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14/06/2022 | FRANCE | N°19NC01022

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 14 juin 2022, 19NC01022


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Stallini SA (Stallini) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, à titre principal, d'une part, de procéder à la rectification du décompte général relatif au lot n°11 " plomberie - sanitaire " du marché de restructuration d'une partie des bâtiments et de construction d'un bâtiment du centre hospitalier de Pfastatt, afin de faire apparaître à son crédit un solde de 151 346,03 euros, majoré des intérêts de retard, d'autre part, de condamner le centre hospitalier de Pfastatt à l

ui verser la somme de 4 755,30 euros correspondant à une facture émise le 24 octob...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Stallini SA (Stallini) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, à titre principal, d'une part, de procéder à la rectification du décompte général relatif au lot n°11 " plomberie - sanitaire " du marché de restructuration d'une partie des bâtiments et de construction d'un bâtiment du centre hospitalier de Pfastatt, afin de faire apparaître à son crédit un solde de 151 346,03 euros, majoré des intérêts de retard, d'autre part, de condamner le centre hospitalier de Pfastatt à lui verser la somme de 4 755,30 euros correspondant à une facture émise le 24 octobre 2013, majorée des intérêts de retard, la somme de 58 240,20 euros au titre du préjudice subi dans le cadre de l'exécution du contrat et la somme de 400 euros au titre des intérêts de retard dans le cadre du paiement de la facture n° 1111092 du 30 novembre 2011 et, enfin, de condamner le centre hospitalier de Pfastatt à lui restituer la retenue de garantie de 38 870 euros, majorée des intérêts de retard à compter du 1er janvier 2014, ainsi que de mettre à la charge du centre hospitalier de Pfastatt le versement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le centre hospitalier de Pfastatt, dans son mémoire en défense du 12 mars 2018, a demandé au tribunal de fixer le solde du marché à la somme de 371 328,83 euros au débit de la société Stallini et, à titre reconventionnel, de condamner cette dernière à lui verser un montant de 242 542,09 euros au titre du solde du marché, sans préjudice de la somme de 128 786,74 euros due à la compagnie Allianz IARD, son assureur subrogé, ainsi que de mettre à la charge de la société Stallini le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La compagnie Allianz IARD a demandé, à titre principal, la jonction avec l'instance enregistrée sous le n° 1604148 devant le tribunal administratif de Strasbourg, dans laquelle le centre hospitalier de Pfastatt demandait sa condamnation à lui verser la somme de 125 715,09 euros et de réserver ses droits et, à titre subsidiaire, de condamner la société Stallini à lui verser la somme de 128 786,74 euros, de limiter les demandes présentées par le centre hospitalier de Pfastatt à hauteur de 78 336,70 euros et de mettre à la charge solidaire de la société Stallini et du centre hospitalier de Pfastatt le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500535 du 6 février 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la société Stallini à verser la somme de 28 637,97 euros au centre hospitalier de Pfastatt, à verser la somme de 128 786,14 euros à la Compagnie Allianz IARD et a rejeté le surplus des demandes des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 4 avril 2019, 23 mars et 30 août 2021 et 23 mars 2022, la société Stallini, représentée par Me Cereja, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 février 2019 ;

2°) d'appeler en cause la société EDEIS, venant aux droits de la société SNC Lavalin ;

3°) si nécessaire, de designer un expert ;

4°) à titre principal, de procéder à la rectification du décompte général du marché afin de faire apparaître à son profit un solde de 151 346,03 euros, majoré des intérêts de retard ;

5°) de condamner le centre hospitalier de Pfastatt à lui verser la somme de 58 240,20 euros au titre du préjudice subi dans le cadre de l'exécution du marché ;

6°) de condamner le centre hospitalier de Pfastatt à lui verser la somme de 400 euros au titre des intérêts de retard dans le cadre du paiement de la facture n° 1111092 en date du 30 novembre 2011 ;

7°) à titre subsidiaire, de procéder à la réduction des pénalités mises à sa charge dans le décompte général du marché ;

8°) de condamner la société MMA IARD Assurances Mutuelles à la garantir des éventuelles condamnations prononcées à son encontre en sa qualité d'assureur responsabilité civile décennale ;

9°) dans tous les cas, de mettre à la charge du centre hospitalier de Pfastatt le versement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- les dysfonctionnements de l'installation d'eau chaude sanitaire ne résultent pas d'un défaut d'exécution mais d'un défaut de conception des pompes mises en œuvre par le titulaire du lot n° 10 " chauffage-ventilation-désenfumage " ;

- la réserve qui lui a été opposée par le maître d'ouvrage concernant l'équilibrage hydraulique des réseaux d'eau chaude sanitaire et de bouclage de l'eau chaude sanitaire ne portait que sur un réglage de température de mise en service mais pas sur la résolution d'un dysfonctionnement ;

- elle n'était pas tenue, selon les stipulations du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) de son lot, d'équilibrer l'ensemble des réseaux d'ECS des trois bâtiments, mais était seulement chargée du bâtiment C ;

- les travaux de mises en conformité prescrits par le " rapport BECS " du 2 mai 2013 impliquaient qu'elle réalise des prestations qui relevaient du lot n° 10 ;

- il ne peut lui être reproché un défaut de conseil au cours du chantier concernant des prestations étrangères à son lot ;

- elle est fondée à mettre en cause la société EDEIS, venant aux droits de la société SNC Lavalin, concepteur du bouclage d'eau chaude sanitaire à l'origine des problème d'équilibrage de la température de l'eau chaude sanitaire sur le réseau ;

- subsidiairement, le montant des pénalités restant à sa charge à la suite du jugement du tribunal demeure manifestement disproportionné ;

- dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, elle renvoie aux moyens développés dans ses mémoires de première instance.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 juin 2019, 10 septembre 2021, 23 mars 2022 et 26 avril 2022, le centre hospitalier de Pfastatt, représenté par la SELARL CM Affaires publiques, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement n° 1500535 du 6 février 2019 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a fixé le solde du marché à la somme de 157 424,71 euros au débit de la société Stallini, de fixer le solde du marché à la somme de 353 888,99 euros au débit de la société Stallini, de condamner la société Stallini à lui verser à ce titre une somme de 225 102,85 euros, sans préjudice de la somme de 128 786,64 euros due à la société Allianz en qualité d'assureur subrogé et, dans tous les cas, à ce que soit mis à la charge de de la société Stallini le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête, qui ne contient aucune critique du jugement, est irrecevable ;

- les moyens soulevés par la société Stallini ne sont pas fondés ;

- la société Stallini intervenait sur le chantier lorsque les détecteurs d'incendie du bâtiment A ont été endommagés par des dépôts de poussière ; elle est donc fondée à inscrire au débit de la société, dans le décompte général du marché, une somme de 14 947,33 euros, au titre des pénalités de retard pour l'ouverture du bâtiment A ;

- c'est à tort que les premiers juges ont procédé à la modulation du montant des pénalités de retard concernant les travaux du bâtiment C alors que la société Stallini n'a produit aucun élément de nature à démontrer son caractère manifestement excessif ;

- les travaux sur la conduite d'eau usée étaient compris dans le forfait.

Par un mémoire enregistré le 6 août 2019, la société Allianz IARD, représentée par la SELARL Le Discorde, Deleau, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Stallini le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, à la condamnation de tout constructeur auquel les désordres seraient imputables à lui verser la somme de 128 786,14 euros et à ce que soit mis à la charge de tout constructeur auquel les désordres seraient imputables le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 11 mars 2021, la société MMA IARD, représentée par Me Wetterer, forme une intervention volontaire en qualité d'assureur de la société Stallini.

Elle soutient qu'elle intervient au soutien de la société Stallini.

Par un mémoire enregistré le 7 mars 2022, la société EDEIS, représentée par Me De Puineuf, conclut, à titre principal, au rejet de la requête de la société Stallini, à titre subsidiaire, à la désignation d'un expert judiciaire et, dans tous les cas, à ce que soit mis à la charge de la société Stallini le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est étrangère au litige,

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés, d'une part, de l'incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur les conclusions d'appel en garantie dirigées contre la société MMA IARD, d'autre part, de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier de Pfastatt à verser à la société Stallini la somme de 400 euros au titre des intérêts de retard dans le cadre du paiement de la facture n° 1111092 en date du 30 novembre 2011 et, enfin, de l'irrecevabilité de l'intervention de la société MMA IARD pour absence de motivation.

Par ordonnance du 25 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 8 avril 2022.

Par un mémoire enregistré le 16 mai 2022, la société MMA IARD a présenté des observations sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité de son intervention.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picque, première conseillère,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Cereja, pour la société Stallini ainsi que celles de Me Durgun pour le centre hospitalier de Pfastatt.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'une opération de restructuration de ses bâtiments A et B et de la construction d'un nouveau bâtiment C, le centre hospitalier de Pfastatt, par un acte d'engagement signé le 7 juin 2011, a confié à la société Stallini l'exécution du lot n° 11 " sanitaire - plomberie " du marché public de travaux. Le 26 mars 2014 la société Stallini a transmis son décompte final au maître de l'ouvrage. Par un courrier reçu le 23 juillet 2014, l'entreprise a mis en demeure le centre hospitalier d'établir le décompte général de son lot, ce qui a été fait le 18 août 2014. La société Stallini a formé une réclamation contre ce décompte général faisant apparaître un solde de 289 890,94 euros en faveur du centre hospitalier de Pfastatt. Cette réclamation, reçue le 25 septembre 2014, a été implicitement rejetée.

2. La société Stallini fait appel du jugement n° 1500535 du 6 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à verser la somme de 28 637,97 euros au centre hospitalier de Pfastatt et la somme de 128 786,14 euros à la Compagnie Allianz IARD. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier de Pfastatt conteste le montant du solde fixé par les premiers juges et demande, à titre reconventionnel, la condamnation de la société requérante à lui verser une somme de 225 102,85 euros à ce titre.

Sur l'intervention de la société MMA IARD :

3. Le jugement à rendre sur la requête de la société Stallini est susceptible de préjudicier aux droits de son assureur. Dès lors, l'intervention de la société MMA IARD est recevable.

Sur les conclusions principales de la société Stallini et du centre hospitalier de Pfastatt :

En ce qui concerne le coût des travaux de levée des réserves :

4. Aux termes de l'article 41.3 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux (CCAG Travaux) : " Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'œuvre, le maître de l'ouvrage décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. S'il prononce la réception, il fixe la date qu'il retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée au titulaire dans les trente jours suivant la date du procès-verbal. La réception prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux. Sauf le cas prévu à l'article 41. 1. 3, à défaut de décision du maître de l'ouvrage notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'œuvre s'imposent au maître de l'ouvrage et au titulaire / (...) ". Selon l'article 41.6 du même document contractuel : " Lorsque la réception est assortie de réserves, le titulaire doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par le représentant du pouvoir adjudicateur ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini à l'article 44. 1. Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, le maître de l'ouvrage peut les faire exécuter aux frais et risques du titulaire, après mise en demeure demeurée infructueuse ".

5. En premier lieu, si le titulaire défaillant doit être mis à même de suivre l'exécution d'un marché de substitution conclu entre le maître de l'ouvrage et un autre entrepreneur pour l'achèvement des travaux, les contrats passés par le maître d'ouvrage avec un autre entrepreneur pour la seule reprise de malfaçons auxquelles le titulaire du marché n'a pas remédié ne constituent pas, en principe, des marchés de substitution soumis au droit de suivi de leur exécution. Il en résulte que le moyen tiré la méconnaissance du droit de suivi des marchés de substitution prévu par les stipulations de l'article 48.5 du CCAG, inapplicable en l'espèce, ne peut être utilement invoqué pour faire obstacle à ce que les frais occasionnés pour la résorption des malfaçons soient inscrits au décompte du titulaire du lot défaillant.

6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, le 21 janvier 2013, le centre hospitalier de Pfastatt a assorti de réserves sa décision de réception de la phase 1 des travaux, concernant la construction du bâtiment C. Par une décision du 15 février 2013, sur proposition du maître d'œuvre, le maître de l'ouvrage a maintenu certaines réserves, qui devaient être levées au plus tard le 7 février 2013 selon la décision de réception, dont celles intitulées " mise en service des réseaux eau froid sanitaire (EFS) + eau chaude sanitaire (ECS) + bouclage eau chaude sanitaire (BECS) " et " réaliser l'équilibrage hydraulique des réseaux ECS et BECS (température à régler) ". Le 26 avril 2013, le centre hospitalier de Pfastatt a mis en demeure la société Stallini de lever l'ensemble des réserves restantes à cette date, et notamment de procéder à l'équilibrage des réseaux d'ECS, ainsi que de mettre en place des " filtres terminaux " dans un délai d'une semaine, en l'informant qu'à défaut de respecter ce délai, une mise en régie à ses frais et risques pourrait être ordonnée. Le 7 mai 2013, le maître de l'ouvrage, en présence du maître d'œuvre et de la société Stallini, a constaté que les réserves n'étaient pas levées. Le 31 mai 2013, le bureau d'étude SNC Lavalin a remis au maître de l'ouvrage un rapport intitulé " Bouclage ECS n° 2 " ayant pour objet d'examiner les problèmes rencontrés sur l'installation d'ECS du bâtiment C et de proposer des solutions pour y remédier. Par un ordre de service (OS) n° 13 du 12 juin 2013, le maître d'œuvre a demandé à la société Stallini de réaliser l'ensemble des travaux de mise en conformité de l'installation d'ECS mentionnés dans l'étude du 31 mai 2013 au plus tard le 5 juillet 2013, en indiquant à l'entreprise qu'à défaut les travaux seraient exécutés à ses frais et risques par le maître de l'ouvrage. Par un courrier reçu le 24 juin 2013, la société Stallini a transmis au centre hospitalier de Pfastatt un devis pour la réalisation des travaux demandés par l'OS n° 13 en faisant valoir que ceux-ci avaient le caractère de travaux supplémentaires non prévus par les stipulations contractuelles du lot n° 11, conclu à prix forfaitaire. Le centre hospitalier de Pfastatt, après avoir déclaré à son assureur le sinistre relatif au déséquilibre et au manque de débit général des installations d'ECS, n'a pas donné suite à ce devis et a finalement conclu, le 15 novembre 2013, avec la société Génie climatique de l'Est (GCE), un marché intitulé " lot n° 111 - eau chaude sanitaire " ayant pour objet la réalisation des travaux prescrits par l'étude du 31 mai 2013, d'un montant de 58 236,38 euros HT. Ces travaux ont été réceptionnés le 6 mai 2014 par le maître de l'ouvrage.

7. Aux termes de l'article 1.4 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot n° 11 : " L'entrepreneur s'engage à exécuter tous les travaux nécessaires à la réalisation de l'ouvrage complètement achevé et en état de bon fonctionnement. (...) / Il doit procéder à la mise en service ". Selon l'article 1.5 du même document contractuel : " Description sommaire des travaux. Ces travaux comprennent essentiellement : (...) le raccordement et la distribution d'ECS depuis la production d'ECS créée par le lot chauffage ". Les articles 2.3.2 et 2.3.3 de ce document indiquent les bases de calcul pour la distribution d'eau chaude sanitaire, l'article 2.6 précisant que l'entreprise Stallini devait fournir, avant le début des travaux, les notes de calcul détaillées des réseaux d'alimentation eau froide, eau chaude sanitaire et bouclage d'eau chaude sanitaire. Enfin, aux termes de l'article 4 du CCTP : " (...) 4.3.2. Production d'eau chaude sanitaire : (...). La production ECS de type instantanée est à la charge du lot " chauffage " dans la chaufferie existante au sous-sol du bâtiment B. / 4.3.3. Canalisation ECS et BCS : L'origine d'ECS pour la bâtiment C sera la vanne laissée en attente par la lot chauffage en sortie de sa production d'ECS. A partir de ce réseau, la distribution de l'eau chaude à 60° sera réalisée en tube cuivre vers les appareils sanitaires du bâtiment (...). / Une nourrice réalisée en tube cuivre DN 60/63 d'une longueur de 1 m environ sera créé en sortie de production (...). / Le réseau ECS sera bouclé (...). Des vannes de réglages à 3 fonctions seront mises en place (...) y compris des vannes d'équilibrage avec rédaction d'un procès-verbal des valeurs de réglage et des températures obtenues remis eau BET. / Une pompe double à corps en laiton de bouclage ECS sera installée, d'un débit de 2 m3/h à 7 mCE (débit et HMT à vérifier en phase EXE) ".

8. Il résulte de ces stipulations que la société Stallini était en charge des notes de calcul nécessaires à la fourniture des canalisations, vannes et pompes du réseau d'eau chaude sanitaire, et notamment du bouclage d'eau chaude sanitaire, du bâtiment C sur la base des indications de diamètres minimaux, de débits minimaux et de pertes de charge maximales indiquées par le CCTP.

9. Il résulte de l'instruction, et en particulier, du rapport " Bouclage ECS " du 24 avril 2013, du rapport " Bouclage ECS n° 2 " du 31 mai 2013, du rapport d'expertise de l'assureur du maître de l'ouvrage du 17 juillet 2013 et, enfin, du rapport de l'expert judiciaire du 15 décembre 2020, que le déséquilibrage de température constaté sur le réseau d'eau chaude sanitaire du bâtiment C, ayant fait l'objet de réserves à la réception du marché en litige, trouve sa cause, d'une part, dans le sous-dimensionnement des tuyauteries et de la pompe du circuit de bouclage ayant pour effet d'occasionner d'importantes pertes de charge et, d'autre part, dans l'existence de multiples antennes de courtes longueurs destinées à boucler l'ECS au plus près des installations sanitaires (principe dit du " multi-bouclage "). Le rapport d'expertise judiciaire impute ces malfaçons à la société Stallini et précise à cet égard que le système de multi-bouclage conçu par le maître d'œuvre était conforme à la réglementation et aux documents techniques alors applicables. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la société Stallini, les réserves formulées par le maître de l'ouvrage, qui ne se cantonnent pas à des réglages de températures, correspondent bien à des imperfections et des malfaçons en lien avec ses obligations contractuelles rappelées aux points 7 et 8 et non à une erreur de conception ou à des obligations contractuelles du lot " chauffage ".

10. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Pfastatt pouvait, comme il l'a fait, inscrire au débit du décompte du marché conclu avec la société Stallini le coût de travaux nécessaires à la levée des réserves.

En ce qui concerne les pénalités de retard :

S'agissant de leur bien-fondé :

11. En premier lieu, il appartient au requérant, tant en première instance qu'en appel, d'assortir ses moyens des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé. Il suit de là que le juge d'appel n'est pas tenu d'examiner un moyen que l'appelant se borne à déclarer reprendre en appel, sans l'assortir des précisions nécessaires.

12. La société Stallini déclare reprendre en appel les moyens présentés en première instance contestant le bien-fondé et le montant des pénalités de retard mises à sa charge en ce qui concerne le bâtiment C sans fournir les précisions indispensables à l'appréciation de leur bien-fondé ni joindre à sa requête une copie du mémoire de première instance qui contenait ces précisions. Ce faisant, elle ne met pas la cour en mesure de se prononcer sur les erreurs que le tribunal administratif aurait pu commettre en écartant ces moyens.

13. En second lieu, aux termes de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), l'entrepreneur devait " prendre toutes les précautions pour sauvegarder dans leur état tous les ouvrages existants pouvant subir du fait des travaux des dommages (...) ". S'il ressort du compte rendu de l'OPC du 28 mai 2013 que l'ouverture de la polyclinique installée dans le bâtiment A été retardée en raison du dysfonctionnement des têtes de détection d'incendie provoqué par des dépôts de poussières, il ne résulte pas de l'instruction que ce dommage serait imputable à la société Stallini. Par suite, le centre hospitalier de Pfastatt n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les pénalités d'un montant de 14 947,33 euros au titre des 23 jours de retard pour l'ouverture du bâtiment A ne pouvaient être inscrites au débit de la société Stallini dans le décompte général du marché.

S'agissant de leur modulation :

14. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.

15. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations.

16. Lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge. Il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif.

17. Compte-tenu de l'importance du retard imputable à la société pour absence de levée des réserves et de ce que cette dernière ne présente aucun élément d'appréciation ou de comparaison permettant d'établir qu'au cas d'espèce le montant de ces pénalités présenterait un caractère manifestement excessif, il n'y a pas lieu de modérer leur montant arrêté par le tribunal à la somme non contestée de 277 532,52 euros, correspondant à 45,1 % du montant HT du marché (614 018,64 euros). Le centre hospitalier de Pfastatt est donc fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont ordonné la modulation du montant des pénalités de retard relatives aux travaux effectués dans le cadre du bâtiment C en réduisant leur montant à 100 000 euros.

En ce qui concerne la facture du 24 octobre 2013 :

18. Le caractère global et forfaitaire du prix du marché ne fait pas obstacle à ce que l'entreprise cocontractante sollicite une indemnisation au titre de travaux supplémentaires effectués, même sans ordre de service, dès lors que ces travaux étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art et dont la charge définitive de l'indemnisation incombe, en principe, au maître de l'ouvrage.

19. Il résulte de l'instruction que la société Stallini est intervenue le 24 octobre 2013 sur site afin de réparer et déboucher une canalisation bloquée par du béton. Il ne résulte pas de l'instruction que, comme l'affirme le centre hospitalier de Pfastatt, une telle prestation était comprise dans la rémunération forfaitaire de l'entrepreneur. En outre, il n'est pas établi, ni d'ailleurs soutenu, que le bouchage de la canalisation serait imputable à un manquement contractuel que la société Stallini aurait été tenue de reprendre sans pouvoir exiger de rémunération supplémentaire. Par suite, le centre hospitalier de Pfastatt n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la somme de 4 755,30 euros, correspondant à la facture émise par la société Stallini pour la réalisation de ces travaux supplémentaires, devait être portée au crédit de la société dans le décompte général du marché.

En ce qui concerne les difficultés rencontrées dans l'exécution du marché :

20. La société Stallini, qui se borne à renvoyer à ses écritures de première instance, ne met pas la cour en mesure de se prononcer sur le bien-fondé de ses prétentions indemnitaires.

En ce qui concerne les intérêts de retard dans le cadre du paiement de la facture n° 1111092 du 30 novembre 2011 :

21. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont fait droit à la demande de la société Stallini concernant ce poste du décompte. Les conclusions de la société Stallini reprises en appel sont donc sans objet et doivent, par suite, être rejetées comme irrecevables.

En ce qui concerne le solde :

22. Compte tenu du rejet de la demande de la société Stallini tendant à la modulation du montant des pénalités de retard, il y a lieu de rectifier le solde du marché arrêté par les premiers juges à la somme de 157 424,71 euros TTC, au débit de la société requérante, en le fixant à la somme de 257 424,71 euros TTC.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la requête d'appel de la société Stallini doit être rejetée, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'intimé. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier de Pfastatt, est quant à lui seulement fondé à demander que le solde du marché en litige soit fixé à la somme de 257 424,71 euros TTC au débit de la société et que la condamnation de la société à son bénéfice soit ramenée, au regard de la somme versée à la société Allianz IARD subrogée (128 786,14 euros), à la somme de 128 638,57 euros. L'article 1er du jugement attaqué doit en conséquence être réformé dans cette mesure.

Sur l'appel en garantie de la société Stallini à l'encontre de la société MMA IARD :

24. Il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître des actions tendant au paiement des sommes dues par un assureur au titre de ses obligations de droit privé, alors même que l'appréciation de la responsabilité de son assuré dans la réalisation du fait dommageable relèverait de la juridiction administrative. Par suite, les conclusions d'appel en garantie de la société Stallini doivent être rejetées comme étant portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur les frais liés à l'instance :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Pfastatt, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Stallini demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société requérante le versement de la somme de 1 000 euros, d'une part, au centre hospitalier de Pfastatt, d'autre part, à la société Allianz IARD et, enfin, à la société EDEIS, sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de la société MMA IARD Assurances mutuelles est admise.

Article 2 : Les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Stallini à l'encontre de la société MMA IARD sont rejetées comme étant portées devant un ordre de juridiction incompétent.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par la société Stallini est rejeté.

Article 4 : La société Stallini est condamnée à verser au centre hospitalier de Pfastatt la somme de 128 638,57 euros.

Article 5 : L'article 1er du jugement n° 1500535 du 6 février 2019 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 4.

Article 6 : La société Stallini versera au centre hospitalier de Pfastatt la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : La société Stallini versera à la société Allianz IARD la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : La société Stallini versera à la société EDEIS la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : Le surplus des conclusions du centre hospitalier de Pfastatt est rejeté.

Article 10 : Le présent arrêt sera notifié à la société Stallini, au centre hospitalier de Pfastatt, à la compagnie d'assurance Allianz IARD, à la compagnie d'assurance MMA IARD et à la société EDEIS.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Grossrieder, présidente assesseure,

- Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : A.-S. PicqueLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso.

2

N° 19NC01022


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01022
Date de la décision : 14/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie PICQUE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : LE DISCORDE et DELEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-14;19nc01022 ?
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