La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/07/2022 | FRANCE | N°21NC02877

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 21 juillet 2022, 21NC02877


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 mars 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2103697 du 6 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 5 novembre 202

1 et 16 mai 2022, M. A... représenté par Me Rommelaere, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 mars 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2103697 du 6 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 5 novembre 2021 et 16 mai 2022, M. A... représenté par Me Rommelaere, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 octobre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 mars 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle méconnait les dispositions des articles L. 313-15, L. 313-11 (7°) et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2022, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 23 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,

- et les observations de Me Rommelaere, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen qui déclare être né le 20 décembre 2001, est entré sur le territoire français selon ses déclarations en décembre 2017 et a été confié à l'aide sociale à l'enfance par une ordonnance de placement provisoire du 30 janvier 2018. Une enquête a ensuite été diligentée par les services de la police aux frontières et a fait naitre un doute sur sa minorité, le requérant apparaissant comme connu en Italie sous différentes identités. Le 5 juillet 2020, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 mars 2021, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. A... fait appel du jugement du 6 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est arrivé en France en décembre 2017 et qu'il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance en raison de sa minorité et de son isolement du 30 janvier 2018 au 20 mars 2019. Malgré l'arrêt de cette aide en raison des doutes exprimés mais non établis par la police aux frontières sur sa minorité, il a entrepris et poursuivi avec succès un CAP en peinture obtenu en juin 2021 puis un second CAP en carrosserie qu'il a effectué en 2021/2022 et qui lui a permis de bénéficier d'une promesse d'embauche en contrat d'apprentissage dans ce secteur professionnel. De plus, il établit avoir tissé des liens personnels et familiaux intenses et stables en France qui ont conduit notamment à son adoption simple par Mme E... avec le soutien de sa fille, D..., par un jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 14 avril 2022 ainsi que s'être parfaitement bien intégré dans la société française comme en témoignent les nombreuses attestations de proches et d'enseignants produites, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il disposerait encore d'attaches familiales fortes dans son pays d'origine. Ainsi, dans les circonstances très particulières de l'espèce, le préfet du Haut-Rhin, en prenant l'arrêté attaqué, a porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris.

4. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

5. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, la décision lui refusant un titre de séjour est annulée ainsi que par voie de conséquence, la décision l'obligeant à quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. A... un titre de séjour. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rommelaere, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rommelaere de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2103697 du 6 octobre 2021 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté en date du 19 mars 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination sont annulés.

Article 2: Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Rommelaere, avocat de M. A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Rommelaere renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F... A..., et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Rees, président-assesseur,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 juillet 2022.

La rapporteure,

Signé : M. B...La présidente,

Signé : S. Vidal

La greffière,

Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 21NC02877


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02877
Date de la décision : 21/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : ROMMELAERE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-21;21nc02877 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award