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21/07/2022 | FRANCE | N°19NC02452

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 21 juillet 2022, 19NC02452


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Office national des forêts à lui verser une somme totale de 68 763,12 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ceux-ci, en réparation des différents préjudices subis du fait de l'illégalité de la sanction du 22 avril 2014 G... laquelle le directeur général de l'Office national des forêts a prononcé sa mise à la retraite d'office.

G... un jugement n° 1604268 du 22 mai 2019, le tribunal admin

istratif de Strasbourg a rejeté sa demande

Procédure devant la cour :

I- G... une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Office national des forêts à lui verser une somme totale de 68 763,12 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ceux-ci, en réparation des différents préjudices subis du fait de l'illégalité de la sanction du 22 avril 2014 G... laquelle le directeur général de l'Office national des forêts a prononcé sa mise à la retraite d'office.

G... un jugement n° 1604268 du 22 mai 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande

Procédure devant la cour :

I- G... une requête, n° 1902452, et des mémoires enregistrés les 31 juillet 2019, 26 août 2020, 2 mars, 6 avril, 12 juillet, 14 octobre, 9 novembre et 13 décembre 2021, 4 janvier 2022, et un mémoire récapitulatif du 3 février 2022, M. F..., représenté G... Me Frachet, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de surseoir à statuer sur sa demande indemnitaire dans l'attente des décisions juridictionnelles prises concernant les saisies abusives de l'ONF relatives à l'ordonnance de référé du 16 novembre 2015 d'expulsion et sa demande de paiement d'une redevance majorée pour l'occupation de la maison forestière ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 mai 2019 ;

3°) de constater et déclarer la nullité des arrêtés du directeur général de l'Office national des forêts du 24 mars 2016 de suspension, du même jour portant réintégration et du 20 mai 2016 de mise à la retraite d'office et radiation des cadres à compter du 1er juin 2016 ;

4°) d'annuler les arrêtés du 24 mars 2016 de suspension des fonctions et du 20 mai 2016 de sanction de mise à la retraite d'office ;

5°) de condamner l'ONF à lui verser une somme de 406 893,61 euros en réparation des divers préjudices matériels et moraux dus à l'illégalité des arrêtés du 24 mars 2016 et 20 mai 2016 ainsi que l'expulsion de la maison forestière qu'il occupait ;

6°) de condamner l'ONF à verser une somme de 60 000 euros à Mme E... sa compagne et 60 000 euros à sa fille C... F... et sa petite fille B... D... en réparation des préjudices subis du fait de leur expulsion de la maison forestière de Schoenbourg le 3 octobre 2018, outre une somme de 20 000 euros chacune pour atteinte au droit au respect de leur vie privée lors de l'intervention illégale du SAMU à leur domicile le 10 avril 2013

7°) d'assortir les sommes demandées des intérêts au taux légal avec capitalisation ;

8°) faire droit à ses conclusions de première instance ;

9°) de mettre à la charge de l'office national des forêts le versement de la somme de 5 000 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas visé la loi n° 83-634 dont ils ont fait application en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- les premiers juges n'ont pas mentionné la demande d'annuler la décision du 17 juin 2016 ;

- les premiers juges ont commis des erreurs de droit, méconnu leur office, omis de statuer, entaché leur décision d'un défaut de motivation, dénaturé les pièces du dossier, les faits et termes du litige, inversé la charge de la preuve et n'ont pas respecté l'autorité absolue de la chose jugée, les droits de la défense et les principes du contradictoire et d'impartialité ;

- les premiers juges n'ont pas précisé les éléments de fait de nature à caractériser le souci d'assurer la sécurité du requérant en lui retirant son arme et ont ainsi insuffisamment motivé leur jugement ; ils ont également dénaturé les pièces du dossier et omis de statuer sur le moyen tiré des agissements de harcèlement moral des directeurs de l'agence à son encontre ;

- la sanction de mise à la retraite d'office du 22 avril 2014 est illégale et la responsabilité de l'Office national des forêts est de ce fait engagée ; la décision de refus d'indemnisation du 17 juin 2016 est illégale ;

- sa nomination du 24 mars 2016 est nulle et l'arrêté du 20 mai 2016 de mise à la retraite est illégal, lequel est même nul et inexistant ;

- l'arrêté du 24 mars 2016 prononçant sa réintégration est nul entachant subséquemment les arrêtés du 24 mars 2016 de suspension des fonctions et du 20 mai 2016 de mise à la retraite d'office ;

- il est recevable à invoquer l'illégalité de l'arrêté du 20 mai 2016 même s'il ne l'a pas invoquée en première instance dès lors que cet arrêté a été évoqué dans les débats G... l'ONF et le tribunal s'est fondé sur cet arrêté pour écarter sa demande ;

- la matérialité des faits fondant cette sanction n'est pas établie ;

- il est recevable en appel à invoquer des chefs de préjudice dont il n'a pas fait état en première instance dès lors que ces derniers ne s'étaient alors pas révélés dans toute leur ampleur ;

- les ordonnances d'expulsion du 16 novembre 2015 et du 6 mars 2017 ont été prises sur le fondement d'un arrêté illégal et ont généré de nombreux préjudices y compris pour sa compagne sa fille et sa petite fille expulsées du logement avec l'aide de la force publique ;

- la demande de paiement d'une redevance majorée pour l'occupation de la maison forestière est illégale car fondée sur un arrêté lui-même illégal et a entraîné des préjudices de tous ordres ;

- en tout état de cause, il est victime de faits constitutifs de harcèlement moral faisant obstacle au prononcé d'une sanction ; ces agissements se sont révélés dans les évènements concernant son armement de service et ses tournées de surveillance, ses évaluations et notations ainsi que son avancement professionnel, l'agression physique dont il a été victime, la tentative de le faire évincer du service,

G... des mémoires en défense, enregistrés le 21 novembre 2019 et le 3 novembre 2021, l'Office national des forêts (ONF), représenté G... Mes Delvolvé et Trichet conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. F... une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable car tardive ;

- le requérant n'est pas recevable ni fondé à se prévaloir du préjudice des procédures judiciaires engagées G... l'ONF à son encontre ; l'indemnisation du fait de ces procédures ne relève pas du juge administratif et les frais allégués ont été supportés postérieurement à l'arrêté du 20 mai 2016 le plaçant à la retraite d'office ;

- le requérant n'est pas recevable à soulever l'illégalité des arrêtés du 24 mars 2016 et du 20 mai 2016 dans la présente instance puisque le litige portait sur l'illégalité de l'arrêté du 22 avril 2014 et il n'existe aucun lien de dépendance entre ces arrêtés ; G... ailleurs il a déjà été statué sur ces arrêtés.

- les moyens soulevés G... le requérant ne sont pas fondés.

G... un courrier du 18 janvier 2022, les parties ont été informées de ce que la cour était, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions présentées en appel G... M. F... tendant à la condamnation de l'ONF d'une part à lui verser une somme de 406 893,61 euros en réparation des divers préjudices matériels et moraux dus à l'illégalité des arrêtés du 24 mars 2016 et 20 mai 2016 ainsi que l'expulsion de la maison forestière qu'il occupait et d'autre part, à verser à Mme E... sa compagne, à sa fille C... F... et sa petite fille B... D... une somme de 60 000 euros chacune en réparation des préjudices subis du fait de leur expulsion de la maison forestière de Schoenbourg le 3 octobre 2018 ainsi qu'une somme de 20 000 euros chacune pour atteinte au droit au respect de leur vie privée lors de l'intervention illégale du SAMU à leur domicile le 10 avril 2013, qui constituent des conclusions nouvelles en appel insusceptibles de se rattacher au litige de première instance.

G... des mémoires enregistrés les 15 février et 8 juin 2022, M. F..., représenté G... Me Frachet, conclut à la recevabilité de ses conclusions.

Il soutient que :

- l'indemnisation de l'entier préjudice subi du fait de l'arrêté du 22 avril 2014, dont les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui notamment celles révélées dans toute leur ampleur postérieurement au jugement attaqué, n'est pas limitée à la période du 01/05/2014 au 24/03/2016 mais concerne la période du 01/05/2014 au 24/05/2019, date de sa limite d'âge pour occuper son emploi ;

- le moyen tiré de l'exception d'illégalité et de nullité de l'arrêté du 24/03/2016 de réintégration entachant d'illégalité et de nullité cet arrêté subséquent du 20/05/2016 de sanction et la cour constatera la nullité de ces arrêtés ;

- il a demandé le sursis à statuer dans l'attente des décisions judiciaires pour préciser l'étendue de ses conclusions.

G... un mémoire enregistré le 3 mars 2022, l'ONF représenté G... Mes Delvolvé et Trichet, conclut à ce qu'il soit fait droit au moyen d'ordre public.

Il soutient que les conclusions présentées pour la première fois en appel ne se rattachent pas au fait générateur développé G... M. F....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code forestier ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2005-1784 du 30 décembre 2005 ;

- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;

- l'arrêté du 20 août 2007 relatif à la procédure d'évaluation des fonctionnaires et agents contractuels de droit public et à la procédure de notation des fonctionnaires de l'Office national des forêts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Grossrieder, présidente,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. G... un arrêté du 22 avril 2014, le directeur général de l'ONF a infligé à M. F..., chef de triage à Schoenbourg auprès des services fonctionnels de l'unité territorial de Saverne de l'agence Nord Alsace de l'ONF, la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d'office et l'a radié des cadres, à compter du 1er mai 2014. G... un jugement du 25 février 2016, devenu définitif, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 22 avril 2014 pour non-respect du délai de 15 jours de convocation devant le conseil de discipline et a enjoint à l'ONF de réintégrer M. F... et de procéder à la reconstitution administrative de sa carrière. G... un arrêté du 24 mars 2016, M. F... a été réintégré dans un poste d'agent patrimonial à Schoenbourg au sein des services fonctionnels de l'agence Nord Alsace de l'ONF. G... un arrêté du 20 mai 2016, le directeur général de l'Office national des forêts a, après avoir suivi une nouvelle procédure disciplinaire, prononcé à nouveau la sanction de mise à la retraite d'office de M. F..., à compter du 1er juin 2016, pour les mêmes faits que ceux ayant justifié la sanction du 22 avril 2014. M. F... fait appel du jugement du 22 mai 2019 G... lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 17 juin 2016 G... laquelle l'ONF a opposé un refus à sa demande d'indemnisation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision de sanction du 22 avril 2014.

Sur la recevabilité des conclusions de la requête d'appel :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 22 mai 2019, notifié à M. F... G... lettre recommandée avec avis de réception, lui a été présenté à son domicile G... le préposé des services postaux le 27 mai 2019. En l'absence de l'intéressé, un avis de passage a été déposé. Avant l'expiration du délai de 15 jours au-delà duquel toute lettre non réclamée est renvoyée à son destinataire, M. F... a retiré ce pli le 8 juin 2019. En conséquence, le délai d'appel n'a commencé à courir qu'à compter de cette date et n'était donc pas expiré lors de l'introduction de la requête d'appel de M. F... le 31 juillet 2019. G... suite, la fin de non-recevoir opposée G... l'ONF doit être écartée.

4. En deuxième lieu, M. F... a présenté des conclusions tendant à la nullité des arrêtés du 24 mars 2016 de suspension et réintégration, dans sa requête d'appel. Toutefois, une déclaration d'inexistence d'un acte ne peut être présentée qu'à l'appui de la saisine du juge d'une demande d'annulation d'un acte. Or M. F... a présenté dans la présente instance des conclusions indemnitaires. En conséquence, ces conclusions sont, G... suite, irrecevables.

5. En troisième lieu, les conclusions présentées G... M. F... tendant à condamner l'ONF à lui verser une somme de 406 893,61 euros en réparation des divers préjudices matériels et moraux dus à l'illégalité des arrêtés du 24 mars 2016 et 20 mai 2016 ainsi que l'expulsion de la maison forestière qu'il occupait, n'ont pas été soumises aux premiers juges. Ces conclusions, insusceptibles de se rattacher au présent litige, présentent donc le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel et sont, G... suite, irrecevables.

6. En dernier lieu, les conclusions présentées G... M. F... tendant à condamner l'ONF à verser une somme de 60 000 à Mme E... sa compagne et 60 000 euros à sa fille C... F... et sa petite fille B... D... en réparation des préjudices subis du fait de leur expulsion de la maison forestière de Schoenbourg le 3 octobre 2018, alors même que le requérant ne justifie d'aucune qualité pour agir au nom de sa compagne, fille et petite-fille, n'ont pas été soumises aux premiers juges. Ces conclusions, insusceptibles de se rattacher au présent litige, présentent donc le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel et sont, G... suite, irrecevables.

Sur la régularité du jugement attaqué :

7. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ". Il ressort d'une part des pièces du dossier que si le jugement attaqué n'a pas visé la loi du 13 juillet 1983, les motifs et notamment son point 4 comportent une citation de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983. Il ressort d'autre part des termes mêmes du jugement attaqué que le mémoire en défense de l'ONF a été visé. G... suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative n'est pas fondé.

8. En deuxième lieu, la décision de l'ONF du 17 juin 2016 a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de M. F... qui, en formulant les conclusions d'annulation de cette décision, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux. Eu égard à l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressé à percevoir la somme qu'il réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux, sont sans incidence sur la solution du litige. G... suite, c'est G... une exacte interprétation des conclusions de M. F... que les premiers juges ont mentionné les seules conclusions à fin de condamnation de l'ONF.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des pièces du dossier, que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés G... les parties, a suffisamment motivé les réponses apportées aux moyens soulevés G... M. F.... G... suite, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation.

10. En quatrième lieu, M. F... soutient à l'appui de chaque moyen soulevé que les premiers juges ont commis des erreurs de droit, méconnu leur office, omis de statuer, entaché leur décision d'un défaut de motivation, dénaturé les pièces du dossier, les faits et termes du litige, inversé la charge de la preuve et n'ont pas respecté l'autorité absolue de la chose jugée, les droits de la défense et les principes du contradictoire et d'impartialité. Toutefois, d'une part, aucun élément des écritures de M. F... ne permet précisément d'identifier une omission à statuer sur des conclusions, une méconnaissance des droits de la défense, du principe du contradictoire et une impartialité des premiers juges. D'autre part, ces moyens tels que présentés dans la requête relèvent d'une contestation du bien-fondé du jugement et non sa régularité tout comme les moyens d'erreur de droit, de dénaturation des pièces du dossier, des faits et termes du litige, de l'inversion de la charge de la preuve et de la méconnaissance de l'autorité absolue de la chose jugée.

11. G... suite, M. F... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le harcèlement moral invoqué :

12. Aux termes de l'article 6 quinquies de loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".

13. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés G... des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui.

14. En premier lieu, M. F... n'établit pas que ses notations, évaluations ou avancement qu'il conteste régulièrement, seraient constitutifs d'un harcèlement moral à son égard et ne reflèteraient pas la juste appréciation de sa valeur professionnelle, en particulier de ses difficultés à travailler en équipe et de ses difficultés relationnelles dues à un comportement agressif. A cet égard, si M. F... se plaint du refus de l'ONF de reconnaître l'imputabilité au service d'une maladie contractée en 1991 due au martelage et du refus d'utiliser la peinture à la place du marteau forestier sans tenir compte de ses problèmes de santé, expliquant ainsi sa baisse de notation injustifiée, ses allégations ne sont corroborées G... aucune pièce du dossier. La circonstance que la demande de révision de la notation de 2011 ait obtenu un avis favorable de la commission de révision ne manifeste pas un acte constitutif de harcèlement moral. Si plusieurs décisions de l'ONF en matière de notation, d'avancement et de congés ont été annulées G... le tribunal administratif de Strasbourg et la cour, ces illégalités ne sont pas davantage constitutives de harcèlement moral.

15. En deuxième lieu, si M. F... se plaint du retrait de son arme de service l'ayant empêché de mener à bien ses missions de surveillance en équipe et ayant contribué à son isolement, il résulte de l'instruction que cette mesure a été fondée sur l'intérêt du service, notamment dans un but de sécurité et n'avait en aucun cas pour objectif de restreindre les missions de M. F... ni de l'empêcher de travailler en équipe.

16. En troisième lieu, M. F... soutient avoir été victime d'une agression physique commise G... son supérieur hiérarchique le 2 avril 2013. Il résulte de l'instruction que si les relations entre les intéressés étaient tendues, la réalité de l'agression physique n'est établie G... aucune pièce du dossier. Il n'est pas plus établi que le comportement de son supérieur hiérarchique à son égard excéderait l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, le requérant ne peut être regardé comme apportant des éléments de fait de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. A cet égard, si M. F... soutient que l'ONF a interdit à ses collègues d'entrer en contact avec lui et de lui rédiger des témoignages écrits, il procède là encore G... allégations dépourvues de toute preuve.

17. En quatrième lieu, M. F... soutient que l'ONF a essayé de l'évincer médicalement du service. Toutefois, d'une part, si le service d'aide médicalisé d'urgence a été envoyé au domicile de M. F..., le 10 avril 2013, sur demande de sa hiérarchie à la suite de l'alerte d'un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et de l'absence de réponse aux appels téléphoniques de sa hiérarchie, cette intervention, pour regrettable qu'elle soit, réalisée dans le contexte du suicide très récent d'un agent de l'ONF ne saurait constituer, à elle seule, une preuve de harcèlement moral de la hiérarchie de M. F.... D'autre part, il résulte de l'instruction que l'Office national des forêts a décidé le 10 avril 2013 de suspendre M. F... de ses fonctions pour une durée de quatre mois, l'a convoqué les 15 et 18 avril 2013 à des visites médicales, a saisi le 16 mai 2013 le comité médical départemental, l'a placé d'office le 16 mai 2013 en congé maladie, l'a privé le 16 juillet 2013 d'une bonification de son ancienneté pour le calcul de son avancement d'échelon, a suspendu son traitement le 1er octobre 2013, et a implicitement refusé de lui attribuer des congés annuels et des réductions de temps de travail en 2013. Les décisions des 10 avril, 16 mai et 16 juillet 2013 qui ont été annulées G... la juridiction administrative, si elles manifestent une gestion inappropriée de la situation administrative de M. F... de la part de l'Office national des forêts, qui pouvait légitimement avoir des inquiétudes sur la santé psychique de l'intéressé, eu égard aux circonstances dans lesquelles elles ont été prises à savoir les refus de se rendre aux visites médicales G... l'intéressé et les difficultés relationnelles récurrentes de M. F... avec sa hiérarchie, ne permettent toutefois pas de faire présumer l'existence d'actes constitutifs de harcèlement moral.

18. En cinquième lieu, M. F... ne saurait utilement soutenir que les décisions de l'ONF ayant été annulées de manière rétroactive, les conséquences de ces décisions consistant en des convocations à des visites médicales et la demande de restitution du matériel seraient privées d'effet en vertu des stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

19. En sixième lieu, si M. F... soutient que l'ONF a usé de propos déloyaux à son égard tant dans la gestion de sa carrière que dans les différents litiges soumis au juge en dissimulant des preuves méconnaissant ainsi ses droits de la défense, il n'établit pas la réalité de ses allégations.

20. En conséquence, les faits allégués pris isolément ou collectivement s'ils manifestent une gestion inappropriée de la situation difficile de M. F... ne sont pas de nature à faire présumer l'existence d'actes constitutifs de harcèlement moral.

En ce qui concerne la responsabilité de l'ONF du fait de l'illégalité fautive de la décision du 22 avril 2014 :

21. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la décision du 22 avril 2014 portant sanction disciplinaire de la mise à la retraite d'office infligée à M. F... est fondée sur un comportement menaçant et violent à l'égard de sa hiérarchie se manifestant G... des menaces de mort à l'encontre du directeur de l'Agence Nord Alsace ayant justifié un dépôt immédiat d'une plainte G... la victime et l'audition de M. F... G... les services de la Gendarmerie de Saverne, ainsi que des manquements répétés au devoir d'obéissance hiérarchique, tels que des refus de se soumettre aux contrôles médicaux demandés G... l'administration ; refus de restituer à l'agence divers documents concernant le triage dont il a la gestion afin d'assurer la continuité du service ; refus de restituer les outils et le véhicule administratif inhérents à ses fonctions compte tenu de son placement en congé de maladie.

22. A cet égard, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'enquête disciplinaire du 27 décembre 2013 et du procès-verbal d'audition du responsable de l'agence Nord Alsace de l'ONF, que, le 2 décembre 2013, alors qu'il était placé en congé de longue maladie, M. F... s'est rendu à l'agence Nord Alsace en tenue professionnelle et a proféré une menace de mort accompagnée d'un geste explicite à l'encontre de son responsable. A la suite de la plainte du responsable, un autre collègue de M. F... relate également dans son procès-verbal d'audition, d'autres menaces proférées G... ce dernier à une date cependant non précisée. Au-delà de cet incident, le comportement agressif de M. F... à l'égard de son responsable hiérarchique est également établi G... un rapport du 5 mars 2013, faisant état de menaces similaires au cours d'une réunion du 4 mars 2013. Le comportement agressif de M. F... a été établi au cours de l'enquête disciplinaire. G... ailleurs il résulte également de l'instruction que, le 2 décembre 2013, M. F... a tenté de faire obstacle physiquement à la restitution de son véhicule de service bousculant ses collègues alors que la restitution de ce véhicule de service lui avait été demandée dès le 2 octobre 2013, obligeant même la gendarmerie à intervenir sur place, le 2 décembre 2013, pour obtenir la restitution du véhicule de service de M. F.... Il est également constant que M. F... n'a pas restitué le téléphone portable et l'ordinateur de service et n'a remis qu'avec retard un certain nombre de documents relatifs à la gestion du triage dont il avait la charge. Enfin, il est établi que M. F... a refusé de se rendre aux convocations à des visites médicales. Estimant que de telles demandes révélaient l'acharnement poursuivi à son encontre, il ne s'est pas présenté aux rendez-vous médicaux pourtant justifiés. En se bornant à faire valoir qu'il n'a pas reçu certaines convocations, que ces convocations révèlent la volonté de son administration de lui nuire et qu'un examen médical serait inutile dès lors qu'il a fait l'objet d'un avis médical d'aptitude en octobre 2012 et s'est soumis à des séances de tirs en 2010 et 2011, M. F... ne conteste pas sérieusement la réalité de ces faits. En conséquence, M. F... n'est pas fondé à soutenir que les faits justifiant la sanction disciplinaire du 22 avril 2014 ne sont pas établis.

23. En deuxième lieu, il résulte du point précédent que la décision du 22 avril 2014, alors même qu'elle était entachée d'un vice de forme, ne saurait être regardée comme un acte constitutif de harcèlement moral.

24. En troisième lieu, M. F... ne peut utilement soulever des moyens à l'encontre des arrêtés du 20 mai 2015 et du 24 mars 2016, alléguant même de leur inexistence matérielle pour le premier et juridique pour les seconds dès lors que le présent litige concerne l'illégalité fautive de la décision du 22 avril 2014.

25. En quatrième lieu, si M. F... soutient qu'en l'absence de décision illégale il aurait pu continuer à occuper la maison forestière de Schoenbourg et n'en aurait pas été expulsé G... voie judiciaire, ni n'aurait dû en payer une redevance majorée, il résulte de l'instruction d'une part ainsi qu'il a été dit au point 22 que la sanction disciplinaire était fondée sur des faits matériellement établis, lesquels ont d'ailleurs justifiés une nouvelle décision du 20 mai 2015 infligeant la même sanction et d'autre part qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les instances judiciaires entreprises G... le requérant et l'illégalité pour vice de forme de cette sanction disciplinaire.

26. Il résulte de qui précède que, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente des décisions judiciaires, M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que G... le jugement attaqué le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

27. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ONF, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. F... demande au titre des frais exposés G... lui et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. F... le versement à l'ONF d'une somme sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Office national des forêts sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et à l'office national des forêts

Délibéré après l'audience du 28 juin 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Grossrieder, présidente.

Mme Roussaux, première conseillère.

Mme Picque, première conseillère.

Rendu public G... mise à disposition au greffe, le 21 juillet 2022.

La présidente-rapporteure,

Signé : S. GrossriederL'assesseure la plus ancienne,

Signé : S. Roussaux

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de la transition énergétique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 19NC02452


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02452
Date de la décision : 21/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : FRACHET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-21;19nc02452 ?
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