Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... et M. E... B... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du préfet des Vosges du 16 juillet 2021, chacun en ce qui le concerne, portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2102408 et n° 2102409 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 décembre 2021 et le 31 août 2022, Mme A... et M. B..., représentés par Me Zoubeidi-Defert, demandent à la cour dans leurs dernières écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 2 décembre 2021 ;
2°) à titre principal, d'annuler, chacun en ce qui le concerne, les arrêtés du préfet des Vosges du 16 juillet 2021 ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler les arrêtés du préfet des Vosges du 16 juillet 2021 en tant qu'ils fixent l'Albanie comme pays de destination ;
4°) à titre très subsidiaire, de prononcer l'abrogation des arrêtés du préfet des Vosges du 16 juillet 2021 ;
5°) à titre infiniment subsidiaire, de prononcer l'abrogation des arrêtés du préfet des Vosges du 16 juillet 2021 en tant qu'ils fixent l'Albanie comme pays de destination ;
6°) d'enjoindre au préfet des Vosges de statuer à nouveau sur leur situation dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, après les avoir entendu, accompagnés de leur conseil ;
7°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
sur la régularité du jugement attaqué :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en méconnaissant la portée du principe du droit d'être entendu tel que prévu par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne :
* ils ne pouvaient pas rejeter le moyen tiré de la méconnaissance de cet article en se fondant sur le seul motif de ce qu'ils n'avaient pas pris de rendez-vous par l'application télématique afin d'obtenir un entretien auprès des services préfectoraux afin d'expliquer de vive voix leur situation personnelle ;
* cette démarche télématique ne constitue qu'un droit et non une obligation ;
* cette démarche ne saurait être imposée à leur avocat dont l'assistance lors de leurs démarches administratives constitue une liberté fondamentale ; le jugement est entaché d'une contrariété des motifs ; c'est parce que les éléments de faits retenus de façon surabondante par le tribunal sont intervenus postérieurement à l'adoption des arrêtés que les appelants n'ont pas été utilement entendus ;
* les premiers juges ont dénaturé les écritures des requérants, lesquels se sont prévalus de nombreux éléments dans leur mémoire complémentaire qu'ils auraient pu faire valoir s'ils avaient obtenu un rendez-vous avant l'édiction des décisions litigieuses ;
- le point 17 du jugement est entachée d'un défaut de motivation car on ne sait pas si les premiers juges n'admettent pas leur orientation sexuelle ou bien les menaces auxquelles ils sont confrontés ou s'ils écartent les deux ;
- les premiers juges ont également commis une erreur de droit en n'utilisant pas la formule " il ne ressort pas des pièces du dossier " dès lors qu'il est impossible à la lecture du jugement de savoir comment ils ont forgé leur conviction : ils n'ont pas confronté les éléments de preuve joints aux requêtes et notamment les deux plaintes pénales ;
sur le bien-fondé des demandes d'annulation :
- le préfet a méconnu l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne et leur droit à être entendu ;
- la décision est entachée d'un vice de procédure au regard des articles L. 112-8, L. 112-9 et L. 112-10 du code des relations entre le public et l'administration ; en transformant le droit de saisir l'administration d'une demande de rendez-vous par la voie informatique en obligation, le préfet a vicié la procédure :
* ils auraient pu faire valoir les menaces du père de Mme A..., l'état de santé de la mère de Mme A..., leurs échanges en cours avec leurs futurs employeurs, leur intégration dans le milieu associatif LGBTQI + et leurs attaches en France ;
* ils ont été privés de la garantie du droit d'être entendu ce qui a eu une influence déterminante sur le sens de la décision ;
* le libre exercice de la profession d'avocat aurait dû conduire le préfet à leur permettre l'assistance d'un avocat devant l'administration ; la prise de rendez-vous en ligne les prive de la possibilité de leur droit d'être accompagnés de leur avocat dès lors qu'ils n'ont pas le choix de la date ; ce processus méconnaît donc l'alinéa 1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judicaires et juridiques ;
* ce processus constitue une discrimination fondée sur l'origine des pétitionnaires et est contraire au principe d'égalité de traitement car seuls les étrangers sont contraints d'utiliser la voie informatique pour avoir un rendez-vous ;
- les décisions de refus de titre de séjour sont entachées du vice de procédure tiré de l'absence d'avis de la commission de titre de séjour tel que prévu par l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que le préfet a fait application de l'article L. 423-23 du même code ;
- elles méconnaissent l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'erreur d'appréciation car ils poursuivent des études et auraient justifié de moyens d'existence suffisants ;
- elles méconnaissent l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de fait : Mme A... n'a vécu que 5 ans en Albanie, ils n'ont aucun lien dans ce pays, ils sont insérés dans la société française et ont un parcours scolaire remarquable ;
- les décisions de refus de titre de séjour étant illégales, les obligations de quitter le territoire français sont dépourvues de base légale et doivent être annulées ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation en déterminant le pays de destination : ils encourent des risques en cas de retour dans leur pays d'origine et les nouveaux éléments ne viennent que confirmer une situation qui existait déjà au moment de l'adoption de l'acte litigieux ; si la cour devait considérer ces éléments nouveaux, ils ont fondés à demander l'abrogation de ces décisions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2022, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
- ils ne peuvent lui reprocher l'organisation de la prise de rendez-vous en ligne :
* les autorités préfectorales ont la possibilité de créer des téléservices pour l'accomplissement de tout ou partie des démarches administratives des usagers ;
* les requérants disposaient d'autres alternatives à la prise de rendez-vous en ligne ;
- il a pris en compte l'ensemble des éléments pertinents de la situation personnelle des intéressés avant de leur opposer le séjour de sorte qu'ils ne peuvent se prévaloir de circonstances particulières qui auraient pu permettre de modifier le sens des décisions prises à leur encontre.
Mme A... et M. B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, chacun en ce qui le concerne, par décisions du 27 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré du préfet des Vosges a été enregistrée le 6 septembre 2022.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... et Mme A..., ressortissants albanais respectivement nés le 26 février 1997 et le 4 décembre 2018 sont entrés sur le territoire français le 29 août 2018 pour y solliciter l'asile. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions du 25 mars 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmées par des ordonnances de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 7 août 2019. Le 27 avril 2021, les intéressés ont sollicité leur admission au séjour au motif notamment de la poursuite de leurs études en vue de l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) hôtellerie, cuisine, restauration. Le 16 juin 2021, les intéressés ont saisi l'OFPRA d'une demande de réexamen de leur demande d'asile qui a été déclarée irrecevable, le 23 juin 2021. Par deux arrêtés du 16 juillet 2021, le préfet des Vosges a rejeté la demande d'asile des requérants, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. B... et Mme A... relèvent appel du jugement du 2 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, si les requérants font valoir de nombreux arguments selon lesquels les premiers juges ont commis une erreur de droit au regard de la portée de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne et de leur droit à être entendu, ce moyen relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité. Relève également du bien-fondé du jugement et non de sa régularité, le moyen tiré de ce que les premiers juges n'auraient pas correctement exercé leur office en s'abstenant d'utiliser la formule propre au contentieux de l'excès de pouvoir " il ne ressort pas des pièces du dossier ".
3. En second lieu, le point 17 du jugement attaqué précise que " Si M. B... et Mme A..., dont les demandes d'asile en France ont été rejetées par l'OFPRA et la CNDA font valoir qu'ils pourraient être exposés à des sévices en cas de retour en Albanie en raison de leur orientation sexuelle, ils n'établissent pas la réalité de leurs allégations ". Par suite, les premiers juges ont suffisamment motivé le jugement pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ainsi permettre aux requérants de comprendre le motif de son rejet.
Sur la légalité des décisions contestées :
En ce qui concerne les refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, les principes généraux du droit de l'Union européenne ne trouvent à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit de l'Union européenne. Par suite, le moyen tiré de la violation du principe du droit d'être entendu, en tant que principe général du droit de l'Union européenne, doit être écarté, dès lors que les décisions de refus de séjour ne sont pas régies par le droit de l'Union.
5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 112-8 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute personne, dès lors qu'elle s'est identifiée préalablement auprès d'une administration, peut, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, adresser à celle-ci, par voie électronique, une demande, une déclaration, un document ou une information, ou lui répondre par la même voie. Cette administration est régulièrement saisie et traite la demande, la déclaration, le document ou l'information sans lui demander la confirmation ou la répétition de son envoi sous une autre forme. ". Aux termes de l'article L. 112-9 du même code : " L'administration met en place un ou plusieurs téléservices, dans le respect des dispositions de loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique et aux libertés et des règles de sécurité et d'interopérabilité prévues aux chapitres IV et V de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives. Lorsqu'elle met en place un ou plusieurs téléservices, l'administration rend accessibles leurs modalités d'utilisation, notamment les modes de communication possibles. Ces modalités s'imposent au public. Lorsqu'elle a mis en place un téléservice réservé à l'accomplissement de certaines démarches administratives, une administration n'est régulièrement saisie par voie électronique que par l'usage de ce téléservice. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. ". Aux termes de l'article L. 112-10 du même code : " L'application des articles L. 112-8 et L. 112-9 à certaines démarches administratives peut être écartée, par décret en Conseil d'Etat, pour des motifs d'ordre public, de défense et de sécurité nationale, de bonne administration, ou lorsque la présence personnelle du demandeur apparaît nécessaire. ".
6. Ces dispositions créent, sauf lorsqu'y font obstacle des considérations tenant à l'ordre public, la défense et la sécurité nationale ou la bonne administration ou lorsque la présence personnelle du demandeur est nécessaire, un droit, pour les usagers, à saisir l'administration par voie électronique. Elles ne prévoient en revanche aucune obligation de saisine électronique.
7. Il appartient aux préfets, comme à tout chef de service, de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l'administration placée sous leur autorité. Ils peuvent ainsi prendre des dispositions relatives au dépôt des demandes qui leur sont adressées, dans la mesure où l'exige l'intérêt du service, dans le respect des règles ou principes supérieurs et dans la mesure où de telles règles n'y ont pas pourvu. Il en résulte que, sauf dispositions spéciales, les préfets peuvent créer des téléservices pour l'accomplissement de tout ou partie des démarches administratives des usagers. Toutefois, les préfets ne détiennent pas de leurs pouvoirs d'organisation de leurs services la compétence pour rendre l'emploi de téléservices obligatoire pour le traitement des demandes de titres de séjour.
8. En l'espèce, les requérants ont demandé au préfet des Vosges par courrier du 27 avril 2021, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux demandes de titre de séjour au moyen d'un téléservice, leur admission exceptionnelle au séjour ou un titre en qualité d'étudiant. A l'occasion de cette demande de titre de séjour, et lors d'un message électronique du 4 mai 2021 de leur conseil, ils ont sollicité une demande de rendez-vous auprès des services préfectoraux afin d'évoquer oralement leur situation. Toutefois aucun rendez-vous ne leur a été accordé au motif, selon les écritures du préfet, d'une part, de ce que les requérant se sont abstenus de solliciter cette entrevue par l'intermédiaire de l'application dédiée sur le site internet de la préfecture et d'autre part, qu'en tout état de cause, leur droit d'être entendu avait été respecté dans la mesure où les éléments fournis par les requérants dans leur courrier du 27 avril 2021 ont été pris en compte.
9. Il ressort du point 7 du présent arrêt que le préfet ne pouvait pas opposer aux requérants une saisine obligatoire de l'application dédiée pour solliciter un rendez-vous alors même qu'il s'agit d'une simple faculté ouverte aux administrés, qui conservent ainsi une alternative à cette modalité de saisine. En procédant ainsi, le préfet a entaché les décisions portant refus de titre de séjour d'un vice de procédure.
10. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et les règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
11. En l'espèce, si les intéressés soutiennent qu'ils ont été privés de la possibilité de présenter au préfet leurs démarches engagées en vue de la conclusion de contrats d'apprentissage et de la circonstance que la mère de la requérante avait sollicité un titre de séjour pour soins, il est constant que le préfet avait connaissance des démarches des requérants en vue de poursuivre leur scolarité. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les contrats d'apprentissage des requérants ont été conclus le 10 novembre 2021, soit bien après la date des décisions attaquées du 16 juillet 2021 et que la mère de Mme A... a été admise au séjour que le 1er septembre 2021.
12. Ainsi le vice retenu au point 11 du présent arrêt, dont la sanction n'ouvre pas un droit à un entretien, n'a privé effectivement les requérants d'aucune garantie et, au regard de la circonstance que le préfet avait, à la date des décisions contestées, connaissance de la situation précise des intéressés, n'a pas été de nature à avoir exercé une influence sur leur sens. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
13. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
14. Il ressort des pièces du dossier que les requérants sont entrés en France le 29 août 2018 et résidaient dans ce pays depuis moins de trois ans au jour des décisions attaquées. S'ils font état de la poursuite de leurs études, de la présence de la mère de Mme A... et de la sœur de M. B... en France ainsi que d'activités bénévoles, ces circonstances sont, au regard de la faible durée de leur séjour en France, insuffisantes pour établir que les décisions en litige porteraient à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
15. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative :1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ;2° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer la carte de résident prévue aux articles L. 423-11, L. 423-12, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-13, L. 424-21, L. 425-3, L. 426-1, L. 426-2, L. 426-3, L. 426-6, L. 426-7 ou L. 426-10 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ;3° Lorsqu'elle envisage de retirer le titre de séjour dans le cas prévu à l'article L. 423-19 ;4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ".
16. Le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls ressortissants étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues notamment à l'article L. 423-23 du code précité, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les ressortissants étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que les requérants ne remplissent pas effectivement les conditions énoncées pour bénéficier d'un titre de séjour sur ce fondement. Par suite, l'absence de consultation de la commission du titre de séjour n'a pas entaché d'irrégularité les décisions litigieuses.
17. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Cette carte donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle ". Selon les termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. ".
18. Pour refuser de délivrer un titre de séjour aux requérants en qualité d'étudiant, le préfet s'est fondé sur les circonstances qu'ils ne disposaient pas d'un visa long séjour valide, qu'ils ne poursuivaient pas des études supérieures et ne justifiait d'aucun moyen d'existence. Si les requérants sont scolarisés en France, il est constant qu'ils ne détiennent pas de visa long séjour requis pour la délivrance du titre de séjour " étudiant " par l'article précité. Ce seul motif était de nature à justifier les refus de titre de séjour en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait fait une inexacte application des dispositions précitées en refusant de leur délivrer un titre de séjour doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
19. En premier lieu, si aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.
20. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de rendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour. En effet, à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour, l'intéressé est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour. Dès lors, les décisions faisant obligation à Mme A... et à M. B... de quitter le territoire français ayant été prises concomitamment aux décisions refusant leur admission au séjour, leur droit à être entendu n'a pas été méconnu.
21. En second lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les décisions par lesquelles le préfet des Vosges a fait obligation aux requérants de quitter le territoire français doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de séjour ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :
22. Si M. B... et Mme A..., dont les demandes d'asile en France ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile , font valoir qu'ils pourraient être exposés à des risques en cas de retour en Albanie en raison de leur orientation sexuelle et de la violence de l'ex-mari de la mère de Mme A... à l'égard duquel une plainte pour violences aggravées a été déposée, ils n'en établissent pas la réalité. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande. Leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... et de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., à M. E... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : V. Ghisu-DeparisLe greffier,
Signé : M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
M. C...
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N° 21NC03309