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27/09/2022 | FRANCE | N°21NC02140

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 27 septembre 2022, 21NC02140


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 juin 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2104113 du 25 juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de

Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 juin 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2104113 du 25 juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Schweitzer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 juin 2021 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de réexaminer sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil, en application des articles 37 et 75-1 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- la décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

en ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 2 août 2022, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Par ordonnance du 2 août 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 29 août 2022.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

1. M. B..., ressortissant géorgien né en 1975, est entré irrégulièrement sur le territoire français selon ses déclarations le 16 octobre 2011 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 27 août 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 10 mai 2013. L'intéressé a déposé une demande de réexamen de sa demande d'asile le 12 août 2013, qui a été rejetée consécutivement par l'OFPRA et la CNDA par décisions du 23 août 2013 et 23 septembre 2014. Par un arrêté du 9 juin 2021, la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Il relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Il ressort des pièces du dossier que, pour obliger M. B... à quitter le territoire français, l'arrêté préfectoral litigieux vise les textes dont il fait application, notamment les dispositions applicables au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'arrêté précise par ailleurs les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de M. B... et rappelle notamment qu'il est entré en France en octobre 2011, qu'il est défavorablement connu des services de police pour avoir commis plusieurs infractions notamment vol à l'étalage le 27 février 2012, recel de bien provenant d'un vol le 24 octobre 2013, vol en réunion le 20 mai 2015, recel de bien provenant d'un vol avec destruction ou dégradation entre le 13 décembre 2019 et le 17 mars 2020 et dégradation ou détérioration du bien d'autrui commise en réunion le 6 août 2020, et rappelle les condamnations à des peines d'emprisonnement dont il fait l'objet entre 2012 et 2016. L'arrêté retrace son parcours administratif et rappelle le rejet de ses demandes d'asile auprès de l'OFPRA et de la CNDA, ainsi que le sort réservé à sa demande de réexamen. La décision litigieuse fait état de sa relation maritale et familiale et de ce qu'il ne justifie pas de liens privés et familiaux intenses et stables en France. Cette motivation, qui révèle l'examen de la situation personnelle de l'intéressé, n'est pas entachée d'insuffisance ni n'est stéréotypée. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué et de l'absence d'examen de sa situation personnelle doivent être écartés.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... allègue être entré sur le territoire français irrégulièrement le 16 octobre 2011. Il est défavorablement connu des services de police pour de nombreuses infractions commises entre 2012 et 2020. Depuis son arrivée en France, l'intéressé a été condamné à quatre peines d'emprisonnement pour vol ou recel. S'il se prévaut de la nécessité de se maintenir auprès de sa compagne qui est atteinte d'un cancer, et qui est en situation régulière sur le territoire national, les éléments versés au dossier n'établissent pas l'existence de circonstances faisant obstacle à ce qu'ils rejoignent ensemble leur pays d'origine, l'intéressé ne démontrant pas, par ailleurs, apporter des soins à son épouse, ainsi qu'il le prétend. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la préfète du Bas-Rhin n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation du requérant.

5. Le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

6. Enfin, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales invoqué à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français est inopérant dès lors que cette décision n'a pas pour objet de fixer le pays de destination.

Sur la décision fixant le pays de destination :

7. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

8. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, reprenant les dispositions figurant initialement à l'article L. 513-2 de ce code : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

9. M. B... soutient être exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Cependant il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations démontrant un risque personnel et actuel en cas de retour dans son pays d'origine. Au demeurant tant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que la Cour nationale du droit d'asile ont considéré que M. B... ne justifiait pas être exposé à des risques de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Bas-Rhin aurait méconnu les stipulations et dispositions citées au point précédent.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans :

10. En premier lieu, comme indiqué ci-dessus, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

11. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, le préfet assortit, en principe et sauf circonstances humanitaires, l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour. La durée de cette interdiction doit être déterminée en tenant compte des critères tenant à la durée de présence en France, à la nature et l'ancienneté des liens de l'intéressé avec la France, à l'existence de précédentes mesures d'éloignement et à la menace pour l'ordre public représentée par la présence en France de l'intéressé.

12. L'intéressé a été privé de délai de départ volontaire et, compte tenu de ce qui a été indiqué précédemment, il ne justifie pas de circonstances humanitaires. Si l'épouse de l'intéressé est en situation régulière en France et que le requérant se prévaut de l'état de santé de cette dernière, il n'est pas justifié que l'intéressé l'assiste ainsi qu'il le soutient. M. B..., qui justifie effectivement vivre en France depuis 2011, a cependant fait l'objet de plusieurs condamnations à des peines de prison ferme et présente un risque pour l'ordre public. Par suite, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans selon le dispositif de l'arrêté contesté n'est pas entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juin 2021 de la préfète du Bas-Rhin. Toutes les conclusions de la requête, y compris celles aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées par l'avocat de M. B... sur le fondement de l'article 37 et 75-1 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2022

La rapporteure,

Signé : A. C...

La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. A...

2

N° 21NC02140


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02140
Date de la décision : 27/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SCHWEITZER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-09-27;21nc02140 ?
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