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27/09/2022 | FRANCE | N°21NC03163

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 27 septembre 2022, 21NC03163


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 10 mai 2021 par laquelle le préfet de l'Aube a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial présentée en faveur de ses trois enfants, E... C..., D... C... et B... C....

Par un jugement n° 2101496 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 décembre 2021, M. C...,

représenté par Me Lemonnier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 octobre 2021...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 10 mai 2021 par laquelle le préfet de l'Aube a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial présentée en faveur de ses trois enfants, E... C..., D... C... et B... C....

Par un jugement n° 2101496 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 décembre 2021, M. C..., représenté par Me Lemonnier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 octobre 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler la décision du 10 mai 2021 par laquelle le préfet de l'Aube lui a refusé le regroupement familial présenté en faveur de ses trois enfants ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui accorder le bénéfice du regroupement familial pour ses trois enfants dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il remplissait les conditions de logement telles que prévues aux articles L. 434-10 et R. 434-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la surface de son logement est de 55 m² et les textes exigent une superficie au moins égale à 48 m² pour un foyer de quatre personnes en zone C ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait, dès lors que le préfet de l'Aube a estimé, à tort, que le foyer serait composé de cinq personnes s'il était fait droit à la demande de regroupement familial, or, son dernier enfant ne vit pas avec lui, de sorte que sa demande de regroupement familial ne visait qu'un foyer de quatre personnes ;

- désormais son fils né en 2003 est majeur, de sorte que le foyer serait désormais de trois personnes ;

- il remplissait les conditions de ressources exigées par les articles L. 434-7 L. 434-8 et R. 434-4 du code précité pour bénéficier de la procédure de regroupement familial en faveur de ses trois enfants car il percevait une moyenne de ressources mensuelles de 1 935 euros ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le préfet a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2022, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- et les observations de Me Lemonnier, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant malien né le 7 septembre 1972 à Bamako, est titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et a présenté une demande de regroupement familial en faveur de ses trois enfants, E..., D... et B.... Par une décision du 10 mai 2021, le préfet de l'Aube a rejeté cette demande. M. C... relève appel du jugement du 12 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 10 mai 2021 :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 434-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui en fait la demande est autorisé à être rejoint au titre du regroupement familial s'il remplit les conditions suivantes : / 1° Il justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille ; / 2° Il dispose ou disposera à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ; (...) ".

3. Aux termes des dispositions de l'article R. 434-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 1° de l'article L. 434-7, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / (...) 2° Cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes ; (...) ". Aux termes de l'article R. 434-5 du même code : " Pour l'application du 2° de l'article L. 434-7, est considéré comme normal un logement qui : / 1° Présente une superficie habitable totale au moins égale à : / (...) c) en zone C : 28 m² pour un ménage sans enfant ou deux personnes, augmentée de 10 m² par personne jusqu'à huit personnes et de 5 m² par personne supplémentaire au-delà de huit personnes ; / (...) Les zones A bis, A, B1, B2 et C mentionnées au présent article sont celles définies pour l'application de l'article R. 304-1 du code de la construction et de l'habitation. ". Il résulte de l'annexe 1 de l'arrêté du 1er août 2014 pris en application de l'article R. 304-1 du code de la construction et de l'habitation que la commune de Nogent-sur-Seine est classée en zone C, laquelle regroupe toutes les communes du territoire français qui ne sont classées dans aucune des autres zones.

4. Enfin, aux termes de de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

5. L'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de ses parents, en principe titulaires à son égard de l'autorité parentale. Ainsi dans le cas où une autorisation de regroupement familial est sollicitée en vue de permettre à un enfant mineur de rejoindre ses parents séjournant en France depuis au moins dix-huit mois et titulaires d'un titre de séjour d'une durée de validité minimale d'une année, cette autorisation ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, être refusée pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès d'autres personnes dans son pays d'origine. En revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit du demandeur au respect de sa vie privée et familiale, le préfet peut se fonder, pour rejeter la demande dont il est saisi, sur les motifs énumérés à l'article L. 434-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment sur ceux tirés de ce que les conditions d'accueil de l'enfant en France seraient, compte tenu en particulier des ressources et des conditions de logement de ses parents, contraires à son intérêt.

6. Pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par M. C..., le préfet de l'Aube s'est fondé sur la circonstance que la superficie du logement de M. C... n'était que de 55 m² alors que la superficie minimale requise pour une famille de cinq personnes est de 58 m² et également sur la circonstance que les revenus mensuels de M. C... s'élevait à 1 523,33 euros brut alors que pour un foyer de cinq personnes, les ressources mensuelles minimales requises sont à hauteur du salaire minimum de croissance majoré d'un dixième, soit un minimum requis de 1 688,36 euros bruts.

7. M. C... a sollicité le bénéfice du regroupement familial au profit de ses trois enfants nés en 2003, 2005 et 2007 en octobre 2020 alors qu'ils étaient âgés de 17, 15 et 13 ans à la suite du décès de leur mère en septembre 2019 au Mali. L'intérêt de ces trois enfants, pour lesquels il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'ils auraient d'autres attaches familiales fortes au Mali en dehors de leur mère décédée, est d'être confié à leur père, dont il n'est pas soutenu qu'il ne serait pas titulaire à leur égard de l'autorité parentale et qui réside en France. La seule circonstance que M. C... ne remplirait pas les conditions de logement, au demeurant non établie au regard des pièces produites et des arguments développés par celui-ci, ni les conditions de ressources ne permet pas à elle seule, notamment au regard de son niveau de ressources, proches du montant exigé par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de considérer que les conditions d'accueil de ces trois enfants par leur père en France seraient contraires à leur intérêt. Par suite, la décision du 10 mai 2021 portant refus de regroupement familial pour les trois enfants de M. C... a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et doit être annulée pour ce motif.

8. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le regroupement familial sollicité par M. C... pour ses trois enfants, qui étaient alors encore tous mineurs à la date de sa demande, soit accordé. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui accorder ce bénéfice du regroupement familial dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais de l'instance :

10. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Lemonnier, avocate de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Lemonnier de la somme de 1 200 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2101496 du 12 octobre 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et la décision du 10 mai 2021 du préfet de l'Aube sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Aube d'accorder à M. C... le bénéfice du regroupement familial pour ses trois enfants dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Lemonnier une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Lemonnier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Goujon-Fischer, président,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2022.

La rapporteure,

Signé : S. Roussaux

Le président,

Signé : J-F Goujon-Fischer

La greffière,

Signé : E. Delors

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

E. Delors

2

N° 21NC03163


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03163
Date de la décision : 27/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GOUJON-FISCHER
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : LEMONNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-09-27;21nc03163 ?
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