Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé, par une première requête, au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 12 juin 2019 par lequel le président du conseil départemental des Ardennes l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire, ainsi que les arrêtés des 28 juin 2019 et 1er juillet 2019 par lesquels celui-ci a retiré les arrêtés de la directrice générale des services du département des Ardennes, pris les 27 juin 2019 et 30 juin 2019, tendant à le rétablir dans ses fonctions.
Par une deuxième requête, il a demandé l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du 28 août 2019 par lequel le président du conseil départemental des Ardennes lui a infligé une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux mois, avec effet à compter du 1er septembre 2019.
Enfin, par une troisième requête, il a demandé l'annulation, pour excès de pouvoir, de la lettre de mission du 31 octobre 2019 et de l'arrêté du 1er janvier 2020 par lesquels le président du conseil départemental des Ardennes l'a affecté sur un poste d'agent d'accueil à l'hôtel du département, à compter du 1er novembre 2019.
Par un jugement n°s 1902001, 1902597 et 2000466 du 6 octobre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a :
- annulé l'arrêté du 28 août 2019 par lequel le président du conseil départemental des Ardennes a infligé la sanction de l'exclusion temporaire de deux mois à M. C... A... ;
- annulé la décision du 31 octobre 2019 par laquelle le président du conseil départemental des Ardennes a, du 1er novembre au 31 décembre 2019, changé d'affectation M. C... A... ;
- rejeté le surplus des conclusions des demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 10 décembre 2020, sous le n° 20NC3574, le département des Ardennes, représenté par Me Rouquet, demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement du 6 octobre 2020 ;
2°) de rejeter les demandes de M. C... A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 août 2019 et de la décision du 31 octobre 2019 ;
3°) de mettre à la charge de M. C... A... une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté de sanction du 28 août 2019 est suffisamment motivé ;
- la lettre de mission du 31 octobre 2019 est une mesure d'ordre intérieur qui ne fait pas grief à l'intéressé et est insusceptible de recours ; la demande ne pouvait donc qu'être rejetée comme irrecevable.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 mai 2021, M. C... A..., représenté par Me Seingier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du département des Ardennes une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens invoqués par le département des Ardennes ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 15 décembre 2020, sous le n° 20NC03648, ainsi qu'un mémoire enregistré le 25 mai 2022, M. C... A..., représenté par Me Seingier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 12 juin 2019 par lequel le président du conseil départemental des Ardennes l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire, ainsi que les arrêtés des 28 juin 2019 et 1er juillet 2019 par lesquels celui-ci a retiré les arrêtés de la directrice générale des services du département des Ardennes, pris les 27 juin 2019 et 30 juin 2019 et tendant à le rétablir dans ses fonctions ;
3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 août 2019 par lequel le président du conseil départemental des Ardennes lui a infligé une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux mois, avec effet à compter du 1er septembre 2019 ;
4°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 1er janvier 2020 par lesquels le président du conseil départemental des Ardennes l'a affecté sur un poste d'agent d'accueil à l'hôtel du département, à compter du 1er novembre 2019 ;
5°) de confirmer l'annulation de l'arrêté du 28 août 2019 mais en reconnaissant également son illégalité interne ;
6°) de mettre à la charge du département des Ardennes une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son appel est recevable en ce qu'il est bien dirigé contre les dispositions qui lui sont défavorables du jugement ; ce dernier étant néanmoins irrégulier, il est recevable à invoquer dans le cadre de l'évocation éventuelle toutes les conclusions de ses demandes et tous les moyens à l'appui de celles-ci ;
- le jugement est irrégulier : en ce que la minute n'a pas été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; en ce que le point 8 repose sur une dénaturation des pièces du dossier ; en ce qu'il est entaché d'erreur de droit ;
- l'arrêté du 12 juin 2019 : est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en l'absence d'intérêt du service pour une suspension et en l'absence de faute grave ; procède d'un détournement de pouvoir et de procédure en ce qu'il a pour but de préparer son éviction de son poste de médiateur et constitue une sanction déguisée ; l'imputation de non-information de sa hiérarchie ne lui a jamais été faite de sorte que c'est à tort que le jugement retient ce grief ;
- les arrêtés des 28 juin et 1er juillet 2019 : ne sont pas motivés ; une suspension n'est pas un acte créateur de droit de sorte que la directrice générale des services pouvait retirer cette mesure à tout moment ; ayant été placé en congé de maladie à compter du 30 juin 2019, il ne pouvait pas être suspendu de ses fonctions par l'arrêté du 1er juillet 2019 ; reposent sur une erreur de droit en ce qu'ils retirent des décisions légales ;
- l'arrêté du 28 juillet 2019 : n'est certes pas motivé mais repose en outre sur une procédure disciplinaire irrégulière en ce que l'enquête administrative, effectuée en violation des droits de la défense, a été confiée, sans attendre les résultats de l'enquête pénale, à des agents du département ne présentant aucune garantie d'impartialité ; a été précédé d'un avis du conseil de discipline irrégulier en ce qu'il ne mentionne pas les votes et n'est pas motivé en particulier en ce qui concerne la matérialité des faits ; les faits reprochés ne sont pas établis de sorte qu'aucune faute disciplinaire ne pouvait être retenue ; est entachée d'un détournement de procédure et s'inscrit dans le cadre d'un harcèlement dans le but de l'évincer ; la sanction est en tout état de cause disproportionnée ;
- l'annulation de l'arrêté du 31 octobre 2019 devra être confirmée au besoin par les moyens figurant dans sa requête de première instance ;
- l'arrêté du 1er janvier 2020 : n'est pas justifié par une vacance d'emploi ; n'est pas motivé alors qu'il lui retire rémunération et responsabilités ; constitue une sanction déguisée irrégulière ; repose sur une appréciation manifestement erronée de l'intérêt du service ; est entachée de détournement de pouvoir et de procédure.
Par des mémoires en défense enregistrés les 10 mars 2021, 19 mai 2022 et 14 juin 2022, le département des Ardennes, représenté par Me Rouquet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C... A... une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'appel est irrecevable en tant qu'il tend à l'annulation du jugement en sa totalité alors que cette décision lui est en partie favorable ; il est également irrecevable en ce qu'il tend à une substitution d'un motif d'annulation s'agissant de l'arrêté du 28 août 2019 ; il est enfin irrecevable en ce qu'il se borne à reproduire les écritures de première instance sans comporter de moyens d'appel ;
- les moyens soulevés par M. C... A... ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi de finance du 22 avril 1905 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le décret n° 2006-1690 du 22 décembre 2006 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... ;
- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Bajn, représentant le département des Ardennes et de Me Seingier assistant M. C... A....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A... a été recruté au cours de l'année 2005 par le département des Ardennes en qualité d'agent contractuel, avant d'être titularisé en 2008 dans le grade d'adjoint administratif territorial de deuxième classe et affecté sur un emploi de médiateur. Après qu'un document confidentiel établi par la direction des ressources humaines du département a, les 10, 11 et 15 janvier 2019, été divulgué auprès de l'ensemble des agents départementaux, le président du conseil départemental a diligenté une enquête administrative dont le rapport, rendu le 28 février 2019, concluait à l'implication, notamment, de M. C... A.... Par un arrêté du 12 juin 2019, le président du conseil départemental l'a suspendu à titre conservatoire, avec conservation intégrale de son traitement. La directrice générale des services du département a retiré cette mesure de suspension par un arrêté du 27 juin 2019, lequel a lui-même été retiré par un arrêté du président du conseil départemental en date du 28 juin 2019. De nouveau, la directrice générale des services a retiré cette décision de retrait par un arrêté du 30 juin 2019, lequel a été retiré par un arrêté du président du conseil départemental du 1er juillet 2019. Dans le cadre des poursuites disciplinaires engagées concomitamment à l'encontre de M. C... A..., le conseil de discipline a, par un avis du 12 juillet 2019, proposé de lui infliger une exclusion temporaire de fonctions de deux mois. Par un arrêté du 28 août 2019, le président du conseil départemental a infligé à M. C... A... la sanction ainsi proposée par le conseil de discipline. Au terme de l'exécution de cette sanction, M. C... A... a été affecté sur un poste d'accueil à l'hôtel du département, à titre provisoire à compter du 1er novembre 2019, par une lettre de mission du 31 octobre 2019, puis à titre définitif à compter du 1er janvier 2020, par un arrêté du président du conseil départemental daté du même jour. Par les requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, M. C... A... et le département des Ardennes relèvent appel, chacun en ce qui le concerne, du jugement du 6 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, par ses articles 1 et 2, d'une part annulé l'arrêté du 28 août 2019 par lequel le président du conseil départemental des Ardennes a infligé la sanction de l'exclusion temporaire de deux mois à M. C... A..., d'autre part, annulé la décision du 31 octobre 2019 par laquelle le président du conseil départemental des Ardennes a, du 1er novembre au 31 décembre 2019, changé d'affectation M. C... A... et a, enfin, par son article 3, rejeté le surplus des conclusions des demandes de M. C... A....
Sur la recevabilité de l'appel de M. C... A... :
2. Les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué. Par suite, n'est pas recevable - quels que soient les motifs retenus par les premiers juges - l'appel dirigé contre un jugement qui, par son dispositif, fait intégralement droit aux conclusions de la demande qu'avait présentée l'appelant en première instance.
3. Les articles 1er et 2 du jugement attaqué font intégralement droit aux conclusions que M. C... A... avait présentées contre les décisions que ce jugement annule. Par suite, le département des Ardennes est fondé à soutenir que l'appel de M. C... A... n'est pas recevable en tant qu'il est dirigé contre ces articles du dispositif du jugement du 6 octobre 2020.
Sur la régularité du jugement :
4. Il ressort des pièces des dossiers que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et la greffière. Par suite, M. C... A... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ont été méconnues.
5. Si M. C... A... soutient que le jugement attaqué repose sur une erreur de droit et une dénaturation des pièces du dossier, de telles erreurs à les supposer établie sont seulement susceptible de remettre en cause, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, les motifs retenus par le tribunal administratif pour rejeter la demande d'annulation, et sont, en tout état de cause, sans influence sur sa régularité.
Sur la légalité de l'arrêté du 12 juin 2019 portant suspension des fonctions de M. C... A... :
6. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dont les dispositions sont codifiées à l'article L. 531-2 du code de la fonction publique : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline ". La suspension d'un fonctionnaire, sur la base de ces dispositions, est une mesure à caractère conservatoire, prise dans le souci de préserver l'intérêt du service public. Elle ne peut être prononcée que lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l'intéressé au sein de l'établissement présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours. Eu égard à la nature de l'acte de suspension et à la nécessité d'apprécier, à la date à laquelle cet acte a été pris, la condition de légalité tenant au caractère vraisemblable de certains faits, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l'autorité administrative au jour de sa décision. Les éléments nouveaux qui seraient, le cas échéant, portés à la connaissance de l'administration postérieurement à sa décision, ne peuvent ainsi, alors même qu'ils seraient relatifs à la situation de fait prévalant à la date de l'acte litigieux, être utilement invoqués au soutien d'un recours en excès de pouvoir contre cet acte.
7. Il ressort des pièces du dossier que le 10 janvier 2019, certains agents du département ont découvert sur leurs bureaux une copie d'un fichier contenant des indications nominatives relatives aux primes devant être servies aux agents de la collectivité. Ce fichier a été également largement diffusé à l'extérieur des services y compris dans la presse locale. Il est constant que M. C... A... avait lui-même découvert sur son bureau, le 28 décembre 2018, un dispositif de stockage informatique contenant le même fichier. Compte tenu des éléments réunies par l'enquête administrative ordonnée à la suite de l'incident du 10 janvier 2019, l'administration départementale disposait à la date de la décision attaquée du 12 juin 2019, de suffisamment d'éléments pouvant lui faire penser avec vraisemblance que M. C... A... se trouvait à l'origine de la diffusion de ces données sensibles, diffusion ayant revêtu, par le retentissement qui en a été donné et le trouble qui en est résulté dans les services, un caractère de gravité. En retenant ces éléments, ainsi qu'il ressort des motifs de l'arrêté du 12 juin 2019, afin de prononcer la mesure de suspension litigieuse, le président du département des Ardennes n'a commis ni erreur de fait, ni erreur d'appréciation alors même qu'en définitive les faits dont l'intéressé étaient soupçonnés n'ont pas été retenus à sa charge au stade de la sanction disciplinaire.
8. Si M. D... soutient que l'intérêt du service n'imposait pas la suspension de ses fonctions, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de la nature des fonctions de l'intéressé, du trouble occasionné par les faits qui lui étaient imputés, des enquêtes administrative, pénale et de la procédure disciplinaire en cours, le président du conseil départemental des Ardennes a pu à juste titre estimer que cette mesure, dans le but de préserver l'image de la collectivité, était nécessaire en dépit du délai s'étant écoulé depuis la divulgation des faits.
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la suspension de fonctions litigieuse soit constitutive d'une sanction disciplinaire déguisée ou n'a été prise que dans le but de l'évincer de son poste de médiateur. Par suite, les moyens du détournement de pouvoir et de procédure seront écartés. Il s'ensuit que M. C... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 juin 2019.
Sur la légalité des décisions de retrait des 28 juin et 1er juillet 2019 prises par le président du conseil départemental et relatives à la mesure de suspension :
10. Aux termes des dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ".
11. Contrairement à ce que soutient M. C... A..., la décision qui prononce la suspension d'un agent public avec maintien intégral de sa rémunération, de même que la décision qui retire une telle mesure de suspension sont toutes deux des décisions créatrices de droits qui, en application des dispositions précitées, ne peuvent être légalement retirées que si elles sont illégales et si leur retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la date à laquelle les décisions retirées ont été respectivement prises.
12. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la mesure de suspension prise à l'égard de M. C... A... n'était pas illégale. C'est donc illégalement que la directrice générale des services du département, par sa décision du 27 juin 2019, a retiré cet arrêté du 12 juin 2019 et c'est dès lors légalement que le président du conseil départemental a lui-même retiré cette décision par son arrêté du 28 juin 2019. Cet arrêté du 28 juin 2019 n'étant pas lui-même illégal, c'est illégalement que la directrice générale des services l'a retiré par sa décision du 30 juin 2019. Cette décision du 30 juin 2019 étant illégale, c'est légalement que le président du conseil départemental l'a retirée par son arrêté du 1er juillet 2019, faisant ainsi revivre son arrêté du 12 juin 2019 prononçant la suspension de l'intéressé à compter du 13 juin suivant.
13. L'arrêté du 12 juin 2019 portant mesure de suspension ayant été rétabli ainsi qu'il vient d'être dit par l'arrêté du 1er juillet 2019, sa légalité doit être appréciée à la date de son adoption. Au 12 juin 2019, M. C... A... ne se trouvaient pas en congé de maladie. Par suite, la circonstance qu'il a été placé dans cette position à compter du 30 juin 2019 est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 1er juillet 2019. En tout état de cause, le fonctionnaire territorial suspendu demeurant en position d'activité, il a droit à ce titre à des congés pour maladie conformément au 2° de l'article 57 de la loi ci-dessus visée du 26 janvier 1984 alors applicable. Dès lors, la circonstance qu'un agent se trouve suspendu de ses fonctions n'est pas de nature à faire obstacle à ce qu'il soit placé en congé pour maladie ordinaire en cas de maladie dûment constatée le mettant dans l'impossibilité d'exercer les fonctions qu'il exercerait s'il n'était pas suspendu et bénéficie du régime de rémunération afférent à ces congés. Par suite, la décision du 1er juillet 2019 n'a pas eu pour effet de mettre fin au congé de maladie octroyé à M. C... A... le 30 juin précédent et de le priver des droits afférents à ce congé. Il s'ensuit que M C... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de retrait des 28 juin et 1er juillet 2019 prises par le président du conseil départemental.
Sur la légalité de l'arrêté de sanction du 28 août 2019 :
14. Aux termes des dispositions de l'article 19 de la loi ci-dessus visée du 13 juillet 1983 alors applicable : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. / (...) / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. " Les dispositions de l'article 14 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ajoutent : " L'avis émis par le conseil de discipline est communiqué sans délai au fonctionnaire intéressé ainsi qu'à l'autorité territoriale qui statue par décision motivée. " Il résulte de ces dispositions que la décision par laquelle l'autorité investie du pouvoir disciplinaire inflige une sanction à un fonctionnaire doit être motivée.
15. Il ressort des pièces du dossier que si la décision attaquée fait mention des textes dont elle fait application, elle se borne à rappeler les griefs au titre desquels le président du conseil départemental avait saisi le conseil de discipline et ceux que celui-ci a retenus dans son avis, lesquels sont au demeurant pour partie différents des griefs soumis par le rapport de saisine. L'arrêté litigieux n'indique pas quelles sont les fautes retenues par le président du conseil départemental pour fonder sa décision, le rappel du sens de l'avis du conseil de discipline ne permettant pas de considérer que le président du conseil départemental s'est, au terme de l'appréciation qu'il devait porter sur les faits reprochés à son agent, approprié cet avis. En admettant même que les griefs reprochés à M. C... A... seraient ceux dont a été saisi le conseil de discipline, ils ne permettent pas à l'intéressé, à raison de l'imprécision de leur formulation, de connaître les faits qui ont été finalement retenus par l'autorité territoriale pour le sanctionner. Dans ces conditions, comme l'a jugé le tribunal administratif, cette décision n'est pas suffisamment motivée. Il s'ensuit que le département des Ardennes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cette décision.
Sur la légalité des décisions d'affectation du 31 octobre 2019 et du 1er janvier 2020 :
16. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable.
17. En premier lieu, le département des Ardennes soutient de nouveau en appel que les décisions du 31 octobre 2019 et du 1er janvier 2020 ayant affecté M. C... A... à l'accueil de l'hôtel du département constitueraient des mesures d'ordre intérieur ne lui ayant pas fait grief. Il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux adoptés à juste titre par les premiers juges. Par suite, le département n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé la décision du 31 octobre 2019 et n'est pas davantage fondé à opposer cette fin de non-recevoir aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. C... A... à l'encontre de la décision du 1er janvier 2020.
18. En deuxième lieu, la décision affectant M. C... A... à l'accueil de l'hôtel du département n'a pas été prise en considération de sa personne ou pour des motifs disciplinaires et constitue une mutation d'office dans l'intérêt du service. Par suite, elle ne figure pas au nombre de celles devant être motivées.
19. Par arrêté du 18 novembre 2019 le département des Ardennes a publié la vacance de l'emploi sur lequel M. C... A... a été affecté à compter du 1er janvier 2020. Par suite, M. C... A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 1er janvier 2020 aurait été pris en méconnaissance des dispositions alors applicables de l'article 52 de la loi ci-dessus visée du 26 janvier 1984.
20. Il ressort des pièces du dossier que le changement d'affectation litigieux s'inscrit dans le cadre d'une réorganisation des services départementaux au terme de laquelle le conseil départemental a, après avis favorable du comité technique, décidé de supprimer le service de médiation par une délibération du 16 décembre 2019. Le département des Ardennes soutient, sans que cela ne soit sérieusement contesté, que cette décision a, en particulier, été inspirée par des motifs tirés d'une rationalisation financière et administrative, compte tenu de ce que les missions de ce service conduisaient le requérant à intervenir dans des domaines ne relevant plus de la compétence du département ou pour lesquels des médiateurs institutionnels, rattachés à d'autres administrations, devaient permettre de pallier la suppression du médiateur départemental. Ainsi qu'il vient d'être dit, M. C... A... a été affecté sur un poste d'accueil à l'hôtel du département en vue de combler la vacance de cet emploi résultant de la mise à la retraite, au 1er janvier 2020, de son précédent titulaire. Dans ces conditions, M. C... A... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et que, en revêtant les caractères d'une sanction déguisée, elle serait constitutive d'un détournement de procédure. Il s'ensuit que M. C... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président du conseil départemental du 1er janvier 2020.
21. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres fins de non-recevoir soulevées par le département des Ardennes, que M. C... A... et le département des Ardennes ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a statué ainsi qu'il l'a fait.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des parties les frais exposés par elles dans les présentes instances.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes ci-dessus visées de M. C... A... et du département des Ardennes sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au département des Ardennes.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au préfet des Ardennes en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N°s 20NC03574 et 20NC03648
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