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15/06/2022 | FRANCE | N°21NC02231

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 15 juin 2022, 21NC02231


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 12 juin 2021 par lesquels le préfet du Haut-Rhin, d'une part, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pour une durée d'un an, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département du Haut-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours.
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Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 12 juin 2021 par lesquels le préfet du Haut-Rhin, d'une part, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pour une durée d'un an, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département du Haut-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2104172 du 6 juillet 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de la demande dirigées contre les décisions portant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays de destination, interdiction de retour en France pendant un an et assignation à résidence et à renvoyé à la formation collégiale le jugement des conclusions dirigées contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et des conclusions accessoires dont elles sont assorties.

Par un jugement n° 2104695 du 1er octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de la demande dirigées contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et les conclusions accessoires dont elles sont assorties.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 3 août 2021, sous le n° 21NC02231, M. B... D..., représenté par Me Schweitzer, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2104172 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 6 juillet 2021 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Haut-Rhin du 12 juin 2021 portant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays de destination de cette mesure d'éloignement et interdiction de retour en France pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement de première instance doit être annulé pour insuffisance de motivation et méconnaissance par le magistrat désigné de l'étendue de son office ;

- en conséquence de cette annulation, les décisions du préfet du Haut-Rhin du 12 juin 2021 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays de destination et interdiction de retour en France pendant un an doivent être annulées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2022, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 février 2022.

II. Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2021, sous le n° 21NC02863, M. B... D..., représenté par Me Schweitzer, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2104695 du tribunal administratif de Strasbourg du 1er octobre 2021 ;

2°) d'annuler la décision du préfet du Haut-Rhin du 12 juin 2021 portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2022, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mars 2022.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 21NC02231 et 21NC02863, présentées pour M. B... D..., concernent la situation d'un même étranger au regard de son droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. D... est un ressortissant ivoirien, né le 5 octobre 2002. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France en janvier 2018, alors qu'il était encore mineur, et a été pris en charge, à la suite d'une ordonnance du tribunal pour enfants de E... du 30 janvier 2018, par les services de l'aide sociale à l'enfance du Haut-Rhin. Après avoir rejeté, le 18 décembre 2020, la demande d'admission au séjour en qualité de jeune majeur, que l'intéressé avait présentée le 17 août 2020 en application des dispositions, alors en vigueur, du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Haut-Rhin, par une décision du même jour, l'a néanmoins autorisé à séjourner provisoirement sur le territoire français jusqu'au 25 juillet 2021 afin de lui permettre de poursuivre ses études. Le requérant ayant été interpellé le 11 juin 2021 pour des faits de vol à la roulotte, puis placé en garde à vue, le préfet, par deux arrêtés pris le lendemain, d'une part, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui interdit le retour en France pendant un an, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département du Haut-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours. M. D... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de ces arrêtés. Il relève appel des jugements n° 2104172 du 6 juillet 2021 et n° 2104695 du 1er octobre 2021 qui rejettent l'ensemble des conclusions de sa demande.

En ce qui concerne la requête n° 21NC02231 :

3. Il ressort des pièces du dossier que le magistrat désigné, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 776-17 du code de justice administrative, a renvoyé à la formation collégiale compétente du tribunal administratif de Strasbourg le jugement des conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision du préfet du Haut-Rhin du 12 juin 2021 portant refus de délivrance d'un titre de séjour et celui des conclusions accessoires dont elles sont assorties. Si le premier juge, après avoir rejeté le surplus des conclusions à fin d'annulation de la demande, a rejeté, par voie de conséquence, les conclusions accessoires dont elles étaient également assorties, et qu'il n'avait pas renvoyées à la formation collégiale, il n'a, ce faisant, ni méconnu l'étendue de sa compétence, ni insuffisamment motivé son jugement. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement de première instance contesté est entaché d'irrégularité et qu'il doit, en conséquence, être annulé. Il n'est pas davantage fondé à soutenir que ce jugement est entaché d'une contradiction de motifs.

4. En l'absence de toute contestation relative à la légalité des décisions litigieuses, le requérant n'est pas davantage fondé à sollicité l'annulation des décisions du préfet du Haut-Rhin du 12 juin 2021 portant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays de destination, interdiction de retour en France pour une durée d'un an et assignation à résidence, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions à fin d'annulation dirigées contre ces décisions et les conclusions accessoires dont elles sont assorties. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et les conclusions à fin d'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne la requête n° 21NC02863 :

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision en litige a été signée, " pour le préfet et par délégation ", par M. B... A..., directeur de cabinet. Or, par un arrêté du 24 août 2020, régulièrement publié le jour même au recueil spécial n°71 des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Haut-Rhin a consenti à l'intéressé une délégation de signature à l'effet notamment de signer, lorsqu'il assure la permanence du samedi, les arrêtés et décisions, à l'exception " des actes pour lesquels une délégation de signature a été conférée à un chef de service de l'Etat dans le département, des réquisitions de la force publique, des arrêtés de conflit et des ordres de réquisition du comptable public ". M. D... n'établit pas, ni même n'allègue, que la signature de la décision en litige, qui a été prise un samedi, aurait été déléguée à un chef de service de l'Etat dans le département. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'acte en cause manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... aurait sollicité son admission exceptionnelle au séjour en application du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ayant repris celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet du Haut-Rhin n'ayant pas examiné d'office si l'intéressé pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement, ainsi qu'il lui était loisible de le faire à titre gracieux, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions en cause doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, reprenant les dispositions figurant antérieurement au 7° de l'article L. 313-11 de ce code : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. D... n'est présent sur le territoire français que depuis le mois de janvier 2018. Célibataire et sans enfant à charge, il ne justifie d'aucune attache familiale ou personnelle en France. Il n'est pas isolé dans son pays d'origine, où vivent notamment ses parents avec lesquels il a admis entretenir des contacts téléphoniques réguliers. Si le requérant fait valoir qu'il est inscrit au lycée Charles Stoessel de E... en vue de la préparation d'un certificat d'aptitude professionnelle d'électricien, qu'il est bien intégré dans la société française et qu'il espère trouver prochainement un emploi pour subvenir à ses besoins, il n'est pas contesté que le préfet du Haut-Rhin a, le 18 décembre 2020, refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de jeune majeur en raison d'un manque d'investissement dans son travail scolaire et d'un comportement inapproprié en classe. Enfin, déjà connu des services de police pour des faits de recel de bien provenant d'un vol le 7 décembre 2019, il est constant que l'intéressé a été interpellé pour des faits de vol à la roulotte le 11 juin 2021. Par suite, alors même que M. D..., dont la convocation devant le tribunal correctionnel de E... a été fixée au 8 octobre 2021, bénéficiait de la présomption d'innocence à la date de la décision en litige, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En quatrième et dernier lieu, pour les raisons qui viennent d'être exposées, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Haut-Rhin aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle en s'abstenant de faire usage de son pouvoir de régularisation à titre exceptionnel.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à solliciter l'annulation de la décision du préfet du Haut-Rhin du 12 juin 2021 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions dirigées contre cette décision et les conclusions accessoires dont elles sont assorties. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et les conclusions à fin d'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. D... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2022.

Le rapporteur,

Signé : E. C...

La présidente,

Signé : A. SAMSON-DYE

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N°S 21NC02231 et 21NC02863 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02231
Date de la décision : 15/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : SCHWEITZER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-15;21nc02231 ?
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