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27/09/2022 | FRANCE | N°20NC00339

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 27 septembre 2022, 20NC00339


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I. M. I... C... et Mme L... A... G..., épouse C..., par des demandes enregistrées sous les nos 1903740, 1903741, 1903745, 1903751 ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, chacun en ce qui le concerne :

- l'arrêté du préfet des Vosges du 27 novembre 2019 pris à l'encontre de M. C... et refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

- l'arrêté du préfet des

Vosges du 16 décembre 2019 retirant à M. C... le délai de départ volontaire de trente j...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I. M. I... C... et Mme L... A... G..., épouse C..., par des demandes enregistrées sous les nos 1903740, 1903741, 1903745, 1903751 ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, chacun en ce qui le concerne :

- l'arrêté du préfet des Vosges du 27 novembre 2019 pris à l'encontre de M. C... et refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

- l'arrêté du préfet des Vosges du 16 décembre 2019 retirant à M. C... le délai de départ volontaire de trente jours qui lui avait été accordé par l'arrêté du 27 novembre 2019 et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

- l'arrêté du préfet des Vosges en date du 9 décembre 2019 faisant obligation à Mme C... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

- l'arrêté du préfet des Vosges du 16 décembre 2019 retirant à Mme C... le délai de départ volontaire de trente jours qui lui avait été accordé par l'arrêté du 9 décembre 2019 et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement du 9 janvier 2020 nos 1903740, 1903741, 1903745, 1903751, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé les décisions obligeant M. et Mme C... à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, les décisions portant retrait de délai de départ volontaire et les décisions portant assignation à résidence, tout en réservant les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour pris à l'encontre de M. C..., lesquelles relèvent de la formation collégiale.

II. M. I... C... et Mme L... A... G..., épouse C..., par des demandes enregistrées sous les nos 2000200, 2000201, 2000202, 2000203, ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler, chacun en ce qui le concerne :

- l'arrêté du 9 janvier 2020 par lequel le préfet des Vosges a refusé de délivrer à M. C... un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité;

- l'arrêté du 20 janvier 2020 par lequel le préfet des Vosges lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à destination du pays dont il a la nationalité et l'a assigné à résidence ;

- l'arrêté du 9 janvier 2020 par lequel le préfet des Vosges a fait obligation à Mme C... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité ;

- l'arrêté du 20 janvier 2020 par lequel le préfet des Vosges lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à destination du pays dont elle a la nationalité et l'a assignée à résidence.

Par un jugement du 31 janvier 2020 nos 2000200, 2000201, 2000202, 2000203, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions des requêtes n° 2000200 et n° 2000202 en tant qu'elles étaient dirigées contre les mesures d'astreinte prononcées sur le fondement de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a annulé les décisions du 20 janvier 2020 en tant qu'elles astreignent M. et Mme C... à se présenter quotidiennement aux services de police et a rejeté le surplus des requêtes, tout en réservant les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour pris à l'encontre de M. C..., lesquelles relèvent de la formation collégiale.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 20NC00339 le 7 février 2020 et le 19 avril 2022, le préfet des Vosges demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 9 janvier 2020, nos 1903740, 1903741, 1903745, 1903751 ;

2°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 31 janvier 2020 nos 200200, 2000201, 2000202, 2000203 en tant qu'il annule les décisions du 20 janvier 2020 astreignant M. et Mme C... à se présenter quotidiennement aux services de police et en ce qu'il a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

en ce qui concerne le jugement du 9 janvier 2020 :

- c'est à tort que la magistrate désignée a considéré qu'il avait commis une erreur de droit en s'estimant en compétence liée pour refuser à M. C... les titres de séjour sollicités, sans examiner l'opportunité de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ; d'une part, il ne s'est pas cru en compétence liée et d'autre part, il n'était pas tenu d'analyser le droit au séjour de M. C... au regard de l'admission exceptionnelle, ce qu'il a pourtant fait comme cela ressort de sa décision du 27 novembre 2019 ;

en ce qui concerne le jugement du 31 janvier 2020 :

- c'est à tort que la magistrate désignée a considéré que les mesures d'astreinte à se présenter quotidiennement aux services de police étaient disproportionnées ; les intéressés habitent à quatre minutes à pied du commissariat ;

- aucun des autres moyens présentés en première instance par les requérants n'est fondé ;

- il y a lieu de confirmer le non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre le refus implicite né du silence de l'administration à sa demande de titre de séjour, lequel a fait l'objet d'une requête n° 1900872.

Par un mémoire enregistré le 31 août 2022, M. et Mme C... représentés par Me Coche-Mainente concluent :

1°) au rejet de la requête du préfet des Vosges ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- à l'annulation du jugement du 31 janvier 2020 en ce qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français du 9 janvier 2020 ;

- à ce qu'il soit enjoint au préfet des Vosges, de réexaminer leur situation dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, et dans l'attente de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour autorisant à travailler dans un délai de deux jours à compter de l'arrêt, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

s'agissant du jugement du 10 janvier 2020 :

- c'est à bon droit que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français du 27 novembre 2019 prise à l'encontre de M. C... au motif de ce que le préfet s'était estimé en compétence liée pour lui refuser le titre de séjour sollicité ;

- la décision portant refus de titre de séjour sur laquelle se fondait la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit au regard des articles L. 313-20 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme C... ne pouvait être fondée sur le 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car elle est entrée en France munie d'un visa ;

s'agissant du jugement du 31 janvier 2020 :

- c'est à bon droit que la magistrate désignée a annulé les décisions du 20 janvier 2020 astreignant M. et Mme C... à se présenter quotidiennement aux services de police ;

en ce qui concerne M. C... :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français du 9 janvier 2020 prise à l'encontre de M. C... est illégale car elle est fondée sur un titre de séjour lui-même illégal : elle est entachée d'erreur de droit car le préfet s'est estimé en compétence liée pour refuser de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;

- il remplit les conditions de l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour " passeport talent " ;

- à titre subsidiaire, il est également fondé à solliciter un titre de séjour " salarié " ;

- la décision méconnaît les articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

en ce qui concerne Mme C... :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme C... ne pouvait être fondée sur le 1° de l'article L. 511-1 du code précité car elle est entrée en France munie d'un visa ;

- elle méconnaît les articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 20NC00340 le 10 février 2020 et le 19 avril 2022, le préfet des Vosges demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 janvier 2020 nos 1903740,1903741, 1903745, 1903751 ;

2°) d'annuler le jugement du 31 janvier 2020 nos 200200, 2000201, 2000202, 2000203 en tant qu'il annule les décisions du 20 janvier 2020 astreignant M. et Mme C... à se présenter quotidiennement aux services de police et en ce qu'il a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

en ce qui concerne le jugement du 9 janvier 2020 :

- c'est à tort que la magistrate désignée a considéré qu'il avait commis une erreur de droit en s'estimant en compétence liée pour refuser à M. C... les titres de séjour sollicités, sans examiner l'opportunité de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ; d'une part, il ne s'est pas cru en compétence liée et d'autre part, il n'était pas tenu d'analyser le droit au séjour de M. C... au regard de l'admission exceptionnelle, ce qu'il a pourtant fait comme cela ressort de sa décision du 27 novembre 2019 ;

en ce qui concerne le jugement du 31 janvier 2020 :

- c'est à tort que la magistrate désignée a considéré que les mesures d'astreinte à se présenter quotidiennement aux services de police étaient disproportionnées ; les intéressés habitent à quatre minutes à pied du commissariat ;

- aucun des autres moyens présentés en première instance par les requérants n'est fondé ;

- il y a lieu de confirmer le non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre le refus implicite né du silence de l'administration à sa demande de titre de séjour, lequel a fait l'objet d'une requête n° 1900872.

Par un mémoire enregistré le 22 mars 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Coche-Mainente concluent :

1°) au rejet de la requête du préfet des Vosges ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- à l'annulation du jugement du 31 janvier 2020 en ce qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français du 9 janvier 2020 ;

- à ce qu'il soit enjoint au préfet des Vosges, de réexaminer leur situation dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, et dans l'attente de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour autorisant à travailler dans un délai de deux jours à compter de l'arrêt, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

s'agissant du jugement du 10 janvier 2020 :

- c'est à bon droit que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français du 27 novembre 2019 prise à l'encontre de M. C... au motif que le préfet s'était estimé en compétence liée pour lui refuser le titre de séjour sollicité ;

- la décision portant refus de titre de séjour sur laquelle se fondait la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit au regard des articles L. 313-20 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

s'agissant du jugement du 31 janvier 2020 :

- c'est à bon droit que la magistrate désignée a annulé la décision du 20 janvier 2020 astreignant M. C... à se présenter quotidiennement aux services de police ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français du 9 janvier 2020 prise à l'encontre de M. C... est illégale car elle est fondée sur un refus de titre de séjour lui-même illégal : il est entaché d'erreur de droit car le préfet s'est estimé en compétence liée pour refuser de lui délivrer le titre de séjour sollicité ; il remplit les conditions de l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer un titre de séjour " passeport talent " ; à titre subsidiaire, il est également fondé à solliciter un titre de séjour " salarié " ; il méconnaît les articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né le 1er février 1985, et Mme A... G... épouse C..., née le 20 novembre 1979, ressortissants marocains, sont entrés en France sous le couvert de visas de circulation à entrées multiples valables pendant 90 jours tous les six mois à compter du 11 avril 2017 jusqu'au 10 avril 2019. Le 31 août 2018, M. C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-20 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir la perspective d'un emploi d'entraineur-joueur au sein de l'association sportive Pouilly Metz Volley-Ball. En l'absence de réponse dans le délai de quatre mois, il a demandé, le 7 janvier 2019, la communication des motifs du refus implicite. Par un arrêté du 27 novembre 2019, le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention compétence et talents, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jour et a fixé le pays de renvoi. Par un arrêté du 9 décembre 2019, le préfet des Vosges a fait obligation à Mme C... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par deux décisions du 16 décembre 2019, le préfet des Vosges a retiré le délai de départ volontaire accordé à M. et Mme C... et les a assignés à résidence. Par un jugement nos 1903740, 1903741, 1903745, 1903751 du 9 janvier 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé les obligations de quitter le territoire français des 27 novembre et 9 décembre 2019 et les décisions portant retrait de délai de départ volontaire et assignations à résidence du 16 décembre 2019. Par deux décisions du 9 janvier 2020, le préfet des Vosges a de nouveau refusé de délivrer à M. C... un titre de séjour et lui a fait obligation, ainsi qu'à son épouse, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et les a astreints à se présenter trois fois par semaine aux services de police. Par deux décisions du 20 janvier 2020, le préfet des Vosges a retiré le délai de départ volontaire accordé à M. et Mme C... et les a assignés à résidence. Par un jugement nos 2000200, 2000201, 2000202, 2000203 du 31 janvier 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé les décisions du 20 janvier 2020 uniquement en tant qu'elles astreignent M. et Mme C... à se présenter quotidiennement aux services de police. Par deux requêtes enregistrées sous les nos 20NC00339 et 20NC00340, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, le préfet des Vosges relève appel, d'une part, du jugement du 9 janvier 2020 en tant que celui-ci a annulé les décisions obligeant M. et Mme C... à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, les décisions portant retrait de délai de départ volontaire et les décisions portant assignation à résidence et, d'autre part, du jugement du 31 janvier 2020 en tant que celui-ci a annulé les décisions du 20 janvier 2020 astreignant M. et Mme C... à se présenter quotidiennement aux services de police. Par la voie de l'appel incident, M. et Mme C... demandent à la cour d'annuler également ce jugement du 31 janvier 2020 en ce qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français du 9 janvier 2020.

Sur la contestation du jugement du 9 janvier 2020 :

En ce qui concerne M. C... :

S'agissant du moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Il ressort des termes de la décision du 27 novembre 2019 que le préfet a refusé à M. C... les titres de séjour " passeport talent " et " salarié " au motif qu'il ne remplissait pas les conditions légales pour les obtenir, et a refusé, dans le dispositif, de faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour régulariser sa situation. Il en résulte que le préfet ne s'est ainsi pas senti en compétence liée pour refuser à M. C... les titres de séjour sollicités et n'a pas commis d'erreur de droit en refusant de faire usage de son pouvoir de régularisation.

3. Ainsi, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy s'est fondée sur ce motif pour annuler la décision du préfet des Vosges portant obligation de quitter le territoire français du 27 novembre 2019 prise à l'encontre de M. C..., ainsi que par voie de conséquence celles du 16 décembre 2019 portant retrait du délai de départ volontaire et assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français, invitation à se rendre au commissariat, retrait de délai de départ volontaire et assignation à résidence.

S'agissant des autres moyens soulevés par M. C... à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français du 27 novembre 2019:

5. En premier lieu, la décision attaquée du 27 novembre 2019 est signée par M. D... J... chef du bureau des étrangers. Par un arrêté en date du 22 mai 2019, publié le 23 mai 2019 au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet des Vosges a délégué sa signature à Mme F... K..., directrice de la citoyenneté et de la légalité, à l'effet de signer toutes décisions dans les matières entrant dans les attributions de cette direction. En application de l'article 4 de cet arrêté, délégation de signature est donnée à M. J... aux fins de signature des arrêtés portant refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " I. - (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ". La décision attaquée, prise concomitamment à un refus de titre de séjour lui-même motivé, comporte les considérations de droit et de fait qui fonde l'obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision manque ainsi en fait et doit, par suite, être écarté.

7. En troisième lieu, la décision portant refus de titre de séjour comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle vise les dispositions des articles L. 313-10 et du 10° de l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle précise que le requérant est dépourvu d'un visa de long séjour, qu'il est dépourvu d'un contrat de travail visé par l'unité départementale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et que rien ne fait obstacle à ce que sa fille ainée puisse poursuivre sa scolarité au Maroc et à ce que la famille se reconstitue hors de France. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du refus de titre de séjour doit être écarté comme manquant en fait.

8. Aux termes de l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " La carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent ", d'une durée maximale de quatre ans, est délivrée, dès sa première admission au séjour : (...) / 10° A l'étranger dont la renommée nationale ou internationale est établie ou susceptible de participer de façon significative et durable au développement économique, au développement de l'aménagement du territoire ou au rayonnement de la France et qui vient exercer en France une activité dans un domaine scientifique, littéraire, artistique, artisanal, intellectuel, éducatif ou sportif. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 ".

9. Aux termes de l'article 3 de la convention franco-marocaine : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...). "

10. Il résulte de la combinaison des textes précités que, si la situation des ressortissants marocains souhaitant bénéficier d'un titre de séjour portant la mention salarié est régie par les stipulations de l'accord franco marocain, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié reste subordonnée, en vertu de l'article 9 de cet accord, à la condition prévue à l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de la production par ces ressortissants d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois.

11. Il ressort des pièces du dossier que par courrier du 31 août 2018, M. C... a sollicité à titre principal un titre de séjour " passeport talent " sur le fondement de l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à titre subsidiaire un titre de séjour portant la mention " salarié ".

12. Pour refuser à M. C... le séjour au titre du travail, le préfet des Vosges s'est fondé à tort sur l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicable aux ressortissants marocains. Toutefois, le requérant entre dans le cas prévu par l'article 3 de l'accord franco-marocain précité. Comme en ont été informées les parties en première instance par le tribunal administratif, ces stipulations peuvent être substituées à celles de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que cette substitution de base légale ne prive l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions.

13. Le préfet des Vosges a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. C... au motif que celui-ci était dépourvu d'un visa de long séjour et d'un contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Par suite, et alors que le seul motif de l'absence de visa long séjour justifiait à opposer à M. C... un refus de titre, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

14. Enfin, alors que le préfet était saisi d'une demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour au motif du travail, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sur lesquelles il ne s'est pas fondé, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 14 que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ".

17. Si M. C... fait valoir qu'il a été victime des agissements de son ancien employeur, cette circonstance, à la supposer établie, est par elle-même sans influence sur la légalité de la décision attaquée du 27 novembre 2019. Le requérant souligne également qu'il est arrivé en France il y a plus de deux ans avec son épouse et leurs deux enfants, que sa fille aînée est régulièrement scolarisée, et que toute sa famille parle couramment la langue française. Toutefois ni ces circonstances, ni le parcours sportif du requérant sur le territoire français, ne permettent de regarder la décision d'éloignement comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et ne suffisent pas à faire regarder l'autorité administrative comme ayant entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé.

18. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors applicable : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l'article L. 511-1 peut, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. / Un décret en Conseil d'Etat prévoit les modalités d'application du présent article ".

19. Au regard du pouvoir d'appréciation dont dispose, aux termes de la loi, l'autorité administrative pour apprécier la nécessité d'imposer une obligation de présentation sur le fondement de l'article L. 513-4, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste tant dans sa décision de recourir à cette mesure que dans le choix des modalités de celle-ci.

20. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en tant qu'elle imposait à M. C... de se présenter trois fois par semaine, les lundis, mercredis et vendredis, y compris les jours fériés de 10h00 à 11h00, la décision d'astreinte à se présenter aux services de police présentait un caractère disproportionné et procédait ainsi d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

S'agissant des autres moyens soulevés par M. C... à l'encontre de la décision du 16 décembre 2019 portant retrait de délai de départ volontaire et assignation à résidence :

21. En premier lieu, ainsi qu'il a été ci-dessus exposé, les décisions portant refus de titre de séjour et obligeant M. C... à quitter le territoire français n'étant pas entachées d'illégalité, le requérant ne peut se prévaloir de leur illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la mesure d'assignation à résidence du 16 décembre 2019.

22. En deuxième lieu, la décision contestée a été signée par M. B... H..., adjoint au chef de bureau. Par un arrêté du 22 mai 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 23 mai suivant, le préfet des Vosges a donné délégation de signature, en cas d'absence ou d'empêchement de M. J..., chef du bureau des étrangers, à M. H... à l'effet de signer les décisions entrant dans les attributions du bureau des étrangers, lesquelles portent notamment sur les retraits de délai de départ volontaire et les mesures d'assignation à résidence. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées doit être écarté comme manquant en fait.

23. En troisième lieu, l'arrêté du 16 décembre 2019 comporte les considérations de droit et de fait qui fondent le retrait du délai de départ volontaire et la mesure d'assignation à résidence. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces décisions manque ainsi en fait et doit, par suite, être écarté.

24. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Vosges est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé ses décisions du 27 novembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M. C... et la décision du 16 décembre 2019 portant retrait de délai de départ volontaire et assignation à résidence.

En ce qui concerne Mme C... :

25. La magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français du 9 décembre 2019 prise à l'encontre de Mme C... au motif que l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français de son époux porte atteinte à sa vie privée et familiale et par suite méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

26. Le préfet des Vosges ne conteste pas dans sa requête d'appel ce motif d'annulation. Par suite, et en l'absence de toute critique du jugement sur ce motif d'annulation, le préfet des Vosges n'est pas fondé à solliciter l'annulation du jugement du 10 janvier 2020 en tant qu'il a annulé les décisions des 9 décembre et 16 décembre 2019 prises à l'encontre de Mme C....

Sur la contestation du jugement du 31 janvier 2020 :

En ce qui concerne les conclusions d'appel principal du préfet des Vosges :

27. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ;(...). " Il résulte de ces dispositions que le préfet peut prendre à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une décision d'éloignement et qui présente des garanties propres à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement, une mesure d'assignation à résidence.

28. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'administration pouvait légalement, eu égard aux conditions prévues à l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, prendre une mesure d'assignation à résidence à l'encontre d'un étranger et de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur d'appréciation dans le choix des modalités de cette mesure d'assignation.

29. Les mesures portant assignation à résidence sont assorties d'une astreinte obligeant M. et Mme C... à se présenter tous les jours de la semaine, y compris les jours fériés, dans le créneau horaire de 9h00 à 11h00 au commissariat de police d'Epinal aux fins d'y confirmer leur présence. Or, si ces décisions sont motivées par le fait que les intéressés n'ont pas déféré aux mesures portant obligation de quitter le territoire, il est constant qu'ils se sont conformés aux mesures d'astreinte prononcées le 9 janvier 2020 sur le fondement de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se rendant trois fois par semaine au commissariat de police. Il est également constant qu'ils justifient d'une adresse stable à laquelle ils résident avec leurs deux enfants mineurs et qu'ils ont remis leurs passeports en cours de validité. Par suite, la seule circonstance qu'ils n'ont pas justifié, entre le 10 et le 20 janvier 2020, de leurs diligences dans la préparation de leur départ ne démontre pas l'aggravation du risque qu'ils se soustraient à leurs obligations. Les mesures d'astreinte à se présenter quotidiennement aux services de police étant disproportionnées, le préfet des Vosges a commis une erreur d'appréciation dans le choix des modalités des mesures d'assignation à résidence.

30. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Vosges n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée a annulé sa décision du 20 janvier 2020 en tant qu'elles astreignent M. et Mme C... à se présenter quotidiennement aux services de police.

En ce qui concerne l'appel incident de M. et Mme C... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français du 9 janvier 2020 :

S'agissant des moyens communs aux obligations de quitter le territoire français du 9 janvier 2020 opposées à M. et Mme C... :

31. Les décisions contestées du 9 janvier 2020 sont signées par M. D... J..., chef du bureau des étrangers, dont le préfet établit qu'il dispose d'une délégation de signature du 22 mai 2019, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du 23 mai 2019, aux fins de signer les décisions en litige. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence du signataire des décisions attaquées doivent être écartés.

32. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ". Les décisions attaquées comportent les considérations de droit et de fait qui fondent les obligations de quitter le territoire français prononcées à l'encontre des requérants. Les moyens tirés de l'insuffisante motivation de ces décisions manquent ainsi en fait et doivent, par suite, être écartés.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français opposée à M. C... :

33. Pour refuser le 9 janvier 2020 à M. C... les titres de séjour sollicités sur le fondement du 10° de l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain " salarié " précités, le préfet des Vosges s'est de nouveau fondé sur la circonstance qu'il était dépourvu d'un visa de long séjour. Il est constant que M. C... est entré en France sous couvert d'un visa de court séjour. Par suite, et ainsi qu'il l'a déjà été précise au point 13 du présent arrêt, la circonstance que M. C... remplit les autres conditions pour obtenir les titres de séjour sollicités est sans influence sur la légalité du refus de titre pris au motif du défaut de visa long séjour.

34. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. ".

35. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titre de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

36. Le préfet des Vosges a pris sa décision de refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'est cependant pas applicable aux ressortissants marocains. Toutefois, comme il vient d'être dit, les stipulations de l'accord franco-marocain n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié. Comme en ont été informées les parties en première instance, le pouvoir discrétionnaire de régularisation du préfet peut être substitué aux dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que cette substitution de base légale ne prive l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions.

37. Il ressort de la décision attaquée que le préfet après avoir examiné la situation de M. C..., a considéré que celle-ci ne relevait d'aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel. Ainsi, et alors que le préfet a apprécié la possibilité de régulariser la situation de M. C... dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet se serait senti en compétence liée pour refuser un titre de séjour sans faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

38. Enfin, alors que M. C... a saisi le préfet d'une demande de titre de séjour au motif du travail et que ce dernier ne s'est pas fondé sur les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour lui refuser le séjour, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut être utilement soulevé pour contester le refus de titre de séjour.

39. Il résulte de ce qui a été dit aux points 33 à 38 que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

40. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 17 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

41. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, celle-ci n'ayant pas pour objet de fixer le pays à destination duquel le requérant pourra être éloigné.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français opposée à Mme C... :

42. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants :1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ".

43. Contrairement à ce qui est soutenu, la décision du 9 janvier 2020 par laquelle le préfet des Vosges a obligé Mme C... à quitter le territoire français est fondée, non sur le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais sur le 2° du I du même article ainsi que sur le fait qu'elle s'est maintenue sur le territoire après l'expiration de son visa le 10 avril 2019. La mesure d'éloignement pris à son encontre n'est par suite entachée d'aucune erreur de fait ou de droit.

44. En deuxième lieu, la requérante fait valoir qu'elle et son mari sont arrivés en France il y a plus de deux ans avec leurs deux enfants, que leur fille aînée est régulièrement scolarisée, et que toute sa famille parle couramment la langue française. Toutefois, au regard de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée en France, ni sa formation et son expérience en management financier ni les éléments d'intégration dont elle se prévaut, ne permettent de regarder la mesure d'éloignement comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de Mme C....

45. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour le même motif que celui évoqué au point 41.

46. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions d'annulation et par suite celles à fins d'injonction, présentées par M. et Mme C..., au moyen d'un appel incident, doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

47. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. et Mme C... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement du 9 janvier 2020 nos 1903740, 1903741, 1903745, 1903751 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français du 27 novembre 2019 et de la décision du 16 décembre 2019 portant retrait de délai de départ volontaire et assignation à résidence sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes du préfet des Vosges sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions de M. et Mme C... sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. I... C... et à Mme L... A... G..., épouse C....

Copie en sera adressée au préfet des Vosges

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2022.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V.Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. E...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

M. E...

2

Nos 20NC00339, 20NC00340


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00339
Date de la décision : 27/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : COCHE-MAINENTE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-09-27;20nc00339 ?
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