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27/09/2022 | FRANCE | N°21NC01817

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 27 septembre 2022, 21NC01817


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et Mme A... E..., épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 5 février 2021 par lesquels la préfète du Bas-Rhin leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination.

Par un jugement n°s 2101246, 2101247 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

:

I. Par une requête enregistrée le 23 juin 2021 sous le n° 21NC01817, M. C..., représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et Mme A... E..., épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 5 février 2021 par lesquels la préfète du Bas-Rhin leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination.

Par un jugement n°s 2101246, 2101247 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 23 juin 2021 sous le n° 21NC01817, M. C..., représenté par Me Yahi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 février 2021 de la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros, à verser à son conseil, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

s'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation et celle de sa famille ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile telles que précisées par la circulaire du 30 octobre 2004 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situations irrégulière ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation et celle de sa famille.

Par ordonnance du 24 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 24 février 2022.

Un mémoire présenté pour la préfète du Bas-Rhin a été enregistré le 6 septembre 2022, postérieurement à la clôture d'instruction.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mars 2022.

II. Par une requête enregistrée le 23 juin 2021 sous le n° 21NC01820, Mme E... épouse C..., représentée par Me Yahi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 février 2021 de la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros, à verser à son conseil, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

s'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen ;

- il convient de savoir sur quels documents le collège des médecins de l'OFII s'est fondé pour rendre son avis ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile telles que précisées par la circulaire du 30 octobre 2004 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situations irrégulière ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation et celle de sa famille.

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation et celle de sa famille.

Par ordonnance du 24 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 24 février 2022.

Un mémoire présenté pour la préfète du Bas-Rhin a été enregistré le 6 septembre 2022, postérieurement à la clôture d'instruction et n'a pas été communiqué.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Marchal, conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... et Mme E... épouse C..., ressortissants russes, respectivement nés le 18 mars 1970 et le 28 mars 1976, sont entrés en France le 24 décembre 2015 selon leurs déclarations. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 juillet 2017, confirmées par des décisions du 26 janvier 2018 de la Cour nationale du droit d'asile. Le 1er juillet 2020, M. C... et Mme C... ont sollicité la délivrance de titres de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 5 février 2021, la préfète du Bas-Rhin leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de destination. Par deux requêtes, qu'il convient de joindre, M. C... et Mme C... font appel du jugement du 10 juin 2021, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 5 février 2021.

Sur les refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, les décisions litigieuses, qui n'avaient pas à reprendre tous les éléments de la situation personnelle des requérants, précisent les dispositions légales sur lesquelles elles s'appuient et rappellent de manière non stéréotypée les principales considérations relatives à leurs situations, notamment leurs conditions d'entrée et de séjour en France, ainsi que leur situation familiale en s'intéressant à ce titre plus précisément à la présence en France de leurs enfants. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions doit être écarté. En outre, il ressort des termes mêmes des décisions contestées que la préfète a procédé à l'analyse de la situation individuelle des intéressés en prenant notamment en compte la présence de leurs enfants à leurs côtés, de sorte que le moyen tiré du défaut d'examen sérieux ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, la décision de refus opposée à la demande de titre de séjour formée par Mme E..., épouse C..., sur le seul fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas été prise sur la base d'un avis du collège de médecins de l'OFII. Par suite, la requérante n'évoque pas utilement la question des documents sur la base desquels un tel avis aurait été émis.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. M. C... et Mme C... étaient présents en France, avec leurs trois enfants, depuis plus de six ans à la date de l'arrêté litigieux. Pour autant, ces derniers, qui sont restés en France en dépit de précédentes mesures d'éloignement prises à leur encontre, n'apportent aucun élément témoignant d'une intégration sociale ou professionnelle particulière. Si Mme C... justifie souffrir de troubles post-traumatiques, les éléments versés ne permettent pas de considérer qu'elle ne pourrait pas bénéficier en Russie d'un traitement approprié, alors, au demeurant, que le collège des médecins de l'OFII a, par un avis émis le 5 septembre 2018 dans le cadre d'une précédente demande de titre de séjour, explicitement retenu qu'elle pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans ce pays. Enfin, les requérants ne justifient pas d'un quelconque obstacle à ce que leurs enfants poursuivent leurs scolarités en Russie, y compris l'aîné d'entre eux, en dépit de sa spécialisation, et à ce que la cellule familiale se reconstitue dans ce pays. Ainsi, malgré la présence régulière en France d'une partie de la famille de M. C... et quand bien même ce dernier vivrait dans le respect et l'attachement aux lois de la République française, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions litigieuses, qui ne portent pas une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie familiale et privée, méconnaissant les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la préfète du Bas-Rhin aurait entaché les décisions contestées d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ne peut qu'être écarté.

6. En quatrième lieu, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... et Mme C... aient sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet, qui n'avait pas à examiner d'office la possibilité de délivrer un titre sur ce fondement, ne s'est pas prononcé sur la possibilité de leur délivrer un titre en application de cet article, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions et de celles, citées par les requérants, issues de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulières dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté comme inopérant. Le moyen tiré de la violation de la circulaire du 30 octobre 2004 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situations irrégulière, dont ne sont pas extraites les dispositions citées par les requérants dans leurs écritures, n'est pas assorti des précisions permettant d'apprécier le bien-fondé du moyen que les requérants ont entendu invoquer sur le fondement de cette circulaire, au demeurant partiellement abrogée par la circulaire du 28 novembre 2012 précitée.

7. En cinquième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

8. Ainsi qu'il a été indiqué au point 5, si les requérants se prévalent de la scolarisation de leurs trois enfants en France, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Russie et que les enfants ne pourraient pas y poursuivre une existence et une scolarité normales Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

10. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, les moyens tirés de la méconnaissance, par les décisions portant obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions sur la situation de M. C... et de Mme C... doivent être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquences, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. C... et de Mme C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme A... E... épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Goujon-Fischer, président,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : S. MarchalLe président,

Signé : J.-F. Goujon-Fischer

La greffière,

Signé : E. Delors

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

E. Delors

2

N° 21NC01817, 21NC01820


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01817
Date de la décision : 27/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GOUJON-FISCHER
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : YAHI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-09-27;21nc01817 ?
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