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21/07/2022 | FRANCE | N°21NC03016

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 21 juillet 2022, 21NC03016


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy de suspendre la mesure d'éloignement prise à son encontre par le préfet de l'Yonne jusqu'à ce que la cour nationale du droit d'asile se soit prononcée sur sa demande d'asile et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2102618 du 15 octobre 2021, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Dijon a également transmis au trib

unal administratif de Nancy la requête de M. B... tendant à l'annulation de l'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy de suspendre la mesure d'éloignement prise à son encontre par le préfet de l'Yonne jusqu'à ce que la cour nationale du droit d'asile se soit prononcée sur sa demande d'asile et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2102618 du 15 octobre 2021, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Dijon a également transmis au tribunal administratif de Nancy la requête de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 septembre 2021 par lequel le préfet de l'Yonne a décidé de l'éloigner à destination de l'Algérie.

Enfin, par une dernière requête, M. B... a demandé au tribunal administratif de Nancy de suspendre la mesure d'éloignement prise à son encontre par le préfet de l'Yonne jusqu'à ce que la cour nationale du droit d'asile se soit prononcée sur sa demande d'asile, d'annuler l'arrêté du préfet de l'Yonne du 19 octobre 2021 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai, fixe le pays de renvoi et lui fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2103001, 2103003, 2103047 du 22 octobre 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 21NC03016 le 22 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Coche-Mainente, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 22 octobre 2021 en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre l'arrêté du préfet de l'Yonne du 19 octobre 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée d'un an dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt, sous la même astreinte, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt, sous la même astreinte ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de faire procéder à l'effacement sans délai du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

s'agissant du refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :

- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ont méconnu l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, son droit d'être entendu, tel qu'il résulte d'un principe général du droit de l'Union européenne et l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- le préfet a commis une erreur de base légale dès lors que son arrêté n'a pas été pris sur le fondement de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;

- elles méconnaissent le 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux des risques qu'il subisse en Algérie des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la décision fixant le pays de renvoi l'expose à de tels risques ;

s'agissant de la décision refusant le bénéfice d'un délai de départ volontaire :

- cette décision est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu ;

s'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- cette décision est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 avril 2022, le préfet de l'Yonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens du requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 13 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller,

- et les observations de Me Morel, pour le préfet de l'Yonne.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien, entré en France, selon ses déclarations, en mai 2007, s'est vu délivrer des certificats de résidence algériens valables du 27 novembre 2017 au 26 octobre 2019. Le 3 juillet 2019, M. B... a été condamné par la cour d'appel de Paris à une peine de quatre ans d'emprisonnement assortie d'une peine complémentaire d'interdiction judiciaire du territoire français d'une durée de cinq ans pour des faits d'agression sexuelle imposée à un mineur de quinze ans, perpétrés le 24 mars 2019. La demande d'asile formée en détention le 14 février 2020 par M. B... a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 9 novembre 2020. Le 19 novembre 2020, l'intéressé a formé contre cette décision un recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile. Par une décision du 27 septembre 2021, le préfet de l'Yonne a pris à son encontre une décision fixant le pays de renvoi en exécution de l'interdiction judiciaire du territoire français prononcée le 3 juillet 2019 par la cour d'appel de Paris. Par un arrêté du 12 octobre 2021, M. B... a été placé par le préfet de l'Yonne en rétention en vue de procéder à son éloignement. Toutefois, par un arrêt du 19 octobre 2021, la cour d'appel de Paris a relevé M. B... de la peine complémentaire d'interdiction du territoire qui lui a été infligée le 3 juillet 2019. Par un arrêté du 19 octobre 2021, le préfet de l'Yonne a alors pris à son encontre un arrêté portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nancy du 22 octobre 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 19 octobre 2021 :

En ce qui concerne les moyens communs aux diverses décisions de cet arrêté :

2. En premier lieu, l'arrêté du préfet de l'Yonne, est signé, pour le préfet, par Mme Dominique Yani, secrétaire générale, à qui le préfet avait donné délégation par un arrêté n° PREF/SAPPIE/BCAAT/2021/0095 du 5 mai 2021, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Yonne, à l'effet de signer tous arrêtés ou décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de la réquisition du comptable public et des arrêtés de conflit. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté manque en fait.

3. En deuxième lieu, l'arrêté énonce les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement des diverses décisions qu'il comporte et satisfait dès lors à l'obligation de motivation. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces décisions auraient été prises sans examen particulier de la situation personnelle du requérant.

4. En troisième lieu, si le moyen tiré de la violation de l'article 41 précité par un Etat membre de l'Union européenne est inopérant, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse qu'aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision défavorable à ses intérêts, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 du même code, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande de reconnaissance de sa qualité de réfugié. En outre, lorsqu'il sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, l'intéressé ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié ou de l'octroi du bénéfice de la protection subsidiaire.

5. M. B... a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Il lui appartenait, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il estimait nécessaires. A cet égard, il a pu faire valoir, à l'occasion de son audition, les observations dans ce cadre y compris celles relatives à sa situation personnelle et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu doit être écarté comme manquant en fait.

6. En quatrième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration que la procédure contradictoire préalable qu'elles prévoient ne s'impose pas dans les cas où il est statué sur une demande. Ainsi, M. B... ne saurait utilement invoquer ces dispositions à l'encontre de la décision lui refusant un titre de séjour, qui est consécutive à la demande d'admission au séjour en qualité de réfugié qui découle de la demande d'asile formée par l'intéressé. Par ailleurs, il ressort des dispositions des articles L. 613-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire pris sur le fondement de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En cinquième lieu, si les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'admission au séjour en qualité de réfugié et celles relatives à l'éloignement des étrangers sont applicables aux ressortissants algériens en l'absence, dans l'accord franco-algérien, de stipulation ayant la même portée. Ainsi, en ne fondant pas son arrêté sur l'accord franco-algérien, le préfet de l'Yonne n'a pas commis d'erreur de base légale.

8. En sixième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a pas sollicité son admission au séjour sur le fondement des stipulations citées ci-dessus de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et que le préfet n'a pas examiné d'office sa demande de titre de séjour sur le fondement de cet article. M. B... ne peut dès lors utilement se prévaloir de ces stipulations à l'encontre du refus de titre de séjour qui lui a été opposé. En outre, si, lorsque l'accord franco-algérien prescrit l'attribution de plein droit d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français, les pièces produites par M. B... ne permettent pas, en l'espèce, d'établir une résidence ininterrompue en France de dix ans à la date de l'arrêté du préfet.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... soutient résider en France depuis 2007, il ne l'établit pas et n'a en tout état de cause résidé sur le territoire français de manière régulière que du 27 novembre 2017 au 26 octobre 2019. S'il fait état de la présence en France de sa tante, il est célibataire, sans enfant et n'établit, ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, tandis qu'il ne précise pas la nature des liens d'ordre personnels qu'il indique avoir développés depuis son entrée en France. Ainsi, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressé, la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a dès lors pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne le refus d'accorder le bénéfice d'un délai de départ volontaire :

11. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". L'article L. 612-3 de ce code précise que " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., ainsi qu'il a déjà été dit, a été condamné par la cour d'appel de Paris à une peine de quatre ans d'emprisonnement assortie d'une peine complémentaire d'interdiction judiciaire du territoire français d'une durée de cinq ans pour des faits d'agression sexuelle imposée à un mineur de quinze ans, perpétrés le 24 mars 2019. Si la cour d'appel de Paris, par son arrêt du 19 octobre 2021, a relevé l'intéressé de sa peine complémentaire d'interdiction du territoire au regard, notamment, de son comportement en détention, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait fait une inexacte application des dispositions citées au point précédent en estimant, au regard de la nature, de la gravité, et du caractère récent des faits, que le comportement de M. B... constituait une menace pour l'ordre public de nature à justifier qu'il ne lui soit pas accordé de délai de départ volontaire. En outre, le requérant, qui déclare résider chez sa tante, ne justifie pas y avoir effectivement sa résidence effective et permanente et son habitation principale. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 612-1 et suivants doit dès lors être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

13. Si M. B... fait état des risques auxquels un retour en Algérie l'exposerait de subir des traitements inhumains ou dégradants prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de son orientation sexuelle, il n'apporte pas d'éléments précis, ni probant de nature à établir le bien-fondé de ces craintes, alors au demeurant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, devant lequel il a été en mesure de les exposer, a rejeté sa demande d'asile. Contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort de l'arrêté contesté lui-même que le préfet a bien procédé à un examen des risques qu'il pouvait encourir en cas de retour dans son pays d'origine.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

14. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ".

15. M. B..., qui n'a pas bénéficié d'un délai de départ volontaire, était dans le cas où il pouvait faire l'objet, en application de ces dispositions, d'une interdiction de retour sur le territoire français. Il ne fait pas état de circonstances humanitaires justifiant que le préfet n'édicte pas cette mesure, ni n'établit, au regard des circonstances de l'espèce, qu'en fixant à trois ans la durée de cette interdiction, le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

17. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. B....

Sur les frais liés à l'instance :

18. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

19. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Rees, président-assesseur,

- M. Goujon-Fischer, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 juillet 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Goujon-FischerLa présidente,

Signé : S. Vidal

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 21NC03016


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03016
Date de la décision : 21/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-21;21nc03016 ?
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