombreux intérêts pour les équipements évoqués en raison de sa localisation, de son accessibilité, de l'intérêt d'y densifier l'offre d'équipements et du fait que l'ensemble des équipements envisagés entrent dans les catégories des activités commerciales, de services ou des équipements publics ou d'intérêt collectif exigés par la plan local d'urbanisme dans le secteur Uda au rez-de-chaussée des façades donnant sur les rues Geoffroy Richert et Général de Gaulle. La société requérante, qui se borne à faire état de l'existence d'une offre déjà conséquente en matière d'équipements publics sur le territoire de la commune de Brumath n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause l'accroissement des besoins en la matière, l'exiguïté de plusieurs équipements ou locaux et l'existence d'études antérieures aux décisions de préemption, notamment en matière d'équipements sportifs. La circonstance que l'étude menée avec le concours du CAUE du Bas-Rhin fasse état de la nécessité d'une étude de faisabilité, destinée en particulier à évaluer l'intérêt architectural et financier du maintien du bâtiment existant de l'ancien supermarché Simply, de sa réhabilitation ou de sa démolition, ne suffit pas à remettre en cause la vraisemblance de la réalisation des nouveaux équipements publics évoqués par cette étude et listés dans les arrêtés litigieux. La circonstance que la société requérante propose elle-même un programme de réalisation de logement social est sans incidence sur l'appréciation de la réalité des intentions de la commune de mener à bien son projet. Il suit de là qu'à la date des deux arrêtés du maire de Brumath, à laquelle, contrairement à ce que soutient la société requérante, il y a lieu de se placer pour apprécier la réalité du projet justifiant l'exercice par la commune de son droit de préemption, celle-ci justifiait de la réalité de son projet de création d'équipements publics sportifs, sociaux, médicaux, de locaux associatifs et, le cas échéant, de réalisation en complément de logements aidés.

14. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, qu'en décidant, pour les motifs et en vue du projet rappelés ci-dessus, de préempter les parcelles cadastrées Section 41, n° 514/76 et 515/76, sises rue du général de Gaulle à Brumath, le maire de Brumath a répondu à un intérêt général de nature à justifier l'exercice de ce droit de préemption.

15. En dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué, tenant à la volonté supposée de la commune d'empêcher, par l'exercice du droit de préemption, la réalisation par la SA d'HLM Vilogia d'une opération de logement social au centre-ville de Brumath, n'est pas établi.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la SA d'HLM Vilogia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

17. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

18. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Brumath, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SA d'HLM Vilogia demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de celle-ci le versement à la commune de Brumath de la somme de 1 500 euros, qu'elle demande, au titre des frais qu'elle a elle-même exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SA d'HLM Vilogia est rejetée

Article 2 : La SA d'HLM Vilogia versera à la commune de Brumath la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA d'HLM Vilogia, à la commune de Brumath et aux sociétés Atac et Paréa.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Wallerich, président de chambre,

M. Goujon-Fischer, président-assesseur,

Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 septembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Goujon-FischerLe président,

Signé : M. F...

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne la préfète du Bas-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 20NC02709


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02709
Date de la décision : 29/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Contrôle de la légalité des actes des autorités locales - Publicité et entrée en vigueur.

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Préemption et réserves foncières - Droits de préemption - Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : BIGNON LEBRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-09-29;20nc02709 ?
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