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21/07/2022 | FRANCE | N°21NC03058

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 21 juillet 2022, 21NC03058


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 juin 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement n° 2105523 du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé l'arrêté susmentionné et, d'autre part, enjoint à la préfète du Bas-Rhin de lu

i délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 juin 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement n° 2105523 du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé l'arrêté susmentionné et, d'autre part, enjoint à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 novembre 2021, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 10 novembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation dès lors que M. C... n'établit pas s'être déclaré aux autorités françaises lors de son entrée sur le territoire, comme le prévoient les stipulations de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen et les dispositions des articles L. 621-2 et L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- son arrêté n'est pas entaché d'incompétence ;

- il est suffisamment motivé ;

- il ne méconnait ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. C....

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2022, M. A... C... conclut au rejet de la requête et à l'annulation de l'arrêté du 9 juin 2021 par tous les moyens d'annulation soulevés en première instance, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans les 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Un mémoire présenté par le préfet du Bas-Rhin a été enregistré le 28 juin 2022 après la clôture d'instruction fixée au 3 juin 2022 et non communiqué.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., de nationalité turque né le 30 avril 1986, est entré en France selon ses dires le 24 juin 2016. Le 12 février 2018, il a sollicité son admission au séjour. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 12 juillet 2018, confirmée par une décision de la CNDA du 29 novembre 2018. Le 18 janvier 2021, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité de conjoint de ressortissante française. Par un arrêté du 9 juin 2021, la préfète du Bas-Rhin a rejeté sa demande d'admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement. Par la présente requête, la préfète du Bas-Rhin fait appel du jugement du 10 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français.". Aux termes de l'article L. 412-1 du même code prévoit que : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance de la carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

3. Aux termes de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen : " Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans les conditions fixées par chaque partie contractante, aux autorités compétentes de la partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la partie contractante sur lequel ils pénètrent (...) ". La souscription de la déclaration prévue par cet article 22 et dont l'obligation figure aux articles L. 621-2 et L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire.

4. Il résulte de ces dispositions que l'autorité préfectorale n'est tenue d'accorder sur place le visa à un conjoint de ressortissant français, vivant en France avec ce dernier depuis plus de six mois, qu'à l'étranger entré régulièrement en France. M. C... ne conteste pas les affirmations du préfet du Doubs selon lesquelles il ne s'est pas déclaré aux autorités françaises lors de son entrée sur le territoire, comme le prévoient les stipulations de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen et les dispositions des articles L. 621-2 et L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est pas fondé à soutenir qu'il justifierait d'une entrée régulière en France du seul fait qu'il disposait d'un visa délivré par les autorités suédoises, d'autant qu'il ressort des pièces du dossier que ce visa était valable du 9 juin au 8 décembre 2016 et que le requérant a déclaré aux services de la préfecture, être entré sur le territoire français le 24 janvier 2017. Par suite, il ne remplissait pas les conditions prévues à l'article L. 423-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Doubs est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté en date du 9 juin 2021.

6. Dès lors, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Sur les moyens communs aux décisions attaquées :

7. En premier lieu, par un arrêté du 8 février 2021 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, la préfète du Bas-Rhin a donné délégation à Mme B..., directrice des migrations et de l'intégration de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions dévolues à cette direction, à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les décisions prises en matière de séjour et d'éloignement des étrangers. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de Mme B..., signataire de l'arrêté attaqué, manque en fait et doit être écarté.

8. En second lieu, les décisions contestées comportent de manière suffisamment précise, les considérations de droit et de fait qui les fondent. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation doit être écarté comme manquant en fait.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

9. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, la décision attaquée ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En deuxième lieu, il est constant que M. C... a présenté une demande de titre de séjour sur le seul fondement de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il ne peut utilement soulever la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Même si M. C... soutient être entré en France le 24 juin 2016, avoir rencontré son épouse en 2018 avec qui il s'est marié le 29 août 2020 et que résident en France son frère et son oncle, il ressort toutefois des pièces du dossier que la durée de sa vie commune avec son épouse avec laquelle il vit depuis août 2020 était récente à la date de la décision attaquée et qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans et où résident encore sa mère, ses deux sœurs et deux de ses frères. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, la décision attaquée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précité. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. C....

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

14. En deuxième lieu, il résulte de ce qui est exposé aux points 4 et 10 que la décision n'est pas entachée d'erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 423-2 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. En troisième lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 12, la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précité. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. C....

Sur la décision fixant pays de renvoi :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

17. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dans les circonstances de l'espèce être écarté comme inopérant.

18. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et aux termes des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

19. M. C... soutient qu'il craint pour sa vie et sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine en raison de ses origines alévies et de ses opinions politiques socialistes. Toutefois, il n'apporte aucun élément permettant d'établir l'actualité et la réalité de ses craintes, alors qu'au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée tant par l'OFPRA que par la CNDA. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du 9 juin 2021 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jour et fixant le pays de destination. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative devant le tribunal administratif de Strasbourg et à hauteur d'appel ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2105523 du 10 novembre 2021 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Strasbourg ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Rees, président-assesseur,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 juillet 2022.

La rapporteure,

Signé : M. D...La présidente,

Signé : S. Vidal

La greffière,

Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 21NC03058


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03058
Date de la décision : 21/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-21;21nc03058 ?
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