Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les décisions par lesquelles le préfet de Meurthe-et-Moselle a implicitement refusé de lui délivrer un récépissé assorti d'une autorisation de travail à la suite de la présentation de sa demande de titre de séjour et l'arrêté du 21 juin 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2102786 du 28 décembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a annulé les refus de délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour assorti d'une autorisation de travail et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 mars et 15 juin 2022, M. C... B..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 décembre 2021 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) d'annuler cet arrêté du 21 juin 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " travailleur temporaire " ou " salarié ", subsidiairement de réexaminer sa situation, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et, dans l'attente, de lui délivrer immédiatement un récépissé de demande de titre de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit en écartant le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté en litige et faute de s'appuyer sur le droit malien applicable ;
- le jugement est entaché d'une contrariété de motifs en s'appuyant exclusivement sur les avis de la police aux frontières tout en considérant qu'il ne s'agit pas d'expertise judiciaire ;
- le jugement est entaché d'une erreur de fait, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit en n'ayant pas censuré le moyen tiré de l'absence d'examen d'ensemble de sa situation ;
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;
- le préfet a commis une erreur de droit, un défaut d'examen, et une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il remplit toutes les conditions ;
- la décision méconnait le principe de sécurité juridique et du droit à l'identité garanti par les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu les articles 3 et 8 de la convention internationale des droits de l'enfant ainsi que les articles 16 et 17 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
- le préfet a commis une erreur de droit, une erreur de fait, et une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 453-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas fait application de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière ;
- le préfet a commis une erreur de droit, un défaut d'examen sérieux et une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de séjour porte atteinte à son droit à une vie privée et familiale normale et méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008, dès lors que le préfet s'est cru en situation de compétence liée pour l'éloigner du territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences manifestement excessives qu'elle a sur sa situation au regard du but poursuivi.
Par un mémoire enregistré le 24 juin 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 février 2022.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., se disant né en 2002 et de nationalité malienne, serait entré irrégulièrement en France le 26 septembre 2018 selon ses déclarations. Il a été confié à l'aide sociale à l'enfance de Meurthe-et-Moselle le 29 novembre 2018. Le 2 septembre 2020, il a sollicité son admission au séjour en application des articles L. 423-22, L. 423-23, L. 435-1 et L. 453-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 21 juin 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 28 décembre 2021 en tant que le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 21 juin 2021.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à tous les arguments des requérants ont répondu, de manière suffisamment motivée à l'ensemble des moyens contenus dans les écritures produites par le requérant.
4. En deuxième lieu, s'il est soutenu que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs, une telle circonstance a trait au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges et est sans incidence sur la régularité du jugement contesté.
5. En dernier lieu, M. B... soutient que le jugement serait entaché d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation. Ces critiques du jugement relèvent de son bien-fondé et non de sa régularité.
6. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de séjour :
7. En premier lieu, M. B... reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par les premiers juges, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et du défaut d'examen sérieux de sa situation. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Nancy dans son jugement du 28 décembre 2021.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française. ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. ". L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Aux termes du II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : " Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. / La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu / Un décret en Conseil d'Etat précise les actes publics concernés par le présent II et fixe les modalités de la légalisation. " Aux termes de l'article 1er du décret du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère, applicable aux légalisations intervenues à compter du 1er janvier 2021 : " Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France ou devant un ambassadeur ou chef de poste consulaire français doit être légalisé pour y produire effet. La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. Elle donne lieu à l'apposition d'un cachet dont les caractéristiques sont définies par arrêté conjoint des ministres chargés de la justice et des affaires étrangères ".
9. D'une part, lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, le préfet ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
10. D'autre part, il résulte de ces dispositions que, lorsqu'est produit devant l'administration un acte d'état civil émanant d'une autorité étrangère qui a fait l'objet d'une légalisation, sont en principe attestées la véracité de la signature apposée sur cet acte, la qualité de celui qui l'a dressé et l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. En cas de doute sur la véracité de la signature, sur l'identité du timbre ou sur la qualité du signataire de la légalisation, il appartient à l'autorité administrative de procéder, sous le contrôle du juge, à toutes vérifications utiles pour s'assurer de la réalité et de l'authenticité de la légalisation. En outre, la légalisation se bornant à attester de la régularité formelle d'un acte, la force probante de celui-ci peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. Par suite, en cas de contestation de la valeur probante d'un acte d'état civil légalisé établi à l'étranger, il revient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. la condition que l'acte d'état civil étranger soumis à l'obligation de légalisation et produit à titre de preuve devant l'autorité administrative ou devant le juge présente des garanties suffisantes d'authenticité, l'absence ou l'irrégularité de sa légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu'il contient. En particulier, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'admission au séjour, il appartient à l'autorité administrative d'y répondre, sous le contrôle du juge, au vu de tous les éléments disponibles, dont les évaluations des services départementaux et les mesures d'assistance éducative prononcées, le cas échéant, par le juge judiciaire, sans exclure, au motif qu'ils ne seraient pas légalisés dans les formes requises, les actes d'état civil étrangers justifiant de l'identité et de l'âge du demandeur.
11. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. B..., le préfet de Meurthe-et-Moselle a notamment opposé à l'intéressé le motif tiré de ce qu'il ne justifiait pas avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et celui de dix-huit ans. Le préfet s'est notamment fondé sur les rapports des 13 février 2019, 16 décembre 2020 et 22 février 2021 établis par l'analyste en fraude documentaire et à l'identité de la police aux frontières, qui a conclu au caractère frauduleux de l'ensemble des documents d'identité produits par l'intéressé dans le cadre de sa demande de titre de séjour. Il ressort plus particulièrement de ces rapports que la copie d'acte de naissance malien, dépourvu de numéro de série, du 26 septembre 2018 présentée par l'intéressé est un faux document. Il ressort également du rapport du 13 février 2019 que le jugement supplétif n° 2746 du 24 juillet 2018 n'est pas recevable dès lors qu'il ne s'agit que d'un extrait de jugement, sans mention de l'identité du magistrat, des déclarants, des parents et de la teneur définitive du jugement rendu. A la suite de nouveaux documents produits par M. B... auprès des services de préfecture, un deuxième rapport d'examen technique documentaire du 16 décembre 2020 a été établi. L'acte de naissance du 29 juin 2020 est qualifié de faux au regard de l'absence de numéro de série de l'imprimé utilisé, de numéro d'identification nationale (NINA), de la qualité de l'officier d'état civil et de la présence d'une faute d'orthographe du texte pré-imprimé. L'analyste relève par ailleurs l'existence d'un grattage du numéro indiqué sur l'extrait d'acte de naissance établi le 29 juin 2020. Tout comme pour l'acte de naissance, le numéro NINA n'est pas renseigné et le jugement supplétif mentionné n'est pas joint. Le passeport délivré le 20 décembre 2016 comporte, selon l'analyste en fraude documentaire, une contrefaçon de la page d'état civil en raison d'anomalies, caractérisées par la présence de coupure et de collage, et l'absence des dispositifs de sécurité mis en place par les autorités maliennes. Enfin, le dernier rapport du 22 février 2021 précise que le jugement supplétif n°110 du 17 novembre 2020 produit par l'intéressé n'est à nouveau qu'un extrait qui ne comporte pas l'ensemble des informations requises. Par ailleurs, l'analyste relève une similitude d'écriture manuscrite entre celle du greffier en chef et celle de l'officier d'état civil ayant noté la date de transcription. Il en déduit que ce jugement est un faux document. A l'issue d'un contrôle très détaillé, l'analyste estime en outre que l'acte de naissance du 24 novembre 2020 et l'extrait d'acte de naissance du même jour, qui font mention du jugement supplétif n°110 du 17 novembre 2020, sont des documents frauduleux en raison des nombreuses anomalies. Le préfet a dénoncé ces faits au procureur de la République sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale.
12. A l'appui de sa requête, M. B... se prévaut d'une attestation du consulat général de la République du Mali du 25 mars 2019 précisant que l'informatisation n'est pas encore effective au Mali et qu'aucun support ou mode d'impression avec une imprimante particulière n'est exigé ni sur le territoire malien, ni dans les missions diplomatiques et consulaires et que, par conséquent, les autorités maliennes compétentes utilisent tout procédé existant pour imprimer les documents administratifs. Toutefois, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, les anomalies opposées par le préfet sont sans lien avec la qualité des impressions et des supports, caractérisant au contraire l'existence de malfaçons. Par ailleurs, l'attestation du consulat général du Mali en France du 12 novembre 2021, relative à une demande de passeport en cours, ne justifie pas l'absence de numéro " NINA " sur les documents d'état civil fournis au préfet dans le cadre de la demande de titre de séjour en litige. En réplique, le requérant se prévaut de la loi malienne n°06-040 du 11 août 2006 portant institution de ce numéro d'identification nationale qui n'imposerait pas d'indication du numéro NINA sur les actes de naissance et d'un courrier électronique du consulat général du Mali en France du 9 octobre 2020 qui précise que le numéro NINA n'a pas à apparaître sur les documents d'état civil maliens. Cependant, l'article 5 de la loi du 11 août 2006 prévoit que le numéro d'identification nationale est attribué à la naissance et est inscrit en marge de l'acte de naissance. L'article 7 prévoit que ce numéro est inscrit sur les actes d'état civil. Le seul courriel du 9 octobre 2020 produit par le requérant ne suffit pas à lui-seul à établir que le numéro NINA ne devait pas figurer sur les documents d'état civil produits alors même que le consulat général du Mali à Lyon a indiqué dans son attestation du 12 novembre 2021 ne pas pouvoir enregistrer la demande de passeport de M. B... faute de présentation d'un numéro NINA. Pas plus qu'en première instance, le requérant n'apporte pas d'éléments de nature à contredire les constats du rapport de la police de l'air et des frontières portant sur les collages observés, l'absence de numéro de série de couleur rouge, l'existence d'une faute d'orthographe sur l'acte de naissance et les défauts des dispositifs de sécurité des documents, qui accréditent l'utilisation frauduleuse de documents défectueux en sortie de production. En outre, contrairement à ce que soutient M. B..., la cellule fraude documentaire de la police aux frontières a produit les documents fiables servant de référence aux analyses et a détaillé avec précision les dispositifs de sécurité prévus par les autorités maliennes. Enfin, dès lors que le préfet disposait de suffisamment d'éléments permettant d'établir le caractère frauduleux des documents produits, il n'était pas tenu de saisir les autorités maliennes pour vérifier l'authenticité de ces documents. Pour les mêmes raisons, le préfet ne peut être regardé comme ayant mis en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère. Dans ces conditions, la carte consulaire du 18 janvier 2021 et le certificat de nationalité malienne du 3 février 2021, établis par les autorités maliennes, sur la base d'actes d'état civil dont il vient d'être dit qu'ils n'ont pas une valeur probante suffisante quant à l'identité du requérant, n'est pas de nature à établir que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait, à tort, estimé que M. B... n'avait pas été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize et dix-huit ans. Le requérant produit en réplique une attestation d'authentification délivrée par le consulat général du Mali en France du 25 avril 2022 relative à la carte d'identité consulaire délivrée le 18 janvier 2021. Toutefois, cette attestation, qui se borne à se prononcer sur l'authenticité de ce seul document, n'apporte aucun élément quant à l'absence de caractère frauduleux des actes d'état civil produits par M. B... à l'appui de sa demande de titre de séjour. Dans ces circonstances, eu égard à l'ensemble des éléments avancés par l'administration, le préfet de Meurthe-et-Moselle doit être regardé comme ayant renversé la présomption de validité qui s'attache aux actes civils étrangers en vertu des dispositions de l'article 47 du code civil. Il s'ensuit que c'est sans commettre ni d'erreur de fait, ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation, que le préfet a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 ou sur celui de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au seul motif que le requérant ne justifiait pas de son âge à la date de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance.
13. En troisième lieu, le principe de sécurité juridique ne fait pas obstacle à ce que le préfet puisse, dans le cadre de l'examen de la demande de titre de séjour formée par M. B... remettre en cause la valeur probante des actes d'état civil produits par celui-ci, dans les conditions prévues aux articles 47 du code civil et L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même que la date de naissance portée sur ces documents avait été prise en compte par l'autorité judiciaire pour prononcer le placement de l'intéressé au service de l'aide sociale à l'enfance à titre provisoire le 2 octobre 2018 et à titre définitif le 29 novembre 2018.
14. En quatrième lieu, la décision contestée, qui se borne à refuser l'admission au séjour de M. B..., n'a ni pour effet, ni pour objet, de le priver de son identité. Dans ces conditions, M. B... ne peut pas utilement soutenir que le préfet, en prenant la décision contestée, aurait porté atteinte à son droit à l'identité tel qu'il est protégé par les articles 3-1, 7 et 8 de la convention internationale des droits de l'enfant, les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 16 et 17 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1996.
15. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 453-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
16. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
17. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points ci-dessus, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur de droit dont serait entaché le refus de séjour en litige ne sont pas fondés dès lors que le préfet établit que M. B... n'a pas été admis par les services de l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize et dix-huit ans. Par suite, le requérant n'entre pas dans le champ de l'article L. 453-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que le préfet était fondé à rejeter la demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 453-3 précité, sans être tenu de vérifier si les autres conditions prévues par ces dispositions étaient satisfaites. Le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions doit, par suite, être écarté.
18. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. Les instructions et circulaires sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret ". Aux termes de l'article L. 312-3 du même code : "Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret./ Toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée./Les dispositions du présent article ne peuvent pas faire obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement ". Aux termes de l'article R. 312-10 du même code : " Les sites internet sur lesquels sont publiés les documents dont toute personne peut se prévaloir dans les conditions prévues à l'article L. 312-3 précisent la date de dernière mise à jour de la page donnant accès à ces documents ainsi que la date à laquelle chaque document a été publié sur le site./ Ces sites comportent, sur la page donnant accès aux documents publiés en application de l'article L. 312-3, la mention suivante : " Conformément à l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par les documents publiés sur cette page, pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée, sous réserve qu'elle ne fasse pas obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement ". Enfin, aux termes de l'article D. 312-11 du même code : " Les sites internet mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-3 sont les suivants : / (...) / ; www.interieur.gouv.fr (...)/ Lorsque la page à laquelle renvoient les adresses mentionnées ci-dessus ne donne pas directement accès à la liste des documents mentionnés à l'article L. 312-3, elle comporte un lien direct vers cette liste, identifié par la mention " Documents opposables " ".
19. Les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est dépourvue de caractère réglementaire, constituent seulement des orientations générales adressées par le ministre aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation, ces autorités administratives disposant d'un pouvoir d'appréciation pour prendre une mesure au bénéfice de laquelle la personne intéressée ne peut faire valoir aucun droit. Cette circulaire, qui ne prévoit pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour à l'étranger qui justifierait des durées de résidence et d'emploi qu'elle indique, ne comporte ainsi pas de lignes directrices dont les intéressés pourraient utilement se prévaloir devant le juge et ne comporte pas davantage une interprétation du droit positif ou d'une règle qu'ils pourraient invoquer sur le fondement des articles L. 312-2 et L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration. Au surplus, il résulte des dispositions combinées des articles L. 312-3, R. 312-10 et D. 312-11 du code des relations entre le public et l'administration que, pour être opposable, une circulaire du ministre de l'intérieur adressée aux préfets doit faire l'objet d'une publication sur le site www.interieur.gouv.fr par le biais d'une insertion dans la liste définissant les documents opposables et comportant les mentions prescrites à l'article R. 312-10 et doit être pourvue d'un lien vers le document intégral publié sur le site " Légifrance.gouv.fr ", site relevant du Premier ministre. En l'espèce, la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, si elle a bien été publiée sur le site légifrance et figure sur le site du ministère de l'intérieur reprenant les publications au bulletin officiel, ne l'a pas été dans les conditions prévues par les dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration. Il suit de là que M. B... ne peut utilement se prévaloir de cette circulaire.
20. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine./ L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
21. M. B... fait valoir la durée de sa présence en France depuis trois ans, le fait qu'il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance dès son entrée sur le territoire français et qu'il bénéficie de contrat de jeune majeur de la part du Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle. Il se prévaut également de sa formation en apprentissage et sa scolarité en CAP maçonnerie qu'il poursuit actuellement. Toutefois, M. B..., qui est célibataire et sans enfant, est arrivé récemment en France. Il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales au Mali où résident son père, sa sœur et ses demi-frères. En outre, il ne démontre pas avoir transféré en France le centre de ses intérêts personnels et familiaux, en l'absence d'élément prouvant qu'il y aurait développé des liens d'une particulière intensité. Ainsi, compte tenu des conditions et de la durée du séjour du requérant en France, la décision litigieuse lui refusant le séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'a pas non plus entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.
22. En huitième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1.
Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L.432-14. ".
23. Il appartient à l'autorité administrative, en application de ces dispositions, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire".
24. Compte tenu notamment des circonstances mentionnées au point 21 ci-dessus, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard de son pouvoir de régularisation. De plus, les circonstances dont se prévaut le requérant ne constituent pas des motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant obligations de quitter le territoire français :
25. En premier lieu, M. B... reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par les premiers juges, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation au regard de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'erreur de droit au motif que le préfet se serait estimé, à tort, en compétence liée. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à bon droit, par le tribunal administratif de Nancy dans son jugement.
26. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
27. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 22NC00707