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29/06/2022 | FRANCE | N°21NC03074

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 29 juin 2022, 21NC03074


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. A... B... et Mme E... C... ont demandé respectivement au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés des 19 et 14 octobre 2020, chacun en ce qui le concerne, par lesquels le préfet de la Marne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100304 et 2100305 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté

leur demande.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 26 nov...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. A... B... et Mme E... C... ont demandé respectivement au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés des 19 et 14 octobre 2020, chacun en ce qui le concerne, par lesquels le préfet de la Marne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100304 et 2100305 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 26 novembre 2021 sous le n° 21NC03074, M. B..., représenté par Me Gabon, demande à la cour :

1°) d'annuler, en ce qui le concerne, le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 avril 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 19 octobre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer le titre de séjour sollicité, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

-les premiers juges n'ont pas répondu à l'ensemble de ses arguments développés à l'appui du moyen tiré de l'erreur de droit en ce que lui et son épouse pouvaient prétendre à un titre de séjour " vie privée et familiale " ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- le préfet a commis une erreur de droit au regard des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicables, car il s'est cru lié par l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi pour lui opposer un refus de titre de séjour ;

- il a également commis une erreur d'appréciation car il pouvait prétendre à un titre de séjour pour vie privée et familiale, notamment en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants tel que protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et également leur droit à l'éducation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine.

II. Par une requête enregistrée le 26 novembre 2021, sous le n° 21NC03075, Mme C..., représentée par Me Gabon, demande à la cour :

1°) d'annuler, en ce qui la concerne, le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 avril 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 14 octobre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer le titre de séjour sollicité, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu à l'ensemble de ses arguments développés à l'appui du moyen tiré de l'erreur de droit en ce qu'elle et son mari pouvaient prétendre à un titre de séjour " vie privée et familiale " ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- le préfet a commis une erreur de droit au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, car il s'est cru lié par l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi pour opposer un refus de titre de séjour à son mari ;

- il a également commis une erreur d'appréciation car elle pouvait prétendre à un titre de séjour pour vie privée et familiale, notamment en application du 7° du L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants tel que protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et également leur droit à l'éducation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car elle encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine.

Le préfet de la Marne, à qui les procédures ont été communiquées, n'a pas produit de mémoire en défense.

Par deux ordonnances du 6 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mai 2022 à 12h00 pour ces deux affaires.

M. B... et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'union européenne ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... et Mme C... de nationalité albanaise, sont entrés en France à la date déclarée du 8 février 2017 avec leurs deux enfants mineurs. Après le rejet de leurs demandes d'asile, M. B... et Mme C... ont sollicité leur admission au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 14 et 19 octobre 2020, le préfet de la Marne a refusé, chacun en ce qui le concerne, de leur délivrer le titre de séjour sollicité, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. Par deux requêtes enregistrées sous les nos 21NC03074 et 21NC03075, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. B... et Mme C... relèvent appel du jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que, dans leurs écritures de première instance, les requérants ont soulevé le moyen tiré de " l'erreur de droit " entachant les refus de titre de séjour " vie privée et familiale ". Ils faisaient notamment valoir comme arguments, à l'appui de ce moyen, les conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'un retour en Albanie impliquerait pour la cellule familiale, le droit à l'éducation de leurs enfants et leur bonne intégration sur le territoire français. Les points 7 à 8 du jugement attaqué indiquent les motifs pour lesquels le tribunal n'a pas retenu ce moyen. Dès lors, contrairement à ce qui est soutenu, le tribunal, qui n'est jamais tenu de répondre à tous les arguments venant au soutien d'un moyen, n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation en ne répondant pas expressément à certains d'entre eux. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction :

En ce qui concerne les moyens communs aux arrêtés des 14 et 19 octobre 2020 :

3. En premier lieu, les décisions attaquées comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Les décisions rappellent le fondement de la demande de titre de séjour des intéressés, en l'occurrence l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le fondement légal des mesures d'éloignement, leur parcours et font référence à leur situation personnelle et familiale. Cette motivation ne présente, en l'espèce, aucun caractère stéréotypé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté. Pour les mêmes motifs, les décisions ne sont pas entachées d'un défaut d'examen particulier de la situation des requérants.

En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, M. B... ne peut pas utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la décision contestée n'a pas été prise sur ce fondement.

5. En deuxième lieu aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

6. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

7. D'une part, il ne ressort pas des termes de l'arrêté du 19 octobre 2020, qui concerne Monsieur, que le préfet se soit cru lié par l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi qu'il avait sollicité. L'arrêté du 14 octobre 2020, qui concerne Madame, ne contient quant à lui aucune référence de l'avis de l'administration du travail. Le moyen tiré de ce que le préfet se serait cru à tort en situation de compétence lié doit par suite être rejeté.

8. D'autre part, les requérants font valoir qu'ils vivent en France depuis 2017 avec leurs enfants qui sont scolarisés, que l'un d'eux est né en France en 2020 et qu'ils sont bien intégrés. Toutefois, ils n'apportent aucune justification à l'appui de leurs allégations qui ne peuvent en tout état de cause être qualifiées de circonstances exceptionnelles ou de considérations humanitaires au sens et pour l'application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si M. B... se prévaut d'une promesse d'embauche, il ressort de l'arrêté préfectoral du 19 octobre 2020 que l'employeur n'a pas répondu à la demande de pièces complémentaires formulée par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Par suite, le préfet de la Marne n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation en rejetant leur demande sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité.

9. En troisième lieu, si les requérants soutiennent que le préfet de la Marne aurait commis une erreur d'appréciation car ils pouvaient prétendre à un titre de séjour " vie privée et familiale " au regard notamment des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort pas des décisions litigieuses que le préfet leur ait opposé un refus sur ce fondement. Ce moyen est en conséquence inopérant.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. B... et Mme C... ne justifient pas être dépourvus d'attaches familiales dans leurs pays d'origine, pays dans lequel ils ont vécu jusqu'aux âges respectifs de 28 et 24 ans et où leurs enfants pourront poursuivre leur scolarité. Par ailleurs, les parents des requérants vivent toujours en Albanie. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France des intéressés, le préfet n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

13. Les décisions litigieuses n'ont ni pour objet, ni pour effet, de séparer les enfants de leurs parents, et il n'est pas établi que les enfants des requérants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du droit à l'éducation de leurs enfants et des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

14. Si aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.

15. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de rendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour. En effet, à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour, l'intéressé est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.

Dès lors, les décisions faisant obligation à M. B... et à Mme C... de quitter le territoire français ayant été prises concomitamment aux décisions refusant leur admission au séjour, leur droit à être entendu n'a pas été méconnu.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :

16. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au droit au séjour est inopérant à l'encontre d'une décision fixant le pays de destination.

17. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants".

18. Les requérants, dont les demandes de protection internationale ont au demeurant été rejetées par les autorités compétentes, ne démontrent pas l'existence de risques actuels, sérieux et personnels auxquels ils seraient exposés en cas de retour en Albanie. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le pays de destination méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

19. ll résulte de tout ce qui précède que M. B... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1 : Les requêtes de M. B... et de Mme C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à Mme E... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Grossrieder, présidente assesseur,

- Mme Roussaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2022.

Le rapporteur,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 21NC03074, 21NC03075


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03074
Date de la décision : 29/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : GABON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-29;21nc03074 ?
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