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21/07/2022 | FRANCE | N°21NC02984

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 21 juillet 2022, 21NC02984


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 6 décembre 2019 du préfet des Vosges en tant qu'elle a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et subsidiairement, de réexaminer sa demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et enfin de mettre à la charge de l'Etat le versement

son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 6 décembre 2019 du préfet des Vosges en tant qu'elle a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", d'enjoindre au préfet des Vosges de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et subsidiairement, de réexaminer sa demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et enfin de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2003143 du 4 novembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du préfet des Vosges du 6 décembre 2019 en tant qu'il refuse d'accorder à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", a enjoint au préfet des Vosges de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Géhin, conseil de M. B..., la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me Géhin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 21NC02984 le 18 novembre 2021 et 23 juin 2022, le préfet des Vosges demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 4 novembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nancy.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré du défaut de motivation de la décision de refus de séjour en tant qu'elle concernait la demande de titre portant la mention " vie privée et familiale ", dès lors que cette demande a fait l'objet d'un refus implicite dont l'intéressé n'a pas demandé la communication des motifs ;

- au demeurant, le défaut de motivation ne saurait avoir entaché gravement la régularité de la décision en cause, dès lors qu'en exécution du jugement attaqué, ce refus a été confirmé explicitement ;

- les autres moyens soulevés dans la demande présentée au tribunal ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2022, M. B..., représenté par Me Gehin, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet des Vosges de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa demande ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 1à juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet des Vosges ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien, est entré en France, selon ses déclarations, en mars 2017. S'étant déclaré mineur, il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département des Vosges. Le 11 mai 2019, devenu majeur, il a sollicité du préfet des Vosges la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un courrier du 6 décembre 2019, le préfet des Vosges l'a informé de son intention de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire " sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'a invité à prendre rendez-vous avec les services de la préfecture afin de s'acquitter du droit de visa de régularisation, le requérant étant entré de manière irrégulière sur le territoire français. Le préfet des Vosges relève appel du jugement du tribunal administratif de Nancy du 4 novembre 2021 en ce qu'il a annulé sa décision du 6 décembre 2019 en tant qu'elle refuse d'accorder à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. B....

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux faits de l'espèce : " Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par une lettre datée du 11 mai 2019, M. B... a sollicité du préfet des Vosges la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par une lettre du 6 décembre 2019, le préfet a indiqué à M. B... qu'il entendait donner une suite favorable à une demande de ce dernier tendant à l'octroi d'une carte de séjour portant la mention " travailleur temporaire " sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous réserve que l'intéressé s'acquitte d'un droit de visa de régularisation d'un montant de 340 euros, conformément à l'article L. 311-13 de la production d'un visa de régularisation.

4. En supposant même, faute d'indication de la date de réception par le préfet de la lettre du 11 mai 2019, par laquelle M. B... avait demandé l'attribution d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", que le silence gardé sur cette demande n'avait pas encore fait naître de décision implicite de rejet à la date du 6 décembre 2019, à laquelle le préfet a accepté sous condition de délivrer à M. B... une carte de séjour en qualité de travailleur temporaire, cette lettre, qui ne fait nullement état de la demande formulée par l'intéressé dans sa lettre du 11 mai 2019, ne rejette pas cette demande de manière expresse. Par ailleurs, au regard tant de ses termes que de l'existence, non contestée, d'une seconde demande de M. B..., tendant quant à elle à la délivrance d'une carte de séjour en qualité de travailleur temporaire, et compte tenu de la possibilité offerte au préfet d'opposer à une demande de titre de séjour un refus implicite par un silence de plus de quatre mois, cette lettre du 6 décembre 2019 ne saurait être regardée comme rejetant tacitement, mais nécessairement la demande d'octroi d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " formée par l'intéressé le 11 mai 2019. Ainsi, la lettre du 6 décembre 2019, qui n'avait ni pour objet, ni pour effet de statuer sur cette dernière demande, n'avait pas à motiver le refus opposé par le préfet sur ce point.

5. A supposer encore que les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal devaient être regardées comme dirigées contre une décision implicite née du silence gardé pendant plus de quatre mois sur sa demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dont l'existence n'est toutefois pas établie par les pièces du dossier, il résulte de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration qu'une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation et qu'à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet doivent lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. M. B... n'ayant formé aucune demande de communication des motifs de la décision implicite qui serait née du silence gardé sur sa demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", il ne peut utilement soutenir que cette décision est entachée d'un défaut de motivation.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Vosges est en tout état de cause fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a retenu le moyen tiré de ce que la lettre du 6 décembre 2019 n'était pas motivée en ce qu'elle rejetait la demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " formée par M. B....

7. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... tant devant le tribunal administratif.

Sur les autres moyens soulevés par M. B... :

8. En premier lieu, la lettre du 6 décembre 2019 est signée, pour le préfet des Vosges, par M. A... C..., chef du bureau des étrangers, à qui le préfet avait donné délégation, par un arrêté du 13 novembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture des Vosges du 13 novembre 2019, à l'effet de signer toutes décisions dans les matières relevant de ses attributions, au nombre desquelles figurent les décisions prises en réponse aux demandes de titre de séjour. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée manque en fait.

9. En second lieu, dès lors que, comme il a été dit au point 4, la lettre du 6 décembre 2019 n'avait ni pour objet, ni pour effet de statuer sur une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet dans l'application de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à ce titre de séjour, ne peut qu'être écarté comme inopérant.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Vosges est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé sa décision 6 décembre 2019 en tant qu'elle aurait refusé d'accorder à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et a enjoint au préfet des Vosges de procéder au réexamen de la situation de M. B....

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B....

Sur les frais liés à l'instance :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 4 novembre 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nancy ainsi que les conclusions présentées par M. B... à fins d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à M. D....

Copie en sera adressée au préfet des Vosges.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Rees, président-assesseur,

- M. Goujon-Fischer, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 juillet 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Goujon-FischerLa présidente,

Signé : S. Vidal

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

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N° 21NC02984


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02984
Date de la décision : 21/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : GEHIN - GERARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-21;21nc02984 ?
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