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14/06/2022 | FRANCE | N°19NC02082

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 14 juin 2022, 19NC02082


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs C... et E... A..., a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, par deux requêtes distinctes, de condamner l'Etat à lui verser deux fois la somme de 196 500 euros en réparation du préjudice causé par l'absence de prise en charge de ses enfants E... et C... au sein d'un institut médico-éducatif.

Par un jugement n° 1800033-1800034 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Châ

lons-en-Champagne a condamné l'Etat à verser à Mme D... la somme de 5 000 euros ai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs C... et E... A..., a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, par deux requêtes distinctes, de condamner l'Etat à lui verser deux fois la somme de 196 500 euros en réparation du préjudice causé par l'absence de prise en charge de ses enfants E... et C... au sein d'un institut médico-éducatif.

Par un jugement n° 1800033-1800034 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Etat à verser à Mme D... la somme de 5 000 euros ainsi que deux fois la somme de 7 000 euros en sa qualité de représentante légale de E... et de C... A... et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juillet 2019, Mme D..., représentée par Me Vocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 juin 2019 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande ;

2°) de condamner l'Etat à verser à son fils C... A... la somme de 121 500 euros au titre du préjudice subi du fait du non-respect de l'obligation de prise en charge au sein d'un institut médico-éducatif ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice moral ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son autre fils, E... A..., une somme de 25 000 euros au titre de son préjudice moral ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est fondée à solliciter une indemnisation supérieure à celle accordée par le tribunal administratif qui a retenu la carence fautive de l'Etat ;

- son fils, C..., a droit à une indemnité 121 500 euros du fait de l'absence de prise en charge éducative adaptée à son état pendant plus de trois ans :

. au regard du barème retenu par la cour administrative d'appel de Marseille pour un cas similaire, le montant alloué par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est sous-évalué ;

. il a subi un préjudice de formation qui ne pourra être indemnisé à moins de 15 000 euros ;

. il a subi des troubles dans ses conditions d'existence qui ne pourront être indemnisés à moins de 31 500 euros ;

. il a subi un préjudice moral qui ne pourra être indemnisé à moins de à 75 000 euros ;

- elle a subi un préjudice moral de 50 000 euros car elle a dû garder pendant trois ans son enfant à demeure ;

- le frère jumeau de C..., E..., a également subi un préjudice moral qui ne pourra être indemnisé à moins de 25 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juin 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens ne sont pas fondés ;

- le préjudice de l'enfant évalué à hauteur de 7 000 euros par le tribunal administratif ne pourra qu'être confirmé ;

- le préjudice moral de la mère évalué à 5 000 euros par le tribunal administratif ne pourra qu'être confirmé ;

- le montant sollicité de 25 000 euros est manifestement excessif.

Par une ordonnance du 8 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 2 mai 2022 à 12h00.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. E... et C... A..., nés le 11 mars 2010, souffrent de troubles autistiques. Par un courrier du 1er septembre 2017, leur mère, Mme D..., a demandé à l'Agence régionale de santé Grand Est la réparation de son préjudice et de ceux subis par ses fils, à raison de la carence de l'Etat dans la mise en place d'une prise en charge de ses enfants conforme à l'orientation décidée par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'Agence régionale de santé Grand Est sur cette demande. Mme D..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants E... et C..., a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, par deux requêtes distinctes qui seront jointes par le tribunal, de condamner l'Etat à réparer les préjudices subis pour un montant global de 196 500 euros pour chacun de ses deux enfants. Mme D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 juin 2019 en tant que dans l'instance 1800034 relative à l'enfant C..., celui-ci n'a pas fait droit à l'intégralité des sommes demandées au titre de la réparation des préjudices subis.

Sur le montant des préjudices

En ce qui concerne les préjudices de C... :

2. Si l'enfant a été privé d'une prise en charge pluridisciplinaire spécifiquement adaptée à ses troubles conformément à l'orientation décidée par la CDAPH pendant deux ans et six mois, soit du 30 mars 2015 au 3 octobre 2017, il n'a cependant pas été privé de toute prise en charge éducative. Au cours de cette période, C... a d'abord bénéficié jusqu'au 6 janvier 2016 d'une prise en charge éducative adaptée en milieu scolaire avec la présence d'un accompagnant d'élèves en situation de handicap trois heures quarante-cinq par semaine puis d'une prise en charge dans un hôpital de jour et par le service d'éducation spéciale et de soins à domicile " Aubtimisme " trois fois par semaine en complément d'une scolarisation en école préélémentaire. Au regard de ces éléments et alors que la requérante se borne à se prévaloir d'un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 11 juin 2012 pour contester le montant qui a été alloué au bénéfice de C..., il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient procédé à une inexacte évaluation des préjudices subis par l'enfant en la fixant à la somme globale de 7 000 euros.

En ce qui concerne le préjudice moral de Mme D... :

3. Alors qu'il résulte de ce qui précède que son enfant a été partiellement pris en charge, la requérante n'apporte à hauteur d'appel aucun élément de nature à démontrer que l'évaluation retenue par les premiers juges serait insuffisante. Il n'y a donc pas lieu de lui accorder, au titre de son préjudice moral, une indemnité supplémentaire à celle qui lui a été allouée par les premiers juges.

En ce qui concerne le préjudice moral de E... :

4. Il ressort des termes du jugement que celui-ci a alloué une indemnité globale de 7 000 euros à E..., laquelle répare en partie le préjudice moral subi par celui-ci du fait de la carence de l'Etat dans la prise en charge tardive de son frère jumeau au sein d'un institut médico éducatif. La requérante n'apporte à hauteur d'appel aucun élément au soutien de sa demande tendant à ce qu'une somme de 25 000 euros soit allouée à E... pour ce seul préjudice. Dans ces circonstances, et en l'absence de toute critique permettant de remettre en cause le montant alloué par les premiers juges, les conclusions de Mme D... ne peuvent qu'être rejetées.

5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg n'a fait droit que partiellement à sa demande indemnitaire. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et à la ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera délivrée à l'agence régionale de santé Grand Est.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Ghisu-Deparis, présidente,

Mme Grossrieder, présidente assesseure,

Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 19NC02082


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02082
Date de la décision : 14/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : VOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-14;19nc02082 ?
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