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27/09/2022 | FRANCE | N°22NC01477

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 27 septembre 2022, 22NC01477


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besancon d'annuler l'arrêté du 9 avril 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2101155 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cou

r :

Par une requête enregistrée le 7 juin 2022, M. A..., représenté par Me Hakkar, demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besancon d'annuler l'arrêté du 9 avril 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2101155 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 juin 2022, M. A..., représenté par Me Hakkar, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 9 avril 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet ne s'est pas prononcé sur son droit à bénéficier d'un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il justifie contribuer aux besoins de ses enfants auxquels il est extrêmement attaché, qu'il exerce son droit de visite et d'hébergement et que le préfet ne produit aucun justificatif démontrant qu'il ne contribuerait pas aux besoins de ses enfants ;

- l'arrêté porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; les faits de violence dont il est coupable ne constituent pas un motif de troubles d'ordre public d'une telle ampleur qu'ils pourraient justifier l'atteinte portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2022, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 26 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Marchal, conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien, est entré sur le territoire français selon ses déclarations en 2007. Le 2 mai 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 9 avril 2021, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. A... fait appel du jugement du 12 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que M. A... a uniquement sollicité la délivrance d'un titre de séjour en sa qualité de père d'enfants français. Néanmoins, après s'être prononcé sur la possibilité d'accorder un titre sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a précisé que l'intéressé n'entre dans aucun autre cas de délivrance d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et s'est donc nécessairement prononcé sur la possibilité pour M. A... de disposer d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du même code. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet ne serait pas prononcé sur son droit à bénéficier d'un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français manque en fait et doit être écarté.

3. En deuxième lieu, M. A... reprend en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, le moyen tiré de la méconnaissance du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; (...) ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ". Aux termes de l'article 375-3 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier : / (...) 3° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance (...) ". Aux termes de l'article 375-7 du même code dans sa version alors applicable : " Les père et mère de l'enfant bénéficiant d'une mesure d'assistance éducative continuent à exercer tous les attributs de l'autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec cette mesure (...) ". Aux termes de l'article 375-8 du même code : " Les frais d'entretien et d'éducation de l'enfant qui a fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative continuent d'incomber à ses père et mère (...), sauf la faculté pour le juge de les en décharger en tout ou en partie ".

5. Il résulte de ces dispositions que la circonstance qu'un enfant de nationalité française a fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce que son père ou sa mère étrangers puisse obtenir un titre de séjour en tant que parent de cet enfant s'il contribue effectivement à son entretien et à son éducation conformément aux décisions de justice en définissant les modalités.

6. M. A... a reconnu le premier enfant de son épouse française, prénommé Kaïs, né le 8 avril 2010 d'une précédente union, et est le père des deux autres enfants français du couple, Jad et Adam, respectivement nés le 27 juin 2015 et le 3 janvier 2018. Toutefois, ces enfants font l'objet de mesures de placement auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du département du Doubs, depuis l'âge de cinq ans pour l'aîné et depuis leur plus jeune âge s'agissant de Jad et Adam. Le juge des enfants près du tribunal de grande instance de Besançon a accordé à M. A... un droit de visite médiatisé pour voir Kaïs et un droit de visite et d'hébergement à hauteur d'un week-end sur deux pour Jad et Adam. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'un accident avec l'ainé de la fratrie, les liens avec les enfants ont été rompus en décembre 2018. Si des visites ont pu reprendre en septembre 2019, M. A... ne justifie pas héberger un week-end sur deux Jad et Adam et n'établit pas plus faire utilisation de son droit de visite pour Kaïs. M. A... n'établit ainsi pas contribuer effectivement à son entretien et à son éducation conformément aux décisions de justice en définissant les modalités. Par suite, et alors en tout état de cause que le motif tiré du trouble à l'ordre public n'est pas contesté et suffit à justifier à lui seul le refus de délivrance d'un titre de séjour, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Doubs a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur ce fondement.

7. En quatrième lieu, si M. A... soutient être présent en France depuis 2007, il n'apporte toutefois aucun élément pour justifier de l'ancienneté de séjour, tandis qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français et s'est soustrait aux mesures d'éloignement prononcées à son encontre en 2014 et 2016. Hormis un contrat d'une durée de deux mois pour exercer des fonctions d'ouvrier, le requérant ne justifie d'aucun élément témoignant d'une intégration professionnelle. S'il est marié à une ressortissante française depuis le 19 avril 2019, soit depuis moins de deux ans à la date de l'arrêté litigieux, il ressort des pièces du dossier et notamment des jugements en assistance éducative que cette relation est extrêmement instable, les époux s'étant séparés à plusieurs reprises et M. A... ayant même expliqué en juillet 2019, soit quelques mois après le mariage, songer à divorcer. La relation qu'entretient M. A... avec ces trois enfants est également précaire. Ainsi qu'il a été précisé préalablement, ces derniers sont placés depuis plusieurs années et le requérant, qui n'apparaît plus vouloir entretenir de relation avec l'ainé de ses enfants, ne justifie pas participer de manière effective et régulière à leur entretien et à leur éducation. Enfin, M. A..., dont la commission du titre de séjour a souligné, au mois de février 2021, qu'il maitrisait mal la langue française, a été condamné par le tribunal correctionnel de Besançon, le 21 août 2017, à six mois d'emprisonnement avec sursis pour des violences infligées à sa compagne le 7 juillet 2015. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, notamment au motif d'ordre public qui justifie le refus de titre de séjour et à la nature des relations familiales entretenues par M. A... avec son épouse et ses enfants, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels il a été adopté. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Goujon-Fischer, président,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : S. MarchalLe président,

Signé : J.-F. Goujon-Fischer

La greffière,

Signé : E. Delors

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

E. Delors

2

N° 22NC01477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01477
Date de la décision : 27/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GOUJON-FISCHER
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : HAKKAR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-09-27;22nc01477 ?
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