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27/09/2022 | FRANCE | N°19NC02547

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 27 septembre 2022, 19NC02547


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 22 juin 2017 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier du Bas-Rhin a rejeté sa réclamation relative au remembrement de terres situées dans la commune de Dossenheim-sur-Zinsel.

Par un jugement nos 1706117 et 1706119 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 août 2019

et le 18 août 2022, M. D..., représenté par Me Verdin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 22 juin 2017 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier du Bas-Rhin a rejeté sa réclamation relative au remembrement de terres situées dans la commune de Dossenheim-sur-Zinsel.

Par un jugement nos 1706117 et 1706119 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 août 2019 et le 18 août 2022, M. D..., représenté par Me Verdin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement nos 1706117, 1706119 du 6 juin 2019 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du Bas-Rhin du 22 juin 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la collectivité européenne d'Alsace, venant aux droits du conseil départemental du Bas-Rhin, une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

sur la régularité du jugement :

- les premiers juges ont méconnu leur office car ils n'ont pas répondu au moyen selon lequel la commission départementale d'aménagement foncier (CDAF) du Bas-Rhin ne pouvait légalement, au regard des motifs indiqués dans la décision litigieuse du 22 juin 2017, rejeter sa demande de dérogation ;

sur le bien-fondé du jugement :

- la décision de la CDAF est entachée d'un vice de procédure compte tenu de la méconnaissance des règles de quorum de l'article R. 121-4 du code rural et de la pêche maritime ;

- la CDAF a entaché sa décision d'une erreur de droit au regard des articles L. 123-1 et L. 123-4 du code rural et de la pêche maritime car elle n'a pas examiné la possibilité de déroger au principe d'équivalence de culture en cas d'accord exprès de l'exploitant :

. il était prêt à renoncer au respect de la règle de l'équivalence par nature de culture en contrepartie d'une attribution principale de prés pour avoir un regroupement parcellaire autour de son siège au lieudit Saueberg ;

. elle ne pouvait pas motiver son refus par la position de celui-ci dans le contentieux qui l'oppose à l'Etat dans le cadre du remembrement de la commune de Neuwiller les Saverne ;

. elle ne pouvait se prévaloir du refus d'un autre propriétaire de voir son exploitation démembrée ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 123-4 du code précité car la règle de l'équivalence globale n'a pas été respectée : la valeur en points de son compte n° 620 est passée de 57 290 points à 14 686 points ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 123-1 du code précité : les conditions de son exploitation se sont aggravées car plusieurs de ses parcelles ont été déplacées vers le sud du ban communal et ainsi éloignées de son siège d'exploitation.

Par des mémoires, enregistrés le 16 avril 2021 et le 30 août 2022, la collectivité européenne d'Alsace, venant aux droits du conseil départemental du Bas-Rhin, représentée par Me Dangel, conclut au rejet de la requête et à ce que M. D... soit condamné à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés ou sont irrecevables ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de la seconde dérogation prévue à l'article L. 123-4 du code rural et de la pêche maritime est inopérant ;

- la demande de dérogation de M. D... n'est intervenue que la veille de la délibération de la CDAF ;

- il n'a jamais réclamé devant la CDAF un rapprochement des parcelles exploitées.

Les parties ont été informées le 30 août 2022, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens d'ordre public suivants :

- irrecevabilité du moyen invoqué par M. D... portant sur la régularité du jugement, s'agissant d'un moyen présenté pour la première fois, après l'expiration du délai d'appel ;

- irrecevabilité du moyen tiré de ce que les conditions de son exploitation se sont aggravées en raison de l'allongement des distances entre ses parcelles et le siège de son exploitation qui n'a pas été préalablement soumis et débattu lors de la commission départementale d'aménagement foncier.

Par un mémoire enregistré le 2 septembre 2022, non communiqué, M. D... a présenté des observations aux moyens d'ordre public.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Herrman, représentant M. D... et les observations de Me Marcantoni, représentant la collectivité européenne d'Alsace.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... est propriétaire en biens propres et en indivision avec M. C... D... de parcelles situées sur le ban communal de Dossenheim-sur-Zinsel. Par une décision du 23 novembre 2016, la commission communale d'aménagement foncier de Dossenheim-sur-Zinsel a procédé à des opérations de remembrement concernant les parcelles de M. D.... Ce dernier a formé une réclamation contre cette décision le 12 janvier 2017 qui a été rejetée par une décision de la commission départementale d'aménagement foncier (CDAF) du Bas-Rhin du 22 juin 2017. M. D... relève appel du jugement du 6 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 juin 2017.

Sur la régularité du jugement :

2. M. D... a présenté le 18 août 2022, soit après l'expiration du délai d'appel, un moyen qui n'est pas d'ordre public, portant sur la régularité du jugement attaqué. Ce moyen, tiré de ce que les juges de première instance auraient omis de répondre au moyen selon lequel la CDAF ne pouvait légalement, au regard des motifs indiqués dans la décision litigieuse, rejeter sa demande de dérogation, constitue une demande nouvelle, irrecevable car tardive. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.

Sur la légalité de la décision du 22 juin 2017 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 121-10 du code rural et de la pêche maritime : " La commission départementale (...) délibère dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article R. 121-4. " Aux termes de l'article R. 121-4 du même code : " La commission communale (...) ne peut valablement délibérer que lorsque la moitié au moins de ses membres dont le président ou le président suppléant sont présents (...) ".

4. Il ressort de la liste d'émargement de la réunion de cette commission du 22 juin 2017, laquelle doit être regardée comme attestant de la présence effective de ses signataires, sauf preuve contraire, que 19 membres étaient présents sur un effectif total théorique de 30 membres selon l'arrêté du 31 mars 2017 par lequel le président du conseil départemental du Bas-Rhin a désigné les membres de la commission départementale d'aménagement foncier. La seule circonstance que le département du Bas-Rhin n'a pas contesté les faits relatifs au respect de la règle du quorum dans le courriel par lequel il a transmis au conseil du requérant et sur sa demande l'arrêté du 31 mars 2017 ainsi que la liste d'émargement, ne saurait être regardée comme une reconnaissance d'un manquement à la règle du quorum. Le moyen tiré de ce que le quorum n'était pas atteint manque donc en fait. Par ailleurs, il ne résulte pas des dispositions précitées, dans leur version à la date de la décision attaquée, que la CDAF ne pouvait pas valablement délibérer en présence d'un seul propriétaire bailleur. Le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 123-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'aménagement foncier agricole et forestier, applicable aux propriétés rurales non bâties, se fait au moyen d'une nouvelle distribution des parcelles morcelées et dispersées. Il a principalement pour but, par la constitution d'exploitations rurales d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées, d'améliorer l'exploitation agricole des biens qui y sont soumis. Il doit également avoir pour objet l'aménagement rural du périmètre dans lequel il est mis en œuvre ". Aux termes de l'article L. 123-4 du même code : " Chaque propriétaire doit recevoir, par la nouvelle distribution, une superficie globale équivalente, en valeur de productivité réelle, à celle des terrains qu'il a apportés, déduction faite de la surface nécessaire aux ouvrages collectifs mentionnés à l'article L. 123-8 et compte tenu des servitudes maintenues ou créées (...) Sauf accord exprès des intéressés, l'équivalence en valeur de productivité réelle doit, en outre, être assurée par la commission communale dans chacune des natures de culture qu'elle aura déterminées. Il peut toutefois être dérogé, dans les limites qu'aura fixées la commission départementale pour chaque région agricole du département, à l'obligation d'assurer l'équivalence par nature de culture (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que dans sa réclamation portée devant la CDAF, M. D... a sollicité un regroupement parcellaire autour de son lieu d'exploitation au lieudit " Sauerberg " et, dans un courrier du 21 juin 2017, qu'il était prêt à renoncer à la règle de l'équivalence par nature de culture en contrepartie d'une attribution principale de prés. Pour rejeter cette demande, la CDAF s'est notamment fondée sur le refus catégorique d'une exploitante agricole de voir son exploitation démembrée par la demande de M. D... compte tenu de l'intérêt de l'activité particulière de l'exploitation de vaches allaitantes de cette dernière et sur le fait que la position nouvelle du requérant relative à l'équilibre en nature de culture est en contradiction flagrante de la position qu'il développe dans le contentieux qui l'oppose à l'Etat dans le cadre du remembrement de la commune de Neuwiller les Saverne.

7. D'une part, il résulte de l'article L. 123-4 précité que la première dérogation possible à la règle de l'équivalence de productivité réelle par nature de culture suppose le consentement de l'ensemble des parties intéressées. En l'espèce, la décision de la CDAF fait bien mention d'un désaccord d'une partie dont il n'est pas contesté qu'elle était intéressée. Ce motif était, à lui seul, de nature à justifier le rejet de la demande de dérogation du requérant sur ce fondement. En conséquence, la circonstance qu'elle se soit également fondée sur la position du requérant dans un autre contentieux, motif qui n'est pas au nombre de ceux qui peuvent justifier le rejet de la demande de dérogation, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

8. D'autre part, si cet article prévoit également une seconde dérogation possible à la règle de l'équivalence de productivité réelle par nature de culture, il ne s'agit que d'une possibilité offerte à la CDAF, laquelle doit prendre une décision expresse en ce sens et par laquelle elle peut ainsi unilatéralement imposer aux propriétaires cette dérogation dans les limites fixées par la commission départementale. Il ne résulte pas de l'instruction que la CDAF ait entendu faire usage d'une telle prérogative.

9. Il en résulte que les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 123-1 et L. 123-4 du code rural et de la pêche maritime doivent donc être écartés.

10. En troisième lieu, les dispositions de l'article L. 123-4 du code rural et de la pêche maritime ne garantissent aux propriétaires ni une égalité absolue entre la surface qui leur est attribuée et celle de leurs apports, ni une équivalence parcelle par parcelle ou classe par classe entre ces terres. Les commissions d'aménagement foncier sont seulement tenues d'attribuer des lots équivalents en valeur de productivité réelle aux apports de chaque propriétaire après déduction de la surface nécessaire aux ouvrages collectifs. La règle de l'équivalence entre les apports et les attributions s'apprécie non parcelle par parcelle mais pour l'ensemble d'un compte de propriété. De légères modifications dans la répartition des terres par nature de cultures ou en fonction de la valeur culturale ne remettent pas en cause la règle de l'équivalence dès lors qu'elles n'ont entraîné aucun déséquilibre grave dans les conditions d'exploitation.

11. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'extrait du compte n° 620 qu'après la décision de la commission départementale d'aménagement foncier le requérant a reçu 687 ares et 45 centiares valant 56 990 points en échange d'apports réduits de 686 ares et 96 centiares d'une valeur de 57 290 points, soit des écarts de valeur de 0,07 % en surface et 0,52 % en points. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les opérations de remembrement ont entraîné pour les conditions d'exploitation du requérant un grave déséquilibre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 123-4 du code rural et de la pêche maritime doit être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 123-1 du code rural et de la pêche maritime " (...) Sauf accord des propriétaires et exploitants intéressés, le nouveau lotissement ne peut allonger la distance moyenne des terres au centre d'exploitation principale, si ce n'est dans la mesure nécessaire au regroupement parcellaire ". Pour l'application de ces dispositions, l'aggravation éventuelle des conditions d'exploitation s'apprécie pour l'ensemble d'un compte de propriété et non parcelle par parcelle.

13. Il ressort des pièces du dossier et notamment du tableau des distances moyennes pondérées produit par la collectivité que la distance moyenne séparant les terres exploitées par M. D..., dont le centre d'exploitation est situé au lieudit " Sauerberg " est passée de 1 410 mètres à 1 149 mètres pour le compte n° 620. Si le requérant soutient que ce calcul a été effectué " à vol d'oiseau ", qu'aucun plan de géomètre ne fonde ce calcul et qu'il y a lieu de prendre en compte la distance entre le centre d'exploitation et le point auquel il est possible d'accéder à cette parcelle, il ne produit aucun élément de nature à établir que les opérations de remembrement en litige ont aggravé ses conditions d'exploitation. Par suite, ce moyen, sans qu'il soit besoin d'examiner sa recevabilité, ne peut qu'être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la collectivité européenne d'Alsace, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme demandée par la collectivité européenne d'Alsace au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la collectivité européen d'Alsace présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la collectivité européenne d'Alsace.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Sansom-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2022.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. B...

La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin en qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. B...

2

N° 19NC02547


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02547
Date de la décision : 27/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SELARL DÔME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-09-27;19nc02547 ?
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