Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. I... B..., M. G... B..., M. N... E..., Mme O... E..., M. Q... E..., M. J... E..., M. L... E... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner solidairement le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône, la société AXA France IARD, M. S... et M. K..., à leur verser une indemnité de 245 468,88 euros en raison des préjudices liés au décès de Mme P... B....
Par un jugement n° 1601341 du 24 avril 2018, le tribunal administratif de Besançon a condamné solidairement le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône et la société AXA France IARD à verser la somme de 176 090 euros à M. I... B..., la somme de 15 000 euros à M. G... B..., les sommes de 6 500 euros chacun à M. N... E..., Mme O... E..., M. Q... E..., M. J... E..., M. L... E... et M. D... E... ainsi que la somme de 8 755,80 euros à la caisse primaire d'assurances maladie de Haute-Saône.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 juin 2018 et le 12 décembre 2019, le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône et la société AXA France IARD, représentés par Me Coulombeau Soucachet, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :
1°) à titre principal, de surseoir à statuer jusqu'à la production par les consorts B... et E... de l'expertise des docteurs Mantion et Chopard ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon, de rejeter les demandes présentées par les consorts B... et E... et par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Saône et d'ordonner la restitution des sommes qu'ils ont versées aux consorts B... et E... et à la CPAM de la Haute-Saône en exécution du jugement de première instance ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer l'origine et les causes du décès de Mme P... B..., ainsi que les éventuelles responsabilités encourues, puis, en tout état de cause, de ramener les réclamations présentées à de plus justes proportions.
Ils font valoir que :
- la cour doit surseoir à statuer jusqu'à ce que les consorts B... et E... leur communiquent l'expertise réalisée par les docteurs Mantion et Chopard ;
- le docteur K..., médecin de garde, n'a certes pas examiné Mme B..., mais il a été informé des résultats des bilans biologique et radiologique demandés à l'issue de l'examen réalisé par Mme F..., interne de garde ; l'absence d'examen n'est pas fautive dès lors qu'après les différents examens réalisés par l'interne, aucun élément ne mettait en évidence des signes inquiétants évoquant un risque immédiat qui aurait justifié l'intervention du docteur K... ;
- il n'y a pas de faute à ne pas avoir informé le docteur S..., gynécologue de garde, du diagnostic posé par le docteur C... ; il s'agit tout au plus d'un manquement sans caractère de gravité ;
- il ne peut lui être reproché de ne pas avoir diagnostiqué une appendicite avec péritonite localisée ; les constats opérés et les examens menés étaient difficiles d'interprétation et ne pouvaient pas permettre un tel diagnostic ;
- il n'y pas de faute à ne pas avoir réalisé une appendicectomie en urgence et à n'avoir prescrit qu'un traitement antibiotique ;
- les éventuels manquements du centre hospitalier ne peuvent, en tout cas, pas être regardés comme étant en lien avec le décès de Mme B..., dès lors que la cause de son décès n'est pas établie de façon certaine ; les experts ayant conclu à un décès du fait d'un choc septique n'ont pas pris en compte les indications de l'autopsie ;
- si un doute subsistait pour la cour, une expertise médicale devrait être ordonnée afin de déterminer la cause du décès de Mme B..., ainsi que les éventuelles responsabilités encourues.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 31 décembre 2018 et le 2 août 2019 M. I... B..., M. G... B..., M. N... E..., Mme O... E..., M. Q... E..., M. J... E..., M. L... E... et M. D... E..., représentés par Me Cotillot, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête du centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône et de la société AXA France IARD ;
2°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Besançon du 24 avril 2018 ;
3°) de condamner solidairement le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône et de la société AXA France IARD à verser la somme de 210 177,68 euros à M. I... B..., de verser la somme de 15 000 euros à M. G... B..., la somme de 18 000 euros chacun à Mme O... E... et à M. N... E..., ainsi que la somme de 10 000 euros chacun à M. Q... E..., à M. J... E..., à M. L... E... et à M. D... E... ;
4°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier intercommunal de la
Haute-Saône et de la société AXA France IARD la somme de 7 000 euros au titre des frais exposés en première instance et en appel sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- l'organisation du centre hospitalier a été défectueuse ; Mme F..., interne ayant pris en charge Mme B..., n'a pas pris en compte le courrier du docteur C... qui faisait mention de suspicion d'appendicite atypique avec ulcère biliaire perforé ; il n'est pas établi que le docteur K..., médecin sénior de garde au service des urgences, le docteur H..., radiologue, ou le docteur S..., médecin de garde au service gynécologie-obstétrique, aient eu connaissance de ce courrier ou, en tout cas, l'aient pris en compte ; la communication entre les différents médecins a été insuffisante ;
- les différents docteurs n'ont pas su diagnostiquer l'appendicite atypique de Mme B..., alors qu'ils avaient les éléments suffisants pour le faire et notamment un courrier d'un spécialiste suspectant une telle appendicite et les invitant à s'y intéresser spécifiquement ; le docteur K... aurait dû examiner personnellement Mme B... et solliciter l'avis d'un chirurgien ; le docteur S... aurait également dû examiner personnellement Mme B... ;
- au vu de l'appendicite aiguë dont souffrait Mme B..., le seul hébergement sans surveillance particulière dans le service gynécologie-obstétrique et l'administration d'un traitement antibiotique probabiliste n'étaient pas suffisants, une appendicectomie aurait dû être réalisée en urgence ;
- les expertises concluent à ce que Mme B... est décédée d'un état de choc septique secondaire à une appendicite aigüe perforée ; ce décès est en lien avec les différents manquements du centre hospitalier ;
- il doit être confirmé les différents préjudices reconnus par le tribunal administratif, mais le préjudice économique de M. B... doit être évalué à 180 166 euros et non à 153 787 euros comme l'a fait le tribunal ; le préjudice d'affection de M. N... E... et Mme O... E... doit être réévalué à 18 000 euros pour chacun d'eux ; le préjudice d'affection de M. Q... E..., à M. J... E..., à M. L... E... et à M. D... E... doit être réévalué à 10 000 euros chacun.
Par deux mémoire en défense enregistrés le 24 octobre 2018 et le 9 décembre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône, représentée par Me Fort, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) de rejeter la requête du centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône et de la société AXA France IARD ;
2°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Besançon du 24 avril 2018 ;
3°) de condamner solidairement le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône et de la société AXA France IARD à lui verser la somme de 7 708,80 euros au titre des remboursements des débours, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa première demande, ainsi que la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
4°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône et de la société AXA France IARD la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- au regard des différentes expertises, il apparaît que l'absence de soins appropriés et l'organisation inadéquate des services d'urgence et de gynécologie-obstétrique a été à l'origine du décès de Mme B... ; la responsabilité du centre hospitalier et de son assureur doit être engagée pour faute ;
- elle doit être indemnisée au titre des remboursements des débours opérés à hauteur de 7 708,80 euros ; cette somme doit être assortie des intérêts au taux légal à compter de sa première demande ; elle doit également être indemnisée à hauteur de 1 080 euros au titre de l'indemnité de gestion.
Par une ordonnance du 12 décembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 7 janvier 2020.
Un mémoire présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône a été enregistré le 25 janvier 2021, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. M...,
- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,
- et les observations de Me Coulombeau Soucachet, pour le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône et la société AXA France IARD.
Considérant ce qui suit :
1. Mme P... B..., qui souffrait depuis plusieurs jours de douleurs abdominales importantes, s'est présentée le 20 avril 2012 au service des urgences de l'antenne de Vesoul du centre hospitalier intercommunal (CHI) de la Haute-Saône sur demande expresse du docteur C..., médecin gastro-entérologue, qui venait de l'examiner et suspectait une appendicite atypique devant être traitée rapidement. Après avoir remis un courrier rédigé par le docteur C..., Mme P... B... a été prise en charge par l'interne alors en service, Mme F..., et ce sous la supervision du docteur K..., médecin sénior de garde au service des urgences. A la suite de la réalisation de plusieurs examens, Mme B... a été placée, sous traitement antibiotique de couverture, en hébergement pour la nuit au service de
gynécologie-obstétrique au sein duquel le docteur S... était de garde. Mme B... a été retrouvée sans vie dans son lit le lendemain matin. L'époux de la défunte, M. I... B..., son fils, M. G... B..., ses parents, M. et Mme E... et ses frères, MM. Jean-Marie, Michel, Bernard et Damien E... ont demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner solidairement le CHI de Haute-Saône, son assureur, la société AXA France IARD et les docteurs K... et Mangengue Sosso à réparer les différents préjudices causés par ce décès. Par un jugement du 24 avril 2018, le tribunal administratif a, après avoir mis hors de cause MM. K... et Mangengue Sosso, condamné solidairement le centre hospitalier et son assureur à verser à M. I... B... la somme de 2 223 euros en sa qualité d'ayant droit de Mme B..., ainsi que la somme de 173 866,88 euros au titre de ses préjudices propres, mais aussi à verser la somme de 15 000 euros à M. G... B... au titre de son préjudice d'affection, ainsi que les sommes de 6 500 euros chacun à Mme O... E... et à MM. Maurice E..., Jean-Marie E..., Michel E..., Bernard E... et Damien E... au titre de leurs préjudices d'affection. Le tribunal a également condamné le centre hospitalier et son assureur à verser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Saône la somme de 8 755,80 euros. Le CHI de la Haute-Saône et la société AXA France IARD relèvent appel de ce jugement. Les consorts B... et E... sollicitent, au titre de l'appel incident, la revalorisation des indemnités accordées pour certains préjudices. La CPAM de la Haute-Saône sollicite une actualisation des sommes qui lui sont dues.
Sur les conclusions à fin qu'il soit sursis à statuer :
2. Le CHI de la Haute-Saône et son assureur sollicitent qu'il soit sursis à statuer jusqu'à ce que les consorts B... et E... produisent l'expertise des docteurs Mantion et Chopard, réalisée dans le cadre de la procédure pénale engagée parallèlement au recours indemnitaire présenté devant les juridictions administratives. Pour autant, les parties ont déjà produit un nombre conséquent d'expertises permettant à la cour de disposer de toutes les informations pertinentes sur le présent litige. Par suite, les conclusions à fin de sursis à statuer doivent, en tout état de cause, être rejetées.
Sur le principe de la responsabilité :
3. Aux termes du premier alinéa du premier paragraphe du I de l'article L. 1142-1 du code de santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ".
4. Il résulte de l'instruction que Mme B... souffrait, depuis la nuit du 16 au 17 avril 2012, de vives douleurs abdominales. Après avoir réalisé différents examens, qui ont notamment révélé l'existence d'une hyperleucocytose et d'un niveau de protéine C-réactive (CRP) très largement supérieur à la normale, soit des données témoignant d'une inflammation aigüe, Mme B..., qui présentait alors une très forte fièvre, a consulté, le 20 avril 2012 en fin d'après-midi, le docteur C..., médecin gastro-entérologue. Ce dernier lui a enjoint de se présenter au service des urgences de l'antenne de Vesoul du CHI de la Haute-Saône. Il lui a également remis un courrier à l'attention du médecin de garde du service des urgences afin d'avertir ce dernier qu'il suspectait une " appendicite atypique, un ulcère biliaire perforé bouché ". A son arrivée au service des urgences, un peu avant 19 heures 30, Mme B... a été exclusivement prise en charge par Mme F..., interne alors en service, à qui elle a notamment remis la lettre du docteur C.... Si sa fièvre était retombée à son arrivée au service des urgences et si ses douleurs s'étaient atténuées sous l'effet des antalgiques administrés, cette amélioration pouvait s'expliquer par le phénomène connu sous la dénomination d'" accalmie traitresse de Dieulafoy ". Mme B... présentait, depuis quatre jours, une symptomatologie inquiétante, ses analyses biologiques, y compris celles réalisées le soir même au service des urgences, faisaient état d'une hyperleucocytose et d'un niveau de CRP très nettement supérieur à la moyenne normale et, enfin, le docteur C..., gastro-entérologue, avait expressément averti le médecin de garde sur une possible appendicite atypique. Ces circonstances imposaient que le docteur K..., médecin de garde au service des urgences, examine lui-même la patiente et s'assure de l'existence d'une appendicite. La localisation abdominale et pelvienne des douleurs, leur durée, la forte fièvre connue, les résultats des examens biologiques et le courrier du docteur C... auraient alors dû conduire le docteur K..., en dépit de l'accalmie connue par Mme B..., à diagnostiquer rapidement une appendicite atypique. De plus, il résulte également de l'instruction, que le docteur H..., radiologue au CHI, a été sollicitée dans la soirée afin de réaliser une échographie. A la suite de ce premier examen, le docteur H... a décidé de réaliser également un scanner, qui lui a permis de révéler, selon son compte-rendu, la présence en fosse illiaque droite " d'une structure d'allure digestive élargie, à paroi épaisse, avec une infiltration autour des structures de densité calcique ". Les résultats de ce scanner auraient dû, ainsi que le confirment unanimement les experts, permettre de diagnostiquer l'appendicite. Ce défaut de diagnostic a conduit à ce que Mme B... soit, de manière inadaptée, uniquement placée, sous traitement antibiotique de couverture, en hébergement pour la nuit au service de gynécologie-obstétrique, sans surveillance particulière. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le centre hospitalier intercommunal de Haute-Saône a fait preuve de manquements fautifs dans la prise en charge de Mme B....
Sur le lien entre les manquements fautifs et le décès de Mme B... :
5. Le CHI de la Haute-Saône ainsi que son assureur soutiennent que les manquements commis ne sont pas en lien avec le décès de Mme B..., dès lors que la cause du décès est incertaine. Il résulte de l'instruction que le médecin légiste ayant procédé à l'autopsie du corps précise expressément que le décès est vraisemblablement lié à un état de choc septique secondaire à une appendicite aiguë perforée. L'expertise du docteur A..., l'expertise des professeurs Raul, Diemunsch et Meyer, l'expertise des professeurs Quinton, Favarel, Collet et Horovitz et, enfin, l'expertise des docteurs Douvier et Favre se prononcent également en faveur d'une cause de décès liée à un état de choc septique secondaire à une appendicite aigüe perforée. Si les professeurs Peix, Raudrant et Lablanche ont fait part, dans leur expertise initiale, de doutes quant à l'existence d'un décès des suites d'un choc septique, en relevant notamment qu'un tel décès ne pouvait être immédiat et que Mme B... aurait dû avoir le temps d'appeler la sage-femme de garde au sein du service gynécologie-obstétrique, ils réfutent également toute autre cause de décès, à savoir notamment un choc anaphylactique, la survenance d'un troubles cardiaques, un problème viral, ou une hémorragie. Ces mêmes professeurs indiquent, de plus, dans le complément réalisé à la suite de leur expertise initiale, que la cause de décès la plus probable est le choc septique compliquant une appendicite perforée. Or, il résulte de l'instruction et notamment des expertises des professeurs Raul, Diemunsch et Meyer ainsi que des docteurs Douvier et Favre que, diagnostiquée suffisamment en amont, soit dans la soirée du 20 avril 2012, l'appendicite de Mme B... aurait dû, du fait de l'ancienneté des douleurs, du tableau clinique de la patiente et des données biologiques à disposition du CHI, être opérée en urgence pour procéder à une appendicectomie, et qu'une telle opération, réalisée dans la soirée du 20 avril 2012, aurait permis d'éviter le décès de Mme B.... Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la perte de chance d'éviter le décès découlant des manquements doit être regardée comme totale, en l'absence de comorbidité. Par suite, les différents manquements du CHI de la Haute-Saône sont directement à l'origine de son décès et le CHI et son assureur sont tenus d'indemniser les différents préjudices en lien avec le décès de Mme B....
Sur les préjudices :
En ce qui concerne les préjudices de Mme P... B... :
6. Les indemnités de 23 euros et de 2 200 euros accordées par les premiers juges au titre du déficit fonctionnel, ainsi que des souffrances endurées par Mme B... ne sont pas contestées par les parties, les consorts B... et E... se bornant à solliciter au titre de ces préjudices les mêmes sommes que celles déjà attribuées par les premiers juges. Il y a donc lieu de confirmer l'évaluation du préjudice lié au déficit fonctionnel à hauteur de 23 euros, ainsi que l'évaluation du préjudice résultant des souffrances endurées par Mme B... à hauteur de 2 200 euros.
7. Par suite, le CHI de la Haute-Saône et la société AXA France IARD verseront la somme de 2 223 euros à M. I... B..., en sa qualité d'ayant-droit de Mme P... B....
En ce qui concerne les préjudices propres de M. I... B... :
Quant au préjudice d'affection et aux frais d'obsèques :
8. Les indemnités de 25 000 euros et de 2 788,68 euros accordées par les premiers juges au titre du préjudice d'affection de M. I... B... et des frais d'obsèques qu'il a engagés ne sont pas contestées par les parties, les consorts B... et E... se bornant à solliciter au titre de ces préjudices les mêmes sommes que celles déjà attribuées par les premiers juges. Il y a donc lieu de confirmer l'évaluation du préjudice lié au déficit d'affection à hauteur de 25 000 euros, ainsi que l'évaluation du préjudice lié aux frais d'obsèques à hauteur de 2 788,68 euros.
Quant au préjudice économique :
9. Le préjudice économique subi par une personne du fait du décès de son conjoint est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à son entretien, compte tenu, le cas échéant, de ses propres revenus et déduction faite des prestations reçues en compensation. Le préjudice est établi par référence à un pourcentage des revenus de la victime affectés à l'entretien de la famille et est, lorsque le préjudice est indemnisé par un capital à verser au conjoint survivant, obtenu par l'application au montant annuel des pertes de revenus d'un coefficient de capitalisation. Ce coefficient est déterminé au regard de l'âge de celui des deux conjoints qui présentait, indépendamment de l'accident, la moins importante espérance de vie, à la date à laquelle il est procédé à la capitalisation.
10. Il résulte de l'instruction qu'avant son décès, Mme B... percevait un salaire annuel de 25 030 euros, tandis que M. I... B... percevait annuellement un salaire de 28 953 euros. Les revenus du couple s'élevaient ainsi annuellement à 53 983 euros. M. G... B..., enfant du couple, étant, au jour du décès de Mme B..., âgé de plus de 25 ans et n'étant plus à la charge de ses parents, il peut être retenu que la victime consommait une fraction de 35 % de ces revenus, ainsi que l'a retenu à juste titre le tribunal. En déduisant cette part d'autoconsommation, soit 18 894,05 euros, ainsi que le revenu de M. I... B..., la perte annuelle de revenus de M. I... B... imputable à l'accident médical est de 6 135, 95 euros. Il ne résulte pas de l'instruction que la capitalisation de cette somme en recourant, ainsi que les premiers juges en avaient la liberté, au coefficient de capitalisation prévu par le référentiel de l'ONIAM pour un homme de 48 ans, soit l'âge, au jour du décès de la victime, de M. B..., conjoint ayant, sans l'accident, la moins importante espérance de vie, et ainsi à l'évaluation par les premiers juges de ce préjudice à hauteur de 146 078,20, après avoir pris en compte la somme de 7 708,80 euros versée au titre du capital décès, ne permette pas une indemnisation suffisante de ce poste de préjudice.
11. Par suite, les conclusions des consorts B... et E... à fin de réévaluation du montant des sommes accordées par le tribunal administratif à M. I... B... au titre de ses préjudices propres doivent donc être rejetées.
En ce qui concerne le préjudice d'affection subi par M. G... B... :
12. L'indemnité de 15 000 euros accordée par les premiers juges au titre du préjudice d'affection de M. G... B... n'est pas contestée par les parties, les consorts B... et E... se bornant à solliciter au titre de ce préjudice la même somme que celle déjà attribuée par les premiers juges. Il y a donc lieu de confirmer l'évaluation du préjudice d'affection de M. G... B... à hauteur de 15 000 euros.
En ce qui concerne les préjudices d'affection des parents et des frères de Mme P... B... :
13. Il ne résulte pas de l'instruction qu'en évaluant à la somme de 6 500 euros chacun l'indemnisation du préjudice d'affection subi par les parents de Mme B..., soit M. N... E... et Mme O... E..., ainsi que par les frères de Mme B..., soit MM. Jean-Marie E..., Michel E..., Bernard E... et Damien E..., les premiers juges auraient fait une insuffisante appréciation de ce chef de préjudice.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, que les conclusions du CHI de la Haute-Saône et de la société AXA France IARD tendant à l'annulation du jugement et à la restitution des sommes versées aux consorts E... et B... ainsi qu'à la CPAM en exécution du jugement de première instance et enfin qu'il soit ordonné une nouvelle expertise doivent être rejetées. Les intimés ne sont, pour leur part, pas fondés à demander la réévaluation des sommes que le tribunal administratif a condamné le CHI de la Haute-Saône et son assureur à leur verser.
Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône :
En ce qui concerne les débours :
15. La caisse primaire d'assurance maladie ne justifiant d'aucun débours autre que celui lié au versement à M. I... B... d'un capital décès de 7 708,80 euros, déjà invoqué devant les premiers juges, il y a lieu de confirmer l'évaluation des premiers juges sur ce point. La CPAM est fondée toutefois à solliciter pour la première fois en appel que cette somme soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2019, date de sa première demande devant le tribunal administratif.
En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :
16. Aux termes du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget (...) ".
17. La CPAM de la Haute-Saône, qui n'obtient pas en appel une majoration de la somme allouée par les premiers juges au titre de ses débours, n'est pas fondée à demander une actualisation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Sur les frais d'instance :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par le CHI de la Haute-Saône et la société AXA France IARD, qui ont la qualité de partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de solidaire du CHI de la Haute-Saône et de la société AXA France IARD la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les intimés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'accueillir les conclusions par la CPAM de la Haute-Saône au titre des frais d'instance non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône et de la société AXA France IARD est rejetée.
Article 2 : La somme de 7 708,80 euros que le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône et la société AXA France IARD ont été solidairement condamnés à verser à la CPAM de la Haute-Saône en remboursement de ses débours est assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2019.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 24 avril 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône et la société AXA France IARD verseront à M. I... B... et autres la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. I... B... et autres, ainsi que le surplus des conclusions de la CPAM de la Haute-Saône sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier intercommunal de la Haute-Saône, à la société AXA France IARD, à M. I... B... en application des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2022.
Le rapporteur,
Signé : S. M...
La présidente,
Signé : A. SAMSON-DYELe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 18NC01815
2