Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La communauté de communes de Saverne-Noirmoutier-Sommerau, devenue la communauté de communes du pays de Saverne a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la Société de développement et d'aménagement Moselle (SODEVAM), la SA Services Conseil Expertises Territoires (SCET), la société Octant Architecture, la SA Charpentes Menuiseries Bâtiments Préfabriqués (CMBP), la société Schoenenberger, la société Schreiner, la société Chauffage Jung, la société Imhoff et la société EGTS à lui verser une somme de 124 941,12 euros TTC en réparation des désordres affectant le centre nautique " l'Océanide " à Saverne et de mettre à la charge solidaire de ces sociétés une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1702325 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la société Octant Architecture à payer à la communauté de communes du pays de Saverne une somme totale de 33 803,59 € TTC ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, a mis à la charge de la communauté de communes une somme de 1 000 euros à verser, à chacune d'entre elles, à la société Imhoff, à la société Services Conseil Expertises Territoires (SCET) et à la société de développement et d'Aménagement Moselle (SODEVAM) et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 6 août 2019 et le 12 août 2022, la communauté de communes du pays de Saverne, représentée par Me Sonnenmoser, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 juin 2019 en tant que celui-ci a uniquement condamné la société Octant Architecture à lui verser la somme de 33 803,59 euros et a mis à sa charge des sommes à verser à la société Imhoff, à la société Services Conseil Expertises Territoires (SCET) et à la société de développement et d'Aménagement Moselle (SODEVAM) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de condamner in solidum la société Octant Architecture, la société SODEVAM et la société SCET à lui payer les sommes de 37 000 euros au titre des travaux de reprise des désordres affectant le local technique du centre nautique de Saverne ;
3°) de condamner in solidum la société Octant Architecture, la société SODEVAM, la société SCET, la société CMBP, la société Schreiner, la société Imhoff à lui payer la somme de 12 500 euros au titre des travaux de reprise du vitrage du centre nautique de Saverne ;
4°) de condamner in solidum la société Octant Architecture, la société SODEVAM, la société SCET, la société CMBP, la société Charles Schoenenberger, la société Imhoff à lui payer la somme de 52 700 euros au titre des travaux de reprise des désordres générés par les ponts thermiques et la condensation ;
5°) de condamner in solidum la société Octant Architecture, la société SODEVAM, la société SCET, la société CMBP, la société Charles Schoenenberger, la société Schreiner et la société Imhoff à lui payer la somme de 19 339,32 euros TTC correspondant aux frais de l'expertise judiciaire ;
6°) de condamner in solidum la société Octant Architecture, la société SODEVAM, la société SCET, la société CMBP, la société Charles Schoenenberger, la société Schreiner et la société Imhoff à lui payer la somme de 901,80 euros correspondant au coût du constat d'huissier de Me Rauner, huissier de justice à Saverne ;
7°) de condamner in solidum la société Octant Architecture, la société SODEVAM, la société SCET, la société CMBP, la société Charles Schoenenberger, la société Schreiner, la société Imhoff à lui payer chacune la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de se prononcer sur les désordres du hall, où est constaté un affaissement des faux plafonds ;
- en jugeant que les désordres affectant le centre nautique autres que ceux constatés dans le local technique ne présentent pas de caractère décennal, les premiers juges ont commis une erreur de droit :
* s'agissant des désordres affectant l'atelier technique : les infiltrations causées par l'absence, d'une part, d'un dispositif permettant de vidanger les canalisations et, d'autre part, de joints étanches, portent atteinte à la solidité de l'ouvrage et présentent de ce fait un caractère décennal ;
* s'agissant des désordres affectant le hall : les infiltrations d'eau dans les faux plafonds dans le hall d'entrée vont provoquer à terme son affaissement et rendent l'ouvrage impropre à sa destination ;
* s'agissant des désordres affectant le local des maîtres-nageurs sauveteurs : les infiltrations et oxydations autour de la baie vitrée et les défauts du revêtement peinture, causés par la condensation et des ponts thermiques, vont entraîner à terme la destruction totale du mur, lequel présente un trou en formation ;
* s'agissant des désordres affectant le local associatif et le vestiaire homme du personnel : les infiltrations entraineront à terme l'affaissement du faux plafond et portent donc atteinte à la solidité de l'ouvrage ;
* s'agissant des désordres affectant le double vitrage du hall du centre nautique où sont situés le bassin de natation et les bassins ludiques : il y a de la condensation à l'intérieur du double vitrage supprimant la vue sur les espaces verts entourant le centre nautique, ce qui rend l'ouvrage impropre à sa destination ;
* s'agissant des désordres affectant la croix de Saint-André ; son oxydation porte atteinte à sa fonction finale qui est décorative et présente donc un caractère décennal ;
* s'agissant des désordres affectant le niveau 1 du centre nautique où se trouve notamment l'espace bien-être ; les faux plafonds s'affaissent et se déchirent du fait de la condensation et de ponts thermiques proches des fenêtres et d'un mur nord mal isolé provoquant une saturation non maîtrisée ; à terme les faux-plafonds vont chuter et portent donc atteinte à la solidité de l'ouvrage ;
- les désordres affectant le local technique, résultant pour partie de défauts d'exécution des travaux, est également imputable aux sociétés SCET et SODEVAM qui ont perçu une rémunération tant pour la phase d'études que pour la phase travaux du centre nautique, au cours de laquelle elles étaient également chargées de la surveillance et de la bonne exécution des travaux ;
- elle est fondée à inclure dans son préjudice l'ensemble des désordres affectant le centre nautique pour un montant de 124 0941,12 euros ;
- les désordres autres que ceux affectant le local technique et qui présentent un caractère décennal sont imputables à :
* la société Octant Architecture, maître d'œuvre en raison de son absence de suivi et de vérification ;
* la société SCET et la société SODEVAM, conducteurs d'opération chargés de la surveillance des travaux ;
* la société Imhoff, titulaire du lot 8 " traitement de l'air, chauffage, désenfumage " en raison des défauts de ventilation ;
* la société Schreiner, titulaire du lot 4 " menuiseries intérieures et extérieures " en raison des désordres du double vitrage du hall du centre nautique ;
* la société EGTS, titulaire du lot 13 " étanchéité liquide " en raison des infiltrations et des défauts d'étanchéité dans le hall bassin et au niveau 1 espace bien-être ;
* la société CMBP, titulaire du lot 2 " charpente " en raison du défaut du coffrage dans le hall bassin ;
* la société Charles Schoenenberger, titulaire du lot 3 " couverture étanchéité bardage " en raison des infiltrations d'eau au niveau 1 espace bien-être ;
- elle n'a commis aucune faute dans l'entretien de l'ouvrage de nature à lui imputer une part de responsabilité dans la survenance des désordres ; elle a adressé trois dires à l'expert démontrant qu'elle entretenait régulièrement l'ouvrage conformément à la réglementation ;
- elle est fondée à solliciter leur condamnation in solidum des constructeurs de l'ouvrage qui ont commis des fautes communes concourant de manière indistincte à la réalisation d'un dommage indivisible.
Par deux mémoires enregistrés le 7 novembre 2019 et le 9 mars 2021, la société SCET (société services conseil expertises territoires), représentée par Me Lecomte, conclut :
1°) à titre principal, à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 juin 2019 en ce qu'il n'a prononcé à son encontre aucune condamnation et en ce qu'il a condamné la communauté de communes du pays de Saverne à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) à ce que la communauté de communes du pays de Saverne ou tout demandeur incident soient déboutés de leurs prétentions à son encontre ;
3°) à titre subsidiaire, à la condamnation in solidum des sociétés JAPAC, devenue la société Octant Architecture, SCPA Adam-Royer, Girus, IDA 76, ITAC, DH paysage, CMBP, Schoenenberger, Schreiner, Chauffage Yung, Imhoff, Geistel et EGTS ainsi que la communauté de communes du pays de Saverne à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son égard ;
4°) à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la communauté de communes du Pays de Saverne, ou à tout succombant, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le rapport d'expertise judiciaire n'impute aucune responsabilité au groupement de conduite d'opération ;
- la responsabilité d'un conducteur d'opération ne peut être engagée sur le fondement décennal que lorsque les missions qui lui ont été confiées l'impliquent dans la conduite des travaux :
* en l'espèce, sa mission n'était pas technique au regard de l'article 2 de l'acte d'engagement du 11 mai 2000 ;
* elle s'est uniquement vu confier une mission d'assistance générale à caractère administratif, financier et technique, exclusive de toute mission de maîtrise d'œuvre de réalisation de travaux ou de contrôle technique ;
- en tant qu'assistant à maître d'ouvrage, elle ne peut être assimilée aux constructeurs sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil ;
- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de sa mission de conducteur d'opération ;
- au cas où la cour retiendrait sa responsabilité, elle est fondée à appeler en garantie les intervenants à l'opération de construction à l'origine du désordre, à savoir les sociétés JAPA, SCPA Adam-Royer, Girus, IDA 76, ITAC, DH paysage, CMBP, Schoenenberger, Schreiner, Chauffage Yung, Imhoff, Geistel, EGTS et la communauté de communes du pays de Saverne.
Par des mémoires enregistrés les 12 décembre 2019, 8 février 2021 et 28 avril 2021, la société Schreiner menuiserie aluminium, représentée par Me Thiry, conclut :
1°) à titre principal, à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 juin 2019 en toutes ses dispositions ;
2°) à titre subsidiaire, si le jugement était reformé, de dire qu'aucune condamnation solidaire ne pourra être prononcée à son encontre ; qu'en tout état de cause, elle ne saurait excéder la somme de 12 500 euros ;
3°) à ce que la société SCET et la société Imhoff soient déboutées de leurs demandes en garantie formulées à son encontre ;
4°) à la condamnation de la communauté de communes du Pays de Saverne à payer les dépens ainsi que la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que :
- l'expert judiciaire a été induit en erreur : il n'y a aucun problème de buée dû à l'étanchéité du vitrage mais une agression de la surface extérieure du verre lui donnant un aspect rugueux au toucher et laissant des traces s'imprégner ; cela ne relève en aucun cas de la garantie décennale ; qu'il s'agit de tout au plus d'un désordre esthétique ;
- en tout état de cause, la présence de condensation dans ce type d'ouvrage ne présente pas de caractère décennal car elle n'entraîne aucune impropriété ni atteinte à la solidité de l'ouvrage ;
- la responsabilité du maître d'ouvrage doit être engagée pour défaut d'entretien courant des lieux ;
- à titre subsidiaire, si la cour réformait le jugement :
- sa responsabilité solidaire avec les autres intervenants au chantier ne pourrait être engagée et il appartient au juge de procéder à un partage des responsabilités ; la condamnation mise à sa charge ne pourra pas être supérieure à 12 500 euros, correspondant au coût des reprises des travaux de vitrage ;
- s'agissant des appels en garantie :
* l'appel en garantie de la société SCET formulée à son encontre est irrecevable et mal fondée : ce n'est qu'à hauteur de cour que cette société a formulé un tel recours ; sa demande était prescrite ; elle ne précise pas sur quel fondement elle serait tenue de la garantir d'une éventuelle condamnation ; en outre, elle ne démontre aucune faute ;
* l'appel en garantie formulée par la société Imhoff le 4 mars 2019 est irrecevable et mal fondée : sa demande était prescrite au regard de la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil qui a commencé à courir le 24 septembre 2010, date de la requête en référé expertise de la communauté de communes ;
Par des mémoires enregistrés le 13 décembre 2019 et le 29 mars 2021, la société Imhoff, représentée par la SCP la Discorde, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête d'appel de la communauté de communes du pays de Saverne en tant qu'elle est dirigée à son encontre;
2°) à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 juin 2019 en ce qu'il l'a mise hors de cause ;
3°) au rejet de l'intégralité des demandes formées par la communauté de communes du pays de Saverne et par toute autre partie à l'instance en tant qu'elles sont dirigées à son encontre ;
4°) à titre subsidiaire, si elle devait être condamnée, à ce que :
- les montants sollicités par la communauté de communes du pays de Saverne soient limités à de plus justes proportions et à ce qu'ils soient limités à au moins 40 % eu égard au défaut d'entretien des installations de la part de celle-ci ;
- la société SOVEDAM, SCET, Octant Architecture, Charpente Menuiserie Bâtiments préfabriqués (CMBP), Charles Schoenenberger, Gestion immobilière Schreiner et EGTS soient condamnées in solidum à la garantir de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;
5°) à ce qu'il soit mis à la charge de la communauté de communes du pays de Saverne la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa responsabilité décennale ne peut être engagée ; le seul désordre susceptible de lui être imputable est celui du défaut de ventilation et extraction provoquant de fait des condensats sur les murs et vitrages ;
- toutefois un tel désordre n'est pas de nature à porter atteinte à la solidité, ni à le rendre impropre à sa destination ; un centre nautique est soumis à une température élevée et à un taux d'humidité important ;
- à titre subsidiaire, si la cour devait infirmer le jugement et entrer en voie de condamnation à son encontre : la responsabilité du maître d'ouvrage devrait être engagée en raison d'un défaut d'entretien qui ne pourra être inférieure à 40 % et ses appels en garantie jugés recevables et bien-fondés.
Par un mémoire enregistré le 29 mars 2021, la société Sotravest, représentée par la SCP la Discorde, conclut :
1°) à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 juin 2019 qui l'a mise hors de cause ;
2°) au rejet des demandes formées par la société Octant Architecture à son encontre ;
3°) au rejet de l'appel en garantie formé par la société Octant Architecture à son encontre ;
4°) à ce qu'il soit mis à la charge de la société Octant Architecture la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la communauté de communes n'a jamais formulé la moindre demande à son encontre, ce qui démontre bien que la maître d'ouvrage est lui-même conscient de l'absence totale de sa responsabilité ; seule la société Octant Architecture l'a mise en cause ;
- la société Octant Architecture, qui l'appelle en garantie, ne précise aucunement quelle serait sa faute ;
- l'expert judiciaire l'a mise hors de cause et n'a constaté aucun désordre particulier du lot gros œuvre.
Par des mémoires enregistrés le 7 décembre 2020 et le 29 août 2022, la société Octant Architecture, anciennement JAPAC, représentée par Me André du cabinet Monheit-Andre-Mai, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête de la communauté de communes du pays de Saverne en ce qu'elle est dirigée à son encontre;
2°) à l'infirmation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 juin 2019 en ce qu'il a retenu sa responsabilité décennale et l'a condamnée à verser à la communauté de communes du pays de Saverne la somme 33 803,59 euros au titre des travaux de reprise et des frais d'expertise et 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) au rejet de l'ensemble des prétentions de la communauté de communes du Pays de Saverne à son encontre ;
4°) à ce qu'il soit mis à la charge de la communauté de communes du pays de Saverne la somme de 3 000 à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers frais et dépens ;
5°) à titre subsidiaire, en cas de condamnation :
- à la réduction des montants sollicités par la communauté de communes du pays de Saverne d'au moins 50 % eu égard au défaut d'entretien des installations relevés par l'expert judiciaire ;
- à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les appels en garantie qu'elle avait formés ;
- au rejet des appels en garantie formés à son encontre ;
- à ce que les sociétés SODEVAM, SCET, CMBP, Charles Schoenenberger, Gestion immobilière Schreiner, Chauffage Jung, Imhoff, EGTS, Adam et Royer, Schrepfer (représentée par son liquidateur), SOTRAVEST, Girus (représentée par son liquidateur), la garantissent de toute condamnation prononcée à son encontre, en principal, intérêts, frais, dépens et frais de procès sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- à ce qu'il soit mis à leur charge, in solidum, la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
en ce qui concerne les désordres :
- les désordres invoqués par la communauté de communes ne présentent pas de caractère décennal ; aucun désordre ne porte atteinte à la destination de l'ouvrage ou à sa solidité ;
- 17 ans après leur réception, les désordres allégués n'ont jamais empêché l'exploitation normale de la piscine ;
- sa responsabilité décennale ne saurait donc être engagée ;
- le groupement de maîtrise d'œuvre était conjoint de sorte qu'elle ne pouvait pas être condamnée pour les fautes commises par les autres membres du groupement ;
* elle n'a commis aucune faute en lien avec les désordres dans le cadre de la mission qui lui a été confiée ;
* c'est la société Adam et Royer, architecte d'opération, qui était responsable de toute la phase DET comme cela ressort de l'annexe 2 de l'acte d'engagement de la maîtrise d'œuvre et chargée de l'assistance au maître d'ouvrage pour les opérations de réception ;
- à titre subsidiaire, si la cour t devait toutefois retenir le caractère décennal des désordres :
* les désordres affectant le local technique ne lui sont pas imputables : l'expert a mis en exergue un entretien courant insuffisant de la part du maître d'ouvrage, la responsabilité de l'entreprise de chauffage Yung, les sociétés Imhoff et EGTS ainsi qu'une éventuelle responsabilité du maître d'œuvre qui ressortait de la compétence de la société Adam et Royer en charge du contrôle général des travaux et l'assistance aux opérations de réception ;
* les désordres affectant l'atelier technique ne lui sont pas imputables : elle n'était pas en charge des lots fluides imputés au BET Girus ni de l'assistance aux opérations de réception qui relevait de la société Adam et Royer ;
* les désordres affectant les bassins, le local associatif, les vestiaires hommes ne lui sont pas imputables ;
* il n'y a aucun désordre affectant la croix Saint André ;
* les désordres affectant le niveau 1 ne lui sont pas imputables : c'est le défaut d'entretien courant et le défaut de maîtrise de la ventilation des locaux qui est source de condensation et d'humidité ;
- à titre infiniment subsidiaire, si la cour devait la condamner :
* le maître d'ouvrage est responsable en raison des nombreux défauts d'entretien, de sorte qu'il y a lieu de réduire à hauteur de 50 % les montants sollicités par la communauté de communes ;
en ce qui concerne les conclusions d'appel en garantie :
* le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur l'appel en garantie formé à l'encontre des sociétés SOTRAVEST, SODEVAM et SCET ;
* son appel en garantie sur le fondement quasi-délictuel à l'encontre des sociétés CMBP, SCHREINER, Imhoff, EGTS, Schoenenberger, SCHREIPFER et SOTRAVEST est justifié ;
* son appel en garantie sur le fondement contractuel, subsidiairement délictuel formé à l'encontre des sociétés Adam et Royer et BET Girus est justifié ;
* son appel en garantie sur le fondement quasi-délictuel formé à l'encontre des sociétés SODEVAM et SCET est justifié en l'absence de lien contractuel ;
* au regard de tous ses développements, les appels en garantie dirigés à son encontre doivent être rejetés.
Les parties ont été informées le 30 août 2022, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens d'ordre public suivants :
- irrecevabilité du moyen invoqué par la communauté de communes de Saverne portant sur la régularité du jugement, s'agissant d'un moyen présenté pour la première fois, après l'expiration du délai d'appel.
- irrecevabilité des conclusions d'appel provoqué présentées par la société Octant Architecture dont la situation ne serait pas aggravée en cas de rejet, par la cour, de l'appel principal présenté par la communauté de communes du pays de Saverne.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
- et les observations de Me Sonnenmoser représentant la communauté de communes du pays de Saverne, celles de Me Zavaro, substituant Me Lecomte et représentant la société SCET et celles de Me Thiry, représentant la société Schreiner menuiserie aluminium.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté de communes de Saverne-Noirmoutier-Sommerau, devenue la communauté de communes du pays de Saverne, a décidé la construction d'un centre nautique " l'Océanide " à Saverne. Une mission de conduite d'opération a été attribuée à la société de développement et d'aménagement Nord-Lorraine (SODEVAM), avec pour cotraitant la société Services Conseil Expertises Territoires (SCET). Un marché de maîtrise d'œuvre a été attribué à un groupement conjoint composé de la société Japac, devenue société Octant Architecture, de la société Adam et Royer, et du bureau d'études Girus. Les travaux ont été confiés, notamment, aux sociétés charpente menuiserie bâtiments préfabriqués (CMBP) (lot n° 2 charpentes), Charles Schoenenberger (lot n° 3 couverture étanchéité bardage), Schreiner (lot n° 4 menuiseries), Chauffage Jung (lot n° 6 plomberie-sanitaire), Imhoff (lot n° 8 traitement d'air chauffage désenfumage), Robert Geistel (lot n° 12 plafonds suspendus) et EGTS (lot n° 13, étanchéité liquide). A la suite de l'apparition d'infiltrations d'eau, la communauté de communes du pays de Saverne a demandé, le 24 septembre 2010 au moyen d'un référé expertise, la désignation d'un expert judiciaire. La communauté de communes du pays de Saverne a saisi le tribunal administratif de Strasbourg de conclusions tendant à la condamnation solidaire des sociétés mentionnées ci-dessus à lui verser une somme globale de 124 041,12 euros TTC en réparation des désordres affectant l'Océanide. Par un jugement du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la seule société Octant Architecture à payer à la communauté de communes du pays de Saverne une somme totale de 33 803,59 € TTC ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a mis à la charge de la communauté de communes une somme de 1 000 euros à verser, à chacune d'entre elles, à la société Imhoff, à la SCET et à la SODEVAM et a rejeté le surplus des conclusions des parties. La communauté de communes du pays de Saverne relève appel de ce jugement et sollicite le versement d'une somme globale de 102 200 euros en réparation des désordres affectant le centre nautique L'Océanie à Saverne, d'une somme de 19 339,32 euros TTC correspondant aux frais et honoraires de l'expertise judiciaire et une somme de 901,80 euros correspondant au constat d'huissier. La société Octant Architecture, sollicite, par la voie de l'appel incident, l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser une somme de 33 803,59 euros à la communauté de communes du pays de Saverne au titre des travaux de reprise du local technique et des frais d'expertise.
Sur la régularité du jugement :
2. Si la communauté de communes du pays de Saverne fait valoir dans son mémoire, enregistré le 12 août 2022, que les premiers juges avaient omis de se prononcer sur les désordres du hall, ce moyen, tiré de l'irrégularité du jugement et qui n'est pas d'ordre public, a été soulevé pour la première fois après l'expiration du délai d'appel et est par suite irrecevable.
Sur la responsabilité décennale des constructeurs :
En ce qui concerne le caractère décennal des désordres :
3. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La responsabilité décennale du constructeur peut être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination.
S'agissant du désordre affectant le local technique :
4. Il résulte de l'instruction et en particulier du rapport de l'expert judiciaire que les désordres affectant le local technique consistent en une oxydation avancée de la tuyauterie, résultant d'infiltrations et de ruissellement en raison de défauts d'étanchéité de l'installation. Ces insuffisances des raccords et la présence de joints de canalisation non étanches conduisent notamment à des écoulements au goutte à goutte sur les vannes et les tableaux électriques. Ce désordre est susceptible de provoquer des dégâts pouvant affecter le système de traitement des eaux ainsi que le tableau électrique et faire obstacle au fonctionnement de l'ouvrage dans son ensemble, le rendant impropre à sa destination. Par suite, contrairement à ce que soutient la société Octant Architecture, ce désordre revêt un caractère décennal.
S'agissant du désordre affectant l'atelier technique :
5. L'expert a uniquement constaté des infiltrations et des taches au niveau du siphon dalle haute. Ces désordres affectant l'atelier technique n'affectent pas la solidité de l'ouvrage, ni ne le rendent impropre à sa destination. Par ailleurs, le caractère certain que ces désordres finiront à terme par rendre l'ouvrage impropre à sa destination n'est pas suffisamment établi par la communauté de communes du pays de Saverne. Dans ces conditions et en l'absence d'autres éléments, les désordres affectant l'atelier technique ne peuvent être regardés comme présentant un caractère décennal.
S'agissant du désordre du hall d'accueil :
6. Si l'expert a constaté des infiltrations dans les faux plafonds ainsi que des condensats sur les vitrages hauts et l'effritement de la boîte en bois recouvrant des canalisations, gorgées d'humidité, il ne résulte pas de l'instruction que ces désordres, qui n'affectent pas la solidité de l'ouvrage seraient de nature, dans un délai prévisible, à le rendre dans son ensemble impropre à sa destination. Dans ces conditions, ces désordres ne peuvent être regardés comme présentant un caractère décennal.
S'agissant des désordres affectant le local des maîtres-nageurs sauveteurs :
7. Si ce local connaît également des infiltrations d'eau ainsi que des oxydations autour de la baie vitrée et des défauts de revêtement peinture, il ne résulte pas de l'instruction que ces désordres seraient de nature à affecter la solidité de l'ouvrage ni à le rendre, dans un délai prévisible, impropre à sa destination.
S'agissant des désordres affectant le double vitrage du hall du centre nautique :
8. L'expert a constaté des défauts sur le vitrage le long du grand bassin vers l'extérieur. La condensation qui se forme occulte en partie la vue sur les espaces verts du centre nautique. Toutefois, ce désordre concerne un élément d'équipement dissociable de l'ouvrage et ne le rend pas impropre à sa destination.
S'agissant des désordres affectant le local associatif, le vestiaire homme du personnel et le niveau 1 du centre nautique où se trouve l'espace bien-être :
9. Les désordres consistent en un affaissement du faux-plafond, des déchirures autour des luminaires dans l'espace bien-être, des taches d'infiltration dans le local associatif et le vestiaire homme. Ces traces d'infiltrations sur la dalle du faux plafond résultent en particulier de condensats et d'une humidité non maîtrisée. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ces éléments d'équipement, en raison de leur dissociabilité, affecteraient la solidité de l'ouvrage et seraient, dans un délai prévisible, de nature à rendre l'ouvrage lui-même, impropre à sa destination. Dans ces conditions, ces désordres ne peuvent être regardés comme présentant un caractère décennal
S'agissant des désordres affectant la croix de Saint-André :
10. La corrosion, qui affecte la croix, résulte de la qualité de l'inox utilisé et de l'ambiance particulière de l'environnement, qui peut être traitée par un entretien particulier. Ce désordre purement esthétique ne présente pas de caractère décennal.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes du pays de Saverne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a uniquement reconnu comme relevant de la garantie décennale les désordres affectant le local technique.
En ce qui concerne l'imputabilité :
12. Le constructeur dont la responsabilité décennale est recherchée ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelle que manière imputables.
13. En premier lieu, il résulte de l'instruction et plus particulièrement du rapport d'expertise que les désordres affectant le local technique consistent en des malfaçons généralisées. La pose et l'assemblage des tuyauteries ont mal été exécutés et les joints présentent des défauts ou sont absents. L'expert a relevé un défaut de contrôle de la part de la maîtrise d'œuvre lors de l'exécution de ces travaux " grossiers " qui a contribué à la survenance des désordres.
14. Il résulte de l'instruction et plus particulièrement de l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'œuvre et de ses annexes que la société Octant Architecture, membre du groupement conjoint de maîtrise d'œuvre, était notamment en charge d'une mission de direction de l'exécution des travaux (DET), comprenant la surveillance de leur exécution. Par suite, les désordres affectant le local technique et qui résultent notamment de défauts de raccords grossiers de la tuyauterie sont imputables à la société Octant Architecture au regard de sa mission DET.
15. En second lieu, la SODEVAM et la SCET se sont vus confier par la communauté de communes du pays de Saverne une mission de conducteurs d'opérations prévue par l'article 6 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, qui consiste en une mission d'assistance générale à caractère administratif, financier et technique et qui est incompatible notamment avec toute mission de maîtrise d'œuvre et de réalisation des travaux. Au regard de la mission d'assistance ainsi définie et des éléments de missions précisés dans l'acte d'engagement produit au dossier, les désordres relatifs au local technique ne relèvent aucunement du périmètre d'intervention contractuelle des deux sociétés. Ces désordres ne peuvent, par suite, être regardés comme leur étant imputables. La requérante n'est par suite pas fondée à rechercher leur responsabilité.
En ce qui concerne la faute du maître d'ouvrage :
16. Il résulte du rapport d'expertise que compte tenu du milieu corrosif, l'entretien courant se trouvait plus contraignant et nécessitait notamment un remplacement systématique et régulier des joints et resserrage des colliers. La communauté de communes se borne à soutenir qu'elle a procédé à cet entretien par un changement des filtres, mais elle n'apporte aucun élément quant à l'entretien relatif aux joints et colliers. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu à l'encontre du maître d'ouvrage une faute de nature à exonérer la société Octant Architecture à hauteur de 40 % de sa responsabilité.
En ce qui concerne le préjudice :
17. Le constat fait le 27 novembre 2019 par un huissier mandaté par la communauté de communes du pays de Saverne n'a pas été utile au règlement du présent litige. Il n'y a en conséquence pas lieu d'intégrer son coût au montant de l'indemnité retenue par les premiers juges, non contesté en appel, due par la société Octant Architecture, dont la seule responsabilité est retenue pour un seul des désordres invoqués.
En concerne les dépens :
18. Il n'y a pas lieu de modifier la charge des dépens retenue par les premiers juges répartis entre la communauté de communes du pays de Saverne et la société Octant Architecture à hauteur respective de 40 % et 60 %.
19. Il résulte de tout ce qui précède que ni la communauté de communes du pays de Saverne, par la voie de l'appel principal, ni la société Octant Architecture, par la voie de l'appel incident, ne sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a uniquement condamné cette dernière à verser à la requérante une somme totale de 33 803,59 euros TTC (22 220 euros au titre des désordres affectant le local technique + 11 603,59 euros au titre des dépens).
Sur les conclusions d'appels en garantie de la société Octant Architecture :
20. En l'absence d'aggravation de la situation de la société Octant Architecture par la solution donnée à l'appel principal de la communauté de communes du pays de Saverne, lequel est rejeté, ses appels en garantie dirigés contre les autres constructeurs, conclusions d'appel provoqué, sont irrecevables et doivent être par suite rejetés.
Sur les frais d'instance :
21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la communauté de communes du pays de Saverne est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes du pays de Saverne, à la société Octant Architecture, à la société de développement et d'aménagement de la Moselle (SODEVAM), à la société services conseil expertises territoires (SCET), à la société charpente menuiserie bâtiments préfabriqués (CMBP), à la société Charles Schoenenberger, à la société Schreiner menuiserie aluminium, à la société Imhoff, à la société EGTS (Me Fabien Voinot liquidateur judiciaire), à la société Sotravest, à la société Chauffage Yung (Me Windenberger-Jenner liquidateur judiciaire ) à la société Royer, à la société Girus (Alliance MJ liquidateur judiciaire) et à la société Schrepfer (Me Jean-Denis Mauhin liquidateur judiciaire).
Copie sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2022.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : M. A...
La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
M. A...
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N° 19NC02551