La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/09/2022 | FRANCE | N°22NC01056

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 27 septembre 2022, 22NC01056


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... D... et Mme H... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 16 février 2022 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a décidé de leur transfert respectivement aux autorités tchèques et aux autorités allemandes, et d'annuler les arrêtés adoptés à la même date, par lesquels la préfète du Bas-Rhin les a assignés à résidence.

Par un jugement n°s 2201637, 2201638, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasb

ourg a annulé les arrêtés du 16 février 2022 de la préfète du Bas-Rhin.

Procédure devant la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... D... et Mme H... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 16 février 2022 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a décidé de leur transfert respectivement aux autorités tchèques et aux autorités allemandes, et d'annuler les arrêtés adoptés à la même date, par lesquels la préfète du Bas-Rhin les a assignés à résidence.

Par un jugement n°s 2201637, 2201638, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés du 16 février 2022 de la préfète du Bas-Rhin.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête, enregistrée le 29 avril 2022 sous le n° 22NC01056, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a annulé ses arrêtés du 16 février 2022 concernant M. D... et a fait droit aux conclusions présentées par ce dernier sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. D... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Elle soutient qu'elle n'a, contrairement que ce qu'ont retenu les premiers juges, pas méconnu les stipulations de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors que M. et Mme D... se sont séparés il y a de nombreuses années, ainsi qu'en témoignent plusieurs déclarations de M. D..., et que leur relation n'a repris que très récemment

La requête a été communiquée à M. D..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par ordonnance du 5 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 juin 2022.

II) Par une requête, enregistrée le 29 avril 2022 sous le n° 22NC01057, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a annulé ses arrêtés du 16 février 2022 concernant Mme D... et a fait droit aux conclusions présentées par cette dernière sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme D... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Elle soutient qu'elle n'a, contrairement que ce qu'ont retenu les premiers juges, pas méconnu les stipulations de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, dès lors que M. et Mme D... se sont séparés il y a de nombreuses années, ainsi qu'en témoignent différentes déclarations de M. D..., et que leur relation n'a repris que très récemment.

La requête a été communiquée à Mme D..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par ordonnance du 5 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Marchal, conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D..., ressortissants géorgiens nés respectivement en 1983 et 1984, ont sollicité le 4 janvier 2022 la reconnaissance du statut de réfugié. Par deux arrêtés du 16 février 2022, la préfète du Bas-Rhin a ordonné le transfert de M. D... aux autorités tchèques et le transfert de Mme D... aux autorités allemandes. La préfète a également, par des arrêtés du même jour, assigné à résidence M. et Mme D... pour une durée de 45 jours. La préfète du Bas-Rhin fait appel du jugement du 31 mars 2022, par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés ordonnant le transfert de M. et Mme D..., ainsi que les arrêtés les assignant à résidence.

Sur le moyen d'annulation retenu par la magistrat désignée :

2. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". La faculté laissée par ces dispositions à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

3. M. et Mme D... soutiennent être en couple depuis près de vingt ans et avoir deux enfants, de sorte qu'en raison de leur relation le préfet ne pouvait ordonner leur transfert dans des pays différents sans méconnaître les stipulations de l'article 17 du règlement précité du 26 juin 2013. Pour autant, alors que M. et Mme D... ne justifient pas, par la production en langue géorgienne non-traduits et dont le contenu n'est d'ailleurs pas précisé par les écritures, avoir eu deux enfants ensemble, il ressort des pièces du dossier que M. D... a quitté seul une première fois la Géorgie et a présenté entre 2013 et 2014 plusieurs demandes d'asile dans différents pays européens notamment en Belgique et en Hongrie et s'est, à ces occasions, déclaré divorcé ou célibataire. M. et Mme D... établissent certes s'être mariés le 3 novembre 2016, après le retour de M. D... en Géorgie, mais il n'est pas contesté que M. D... est à nouveau parti seul de la Géorgie en 2019. Ses empreintes ont été ainsi relevées en République Tchèque, puis en Suisse et enfin en Allemagne et M. D... a, le 3 juillet 2020, lors d'un entretien avec les autorités suisses dans le cadre de sa demande d'asile dans ce pays, déclaré être séparé de sa compagne depuis un an et demi. Bien que Mme D... ait également quitté la Géorgie en octobre 2020 et que M. et Mme D... aient présenté ensemble en France une demande d'asile le 6 janvier 2022, ces derniers, qui n'étaient par ailleurs pas accompagnés d'enfants, n'apportent aucune explication quant à leurs chemins migratoires distincts, ni quant à leur départ à des intervalles séparés de près d'un an et ne justifient pas en tout état de cause avoir entretenu aucune forme de vie commune ou de lien affectif, même à distance, durant leur parcours. Si les époux D... évoquent également que le préfet ne pouvait, sans méconnaître les stipulations de l'article 17 du règlement précité, ordonner le transfert de M. D... en République Tchèque, car ce dernier est atteint d'une hépatite C active et aurait été enfermé pendant quatre mois et demi en République Tchèque ils n'apportent aucun élément témoignant que M. D... aurait été enfermé en République Tchèque et ne justifient pas plus que M. D... ne puisse bénéficier d'un suivi médical approprié dans ce pays pour traiter sa pathologie. Dans ces conditions, les arrêtés de transfert ne sont pas entachés d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement précité du 26 juin 2013.

4. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Strasbourg a retenu le moyen tiré de la violation de l'article 17 du règlement du 26 juin 2003. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les époux D....

Sur les autres moyens soulevés par les requérants :

En ce qui concerne la légalité des arrêtés de transfert :

5. En premier lieu, par un arrêté du 20 octobre 2021, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 22 octobre 2021, la préfète du Bas-Rhin a donné délégation à M. A... F..., directeur des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions dévolues à cette direction, à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les arrêtés attaqués, et en cas d'absence ou d'empêchement de M. F..., à M. B... C..., chef du bureau de l'asile et de la lutte contre l'immigration irrégulière, à l'effet de signer ces décisions. Il n'est ni établi, ni même allégué, que M. F... n'aurait pas été absent ou empêché à la date de signature de l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de ce que les arrêtés litigieux, signés par M. C..., seraient entachés d'un vice d'incompétence doit être écarté comme manquant en fait.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. /.../ ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application de ce règlement doit se voir remettre, dès le début de la procédure, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... se sont vu remettre le 4 janvier 2022, en langue géorgienne, les brochures intitulées " j'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A) et " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B). M. et Mme D... ne contestent pas comprendre et lire le géorgien. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.

8. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... ont bénéficié chacun d'un entretien individuel auprès des services de la préfecture du Bas-Rhin le 4 janvier 2022 et que ces entretiens ont été conduits en géorgien. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des informations contenues dans les comptes-rendus d'entretien, que lesdits entretiens n'auraient pas été réalisés selon les formes et les conditions posées par les dispositions citées au point précédent. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

10. En quatrième lieu, par les pièces qu'elle verse au dossier, la préfète du Bas-Rhin apporte, concernant M. D..., la preuve de la saisine régulière des autorités tchèques, allemandes et suisse, ainsi que la réponse de ces dernières. La préfète du Bas-Rhin verse également la preuve, concernant Mme D..., de la saisine régulière des autorités allemandes et suisses, ainsi que la réponse de ces autorités. Le moyen tiré de l'absence de saisine des autorités et de l'absence de réponse des autorités ne peut qu'être écarté.

11. En cinquième lieu, aux termes du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) / d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. ".

12. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des extraits du ficher Eurodac et du résumé des entretiens individuels du 4 janvier 2022 que M. D... a présenté une demande d'asile en République Tchèque le 19 décembre 2019 et que Mme D... a sollicité l'asile en Allemagne le 22 octobre 2020. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'ils n'avaient pas présenté de demande d'asile dans les pays visés par les arrêtés de transfert et que la préfète du Bas-Rhin a méconnu les dispositions du d) du 1 de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013 précité.

13. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. ( ...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillance systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ".

14. M. D... soutient qu'il a été enfermé pendant quatre mois par les autorités tchèques, de sorte qu'en application de l'article 3 du règlement précité, il ne pourrait être transféré dans ce pays, où il n'a pas présenté de demande d'asile. Pour autant, alors que, ainsi qu'il a été précisé au point 12 du présent arrêt, il ressort des pièces du dossier que M. D... a présenté une demande d'asile en République tchèque, le requérant n'assortit ses allégations d'aucune justification et n'apporte également aucun élément de nature à démontrer que les autorités tchèques ne seraient pas en mesure de la prendre en charge dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect des droits des demandeurs d'asile. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

15. Compte tenu des circonstances de fait rappelés au point 3, M. et Mme D... ne justifient pas de la réalité et de l'intensité de leur relation et ne sont, par suite, pas fondé à soutenir que les arrêtés litigieux méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit également être écarté.

En ce qui concerne les arrêtés portant assignation à résidence :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les arrêtés portant assignation à résidence devraient être annulés, par voie de conséquence de l'illégalité des arrêtés de transfert, ne peut qu'être écarté.

17. En deuxième lieu, pour les motifs déjà énoncés au point 5 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'incompétence de son signataire doit être écarté comme manquant en fait.

18. En troisième lieu, les arrêtés litigieux, qui visent les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles ils s'appuient, précisent que M. et Mme D... ont fait l'objet d'une décision portant respectivement transfert aux autorités tchèques et aux autorités allemandes, responsables de leurs demandes d'asile, qu'ils ne disposent pas des moyens leur permettant de se rendre en République tchèque et en Allemagne et enfin qu'ils présentent des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'ils se soustraient à leurs transferts, dont les exécutions demeurent une perspective raisonnable. Les arrêtés attaqués comportent ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent les fondements et le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté. En outre, il ressort des termes mêmes des arrêtés que la préfète a procédé à l'analyse de la situation individuelle des intéressés, de sorte que le moyen tiré du défaut d'un tel examen ne saurait être accueilli.

19. En quatrième lieu, il ressort de la motivation des arrêtés attaqués que la préfète du Bas-Rhin a procédé à l'examen particulier de leur situation avant de les assigner à résidence sur le fondement de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans que les requérants puissent utilement faire grief à la préfète de ne pas avoir démontré qu'il existe une perspective raisonnable à leur éloignement ou qu'ils présenteraient un risque de soustraction. Les intéressés ne précisent d'ailleurs pas dans leurs requêtes quels éléments de leurs situations personnelles la préfète aurait omis de prendre en compte.

20. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les arrêtés litigieux, qui imposent aux époux D... de se présenter tous les mercredis, sauf jours fériés, au service de la police aux frontières situés à l'aéroport de Strasbourg-Entzheim, leur fixeraient ainsi des sujétions disproportionnées par rapport aux buts en vue desquels ils ont été pris. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

21. En sixième lieu, en se bornant à soutenir que l'obligation de se présenter une fois par semaine aux agents des forces de l'ordre est contraignante, les époux D... ne démontrent pas que la préfète du Bas-Rhin aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé ses arrêtés en date du 16 février 2022. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par les époux D... sont rejetées, de même que celles qu'ils ont présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n°s 2201637, 2201638 du 31 mars 2022 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par les époux D... devant le tribunal administratif de Strasbourg sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... D..., à Mme H... épouse D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Goujon-Fischer, président,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : S. MarchalLe président,

Signé : J.-F. Goujon-Fischer

La greffière,

Signé : E. Delors

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

E. Delors

2

N°s 22NC01056, 22NC01057


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01056
Date de la décision : 27/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GOUJON-FISCHER
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : ZIMMERMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-09-27;22nc01056 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award