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22/09/2022 | FRANCE | N°22NC00461

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 22 septembre 2022, 22NC00461


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 1er mars 2021 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle les a obligés à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office.

Par un jugement numéros 2100756 et 2100757 du 5 mai 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté ces demandes.

M. C... F... a demandé au tribunal adm

inistratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 1er mars 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 1er mars 2021 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle les a obligés à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office.

Par un jugement numéros 2100756 et 2100757 du 5 mai 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté ces demandes.

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 1er mars 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2100760 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête, enregistrée le 21 février 2022, sous le numéro 22NC00461, Mme F..., représentée par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 mai 2021;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er mars 2021 ;

3°) de faire injonction au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder au réexamen de sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire : a été prise au terme d'une procédure irrégulière en violation du droit d'être entendu garanti par le principe général découlant de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; est insuffisamment motivée ; n'a pas été précédée d'un examen approfondi de sa situation ; repose sur une erreur de droit en ce que le préfet s'est cru en situation de compétence liée au vu de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ; viole les 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation et de ses conséquences sur sa situation ;

- la décision fixant un délai de départ de trente jours : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; est insuffisamment motivée ; viole l'article 7.2 de la directive 2008/115/CE laquelle impose la prolongation du délai de départ volontaire lorsque les circonstances l'exigent comme en l'espèce ; est entachée d'une erreur d'appréciation compte tenu de la nécessité de demeurer sur le territoire jusqu'à la fin de la scolarité des enfants ;

- la décision fixant le pays de destination : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; est insuffisamment motivée ; viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er septembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.

II.) Par une requête, enregistrée le 21 février 2022, sous le numéro 22NC00462, M. F..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 mai 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er mars 2021 ;

3°) de faire injonction au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder au réexamen de sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire : a été prise au terme d'une procédure irrégulière en violation du droit d'être entendu garanti par le principe général découlant de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; est insuffisamment motivée ; n'a pas été précédée d'un examen approfondi de sa situation ; repose sur une erreur de droit en ce que le préfet s'est cru en situation de compétence liée au vu de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ; viole les 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation et de ses conséquences sur sa situation ;

- la décision fixant un délai de départ de trente jours : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; est insuffisamment motivée ; viole l'article 7.2 de la directive 2008/115/CE laquelle impose la prolongation du délai de départ volontaire lorsque les circonstances l'exigent comme en l'espèce ; est entachée d'une erreur d'appréciation compte tenu de la nécessité de demeurer sur le territoire jusqu'à la fin de la scolarité des enfants ;

- la décision fixant le pays de destination : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; est insuffisamment motivée ; viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er septembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.

M. et Mme F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 janvier 2022.

III.) Par une requête enregistrée le 14 mars 2022, sous le numéro 22NC00657, M. F..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 27 mai 2021;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er mars 2021 ;

3°) de faire injonction au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder au réexamen de sa situation sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire : a été prise au terme d'une procédure irrégulière en violation du droit d'être entendu garanti par le principe général découlant de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; est insuffisamment motivée ; n'a pas été précédée d'un examen approfondi de sa situation ; repose sur une erreur de droit en ce que le préfet s'est cru en situation de compétence liée au vu de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation et de ses conséquences sur sa situation ; viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; viole le 10 ° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; est insuffisamment motivée ; viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire enregistré le 1er septembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 7 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive n° 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... F..., né en 1975, de nationalité arménienne, a déclaré être entré en France le 31 décembre 2017, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants mineurs. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions du 31 janvier et 12 mars 2020 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) statuant en procédure accélérée sur le fondement du 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 24 février 2021. A la suite de ces rejets, par deux arrêtés du 1er mars 2021, faisant suite, en ce qui concerne M. F..., à un premier arrêté du 15 juillet 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle leur a fait obligation, sur le fondement des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront, le cas échéant, être reconduits. Par courrier reçu le 23 juillet 2020, M. F... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en invoquant son état de santé. Par un arrêté du 1er mars 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé le séjour en France de M. F..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé passé ce délai. Par les trois requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, M. et Mme F... ainsi que leur fils, M. C... F..., relèvent appel des jugements ci-dessus visés par lesquels le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la situation de Mme F... et de M. C... F... :

En ce qui concerne la légalité des arrêtés pris dans leur ensemble :

2. Les arrêtés litigieux comportent de manière suffisante et non stéréotypée l'énonciation des considérations de droit et de fait sur lesquelles l'administration s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. et Mme F... les décisions attaquées.

3. Les requérants reprennent en appel le moyen tiré de la violation du principe général découlant de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.

4. Il ressort des motifs des arrêtés attaqués que l'autorité préfectorale ne s'est pas crue liée par la décision de la Cour nationale du droit d'asile statuant sur les demandes d'asile des requérants et ne s'est pas refusée, pour chacune des décisions litigieuses, à examiner leur situation personnelle et les conséquences de ses décisions sur leur situation au regard de toutes les normes applicables. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit seront écartés.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

5. Il ressort des termes des arrêtés attaqués que l'autorité préfectorale a examiné la situation des requérants au regard de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable. Ces derniers n'ayant pas déposé de demandes de titres de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité d'étudiant ou de travailleur temporaire, non plus qu'en qualité d'accompagnant d'un étranger mineur malade, ils ne sont pas fondés à soutenir que l'autorité préfectorale aurait dû examiner d'office leur droit au séjour sur ces divers fondements.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. M. et Mme F..., qui sont entrés en France en décembre 2017, se prévalent de leurs efforts d'intégration, de l'état de santé de M. C... F... et de la scolarisation de M. C... F... et de sa sœur. Compte tenu du caractère récent de leur entrée sur le territoire, de ce qu'il ne démontrent pas être dépourvus de toute attache dans leur pays d'origine ou avoir tissé en France des liens d'une particulière intensité et enfin de ce que la demande de titre de séjour de M. C... F... a été rejetée et que l'ensemble de la cellule familiale fait l'objet d'une mesure d'éloignement, les décisions en litige, malgré les efforts louables d'insertion des intéressés, ne peuvent être regardées comme portant à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle des intéressés doivent également être écartés.

8. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet a porté une appréciation manifestement erronée sur les conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé, l'état de santé de M. C... F... ou la scolarisation des enfants du couple ne suffisant pas à établir l'existence d'une telle erreur manifeste.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :

9. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire à l'encontre des décisions fixant le délai de départ volontaire.

10. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français ". En se bornant à affirmer que M. C... F... et sa sœur doivent pouvoir terminer leur année scolaire, M. et Mme F... n'établissent pas que le délai de trente jours qui leur a été accordé était manifestement insuffisant.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire à l'encontre des décisions fixant le pays de destination.

12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". M. et Mme F... soutiennent qu'en cas de retour en Arménie, ils seraient exposés à des traitements contraires à ces stipulations en raison d'un risque de persécution et du fait de la situation de conflit existant entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Cette situation de conflit, alors qu'un cessez-le-feu a été décrété entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan le 10 novembre 2020, ne saurait toutefois suffire à établir que les intéressés seraient exposés, du seul fait de leur présence sur le territoire concerné, à des traitements inhumains ou dégradants. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la situation de M. C... F... :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :

13. L'arrêté litigieux comporte de manière suffisante et non stéréotypée l'énonciation des considérations de droit et de fait sur lesquelles l'administration s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. F... les décisions attaquées.

14. Le requérant reprend en appel le moyen tiré de la violation du principe général découlant de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.

15. Il ressort des motifs des arrêtés attaqués que l'autorité préfectorale ne s'est pas crue liée par la décision de la Cour nationale du droit d'asile statuant sur la demande d'asile du requérant et ne s'est pas refusée, pour chacune des décisions litigieuses, à examiner sa situation personnelle et les conséquences de ses décisions sur sa situation au regard de toutes les normes applicables. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit seront écartés.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

16. Il ressort des pièces du dossier, qu'à la date de l'arrêté attaqué pris à l'encontre de l'intéressé, la présence en France de M. F... est de seulement trois ans et deux mois, alors qu'il a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 42 ans, que sa compagne, dont la demande d'asile a également été rejetée, fait l'objet mesure d'éloignement, ainsi que leur fils, devenu majeur, arrivé en même temps qu'eux en France. Le requérant n'allègue pas par ailleurs disposer d'attaches familiales en France ni se prévaut d'éléments particuliers d'intégration. Dans ces conditions, M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français a des conséquences manifestement excessives au regard du but poursuivi, au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ou a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

17. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ".

18. Saisi par M. F... d'une demande de titre de séjour au motif de sa santé, le préfet de Meurthe-et-Moselle a sollicité pour avis le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui, au vu du dossier médical transmis par l'intéressé, a estimé dans son avis du 12 janvier 2021, que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Arménie, son pays d'origine, il pouvait toutefois y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. M. F..., qui justifie souffrir d'une symptomatologie rhumatismale très sévère traitée depuis plus de vingt ans en Arménie et qui nécessite un suivi au long cours, ainsi que de troubles anxieux et d'un syndrome dépressif, n'établit cependant pas, par les pièces médicales qu'il produit, antérieures à l'avis émis le 12 janvier 2021 par le collège des médecins de l'OFII qui ont eu à en connaître, que les traitements nécessaires à son état de santé ne lui seraient pas accessibles dans son pays d'origine. Si à l'appui de son recours, il produit également une attestation en date du 5 mars 2021 du centre scientifique de la technologie médicale d'Erévan, suivant laquelle le médicament Consentyx n'a pas été importé en Arménie depuis 2016, ce document, postérieur à la décision attaquée, ne fait cependant que reprendre les termes de celui du 11 mars 2020 antérieur à l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII. En outre, alors qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la fiche MedCOI produite par le préfet que les traitements de la spondylarthrite ankylosante et de la dépression sont accessibles en Arménie, le requérant n'établit pas qu'un substitutif au Consentyx qui lui est prescrit en France, ne lui serait pas accessible en Arménie. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que, compte-tenu de son état de santé, sa situation rentre dans les dispositions ci-dessus visées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'à ce titre, il ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :

19. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire à l'encontre de la décision fixant le délai de départ volontaire.

20. En se bornant à affirmer que ses enfants ont besoin de terminer leur scolarité et qu'il a besoin de soins, M. F... n'établit pas que le délai de trente jours qui lui a été accordé était manifestement insuffisant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

21. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

22. M. F..., dont la demande d'asile a été rejetée, soutient qu'il serait exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales, en raison d'un risque de persécution et du fait de la situation de conflit existant entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Cette situation de conflit, alors qu'un cessez-le-feu a été décrété entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan le 10 novembre 2020, ne saurait toutefois suffire à établir que l'intéressé serait exposé, du seul fait de sa présence sur le territoire concerné, à des traitements inhumains ou dégradants.

23. Il résulte de tout ce qui précède que MM F... et A... F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes ci-dessus visées sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... F..., M. C... F..., M. C... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

Nos 22NC00461, 22NC00462 et 22NC00657 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00461
Date de la décision : 22/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-09-22;22nc00461 ?
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