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14/06/2022 | FRANCE | N°19NC00583

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 14 juin 2022, 19NC00583


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Futuris a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner solidairement la communauté de communes de l'Arc Mosellan, le syndicat intercommunal des eaux de l'Est Thionvillois, la SA Groupama Grand Est à lui verser la somme de 29 461,20 euros en réparation du préjudice matériel subi, la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi et de les condamner solidairement aux entiers frais et dépens.

Par un jugement n° 1505514 du 20 décembre 2018, le tribunal admin

istratif de Strasbourg a rejeté sa demande et a mis à sa charge la somme de 1 5...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Futuris a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner solidairement la communauté de communes de l'Arc Mosellan, le syndicat intercommunal des eaux de l'Est Thionvillois, la SA Groupama Grand Est à lui verser la somme de 29 461,20 euros en réparation du préjudice matériel subi, la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi et de les condamner solidairement aux entiers frais et dépens.

Par un jugement n° 1505514 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros à verser à la communauté de communes de l'Arc Mosellan en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 26 février 2019 et 15 janvier 2021, la SCI Futuris, représentée par Me Mathieu, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 décembre 2018 en tant qu'il a écarté la responsabilité de la communauté de communes de l'Arc Mosellan ;

2°) de dire et juger que la communauté de communes de l'Arc Mosellan a engagé sa responsabilité à son encontre ;

3°) d'enjoindre à la communauté de communes de l'Arc Mosellan à faire procéder aux travaux de confortement afin de mettre un terme aux désordres, tels que préconisés par l'expert dans son rapport du 2 mars 2015 ;

4°) de condamner la communauté de communes de l'Arc Mosellan à lui verser la somme de 10 000 euros au titre du préjudice de jouissance subi ;

5°) de mettre à la charge de la communauté de communes de l'Arc Mosellan une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers frais et dépens de première instance et des deux instances de référé.

Elle soutient que :

- l'accroissement du volume d'eau arrivant jusqu'à son habitation est établie ;

- la responsabilité de la communauté de communes de l'Arc Mosellan est établie :

. avant les travaux, aucun volume d'eau n'arrivait jusqu'à son habitation ;

. la seule présence d'une cunette d'évacuation ne saurait présumer l'existence d'eau de ruissellement préalablement aux travaux entrepris ;

. l'expert et les parties présentes lors de l'expertise ont pu constater, lors du test consistant à arroser le parking, que l'eau déversée sur la zone de parking s'écoule in fine le long des murs de la cave de son habitation ;

- le lien de causalité entre la faute de la communauté de communes de l'Arc Mosellan et son préjudice est donc établi ;

- son préjudice est anormal ;

- il est justifié à hauteur de 10 000 euros : il perdure depuis 2009 et elle ne peut utiliser sa cave ;

- elle est fondée à solliciter à ce qu'il soit enjoint à la communauté de communes de l'Arc Mosellan de procéder à la reprise des désordres.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2020, la communauté de communes de l'Arc Mosellan, représentée par Me Zimmer, conclut :

- au rejet de la requête.

- à ce que le syndicat intercommunal des eaux de l'Est Thionvillois la garantisse des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

- à ce qu'il soit mis à la charge de la SCI Futuris et du syndicat intercommunal des eaux de l'Est Thionvillois la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, la requête d'appel est irrecevable car elle est tardive ;

- s'agissant de sa responsabilité :

. le phénomène d'infiltration dans la cave était préexistant aux travaux réalisés par la communauté de communes ;

. de surplus, la requérante n'établit pas le caractère anormal et spécial du préjudice qu'elle expose avoir subi ; une simple gêne ne suffit pas pour engager la responsabilité sans faute de l'administration ;

. elle ne démontre pas que les travaux de la communauté de communes de l'Arc Mosellan sont la cause directe et certaine de son préjudice ;

. en tout état de cause, la faute de la requérante, qui n'a pas mis en place un dispositif d'étanchéité de sa cave, est de nature à l'exonérer totalement de toute responsabilité ;

. à titre infiniment subsidiaire, aucun préjudice de jouissance, que la requérante établit à 10 000 euros, n'est établi puisque les infiltrations ne font pas obstacle à l'utilisation de la cave à titre de réserve alimentaire ;

- s'agissant des conclusions à fin d'injonction tendant à faire procéder aux travaux de confortement tels que préconisés par l'expert :

. elles sont irrecevables car elles sont présentées pour la 1er fois en appel ;

. en tout état de cause, ces conclusions ne sont pas fondées ;

- en cas de condamnation, elle est fondée à appeler en garantie le syndicat intercommunal des eaux de l'Est Thionvillois sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle.

Par ordonnance du 16 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 janvier 2021 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public ;

- les observations de Me Mathieu, représentant la SCI Futuris et de Me Schultz, représentant la communauté de communes de l'Arc Mosellan.

Considérant ce qui suit :

1. Au cours de l'automne 2009, le syndicat intercommunal des eaux de l'Est Thionvillois a procédé à des travaux de réfection des branchements particuliers d'eau potable et de déplacement des compteurs de l'intérieur vers l'extérieur des habitations. A cette occasion, il est intervenu au droit de la maison, propriété de la SCI Futuris, en opérant une ouverture dans la couche de surface de l'usoir adjacent. Concomitamment, la communauté de communes de l'Arc Mosellan a fait réaliser des travaux de voirie à proximité immédiate de l'habitation. Le 14 janvier 2010, la SCI Futuris a adressé un courrier au syndicat intercommunal des eaux de l'Est Thionvillois dans lequel elle se plaint d'importantes infiltrations dans sa cave. Le 24 janvier 2011, elle a saisi le juge des référés d'une première requête en expertise au contradictoire du syndicat intercommunal des eaux de l'Est Thionvillois. L'expert a rendu son rapport le 21 septembre 2012. Le 19 septembre 2012, la requérante a introduit une seconde requête en référé expertise afin d'étendre les précédentes mesures au contradictoire de la communauté de communes de l'Arc Mosellan. L'expert a rendu son rapport le 6 mars 2015. La SCI Futuris a alors saisi le tribunal administratif de Strasbourg afin d'obtenir la condamnation solidaire de la communauté de communes de l'Arc Mosellan, du syndicat intercommunal des eaux de l'Est Thionvillois et de la société Groupama Grand Est, l'assureur du syndicat, à lui verser la somme de 29 461,20 euros en réparation du préjudice matériel, la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice de jouissance et de les condamner solidairement aux entiers frais et dépens. La SCI Futuris relève appel du jugement du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de Strasbourg en tant que celui-ci a rejeté sa demande tendant à condamner la communauté de communes de l'Arc Mosellan à l'indemniser des préjudices subis du fait des travaux réalisés par celle-ci.

Sur la demande indemnitaire :

2. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers, tant en raison de leur existence que du fait de leur fonctionnement. Il appartient alors au demandeur ayant la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage d'apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'il allègue avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et ces préjudices. Le maître de l'ouvrage ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.

3. Pour que la responsabilité sans faute de la communauté de communes puisse être engagée, il appartient à la SCI Futuris, tiers par rapport aux travaux de voirie, d'apporter la preuve de la matérialité du dommage accidentel qu'elle subit et d'établir son lien de causalité direct avec les travaux.

4. D'une part, il résulte de l'instruction et plus particulièrement des photographies produites à l'instance que la cave de la propriété de la SCI Futuris subit des infiltrations. Le rapport d'expertise judiciaire révèle par ailleurs que le déversement d'une forte quantité d'eau sur le parking accroît ces infiltrations. Leur matérialité est par suite, contrairement à ce que soutient la communauté de communes, établie.

5. D'autre part, le rapport d'expertise précise que les infiltrations sont dues en partie à l'eau de ruissellement sur la surface du parking canalisée vers la bande verte qui ne peut l'absorber en totalité. Or, il résulte de l'instruction que les travaux de voirie de la communauté de communes de l'Arc Mosellan ont débuté en septembre 2009 pour être réceptionnés en avril 2011. C'est dès le 14 janvier 2010, que la SCI Futuris s'est plainte d'importantes infiltrations dans sa cave. A cette date si les travaux de voirie étaient en cours de réalisation, il ne résulte pas de l'instruction que le parking était déjà imperméabilisé. Ainsi et nonobstant les termes du rapport d'expertise, l'imperméabilisation du parking ne peut être regardée comme la cause directe des infiltrations de la cave de la requérante. Aussi, et alors que la SCI Futuris ne fait état d'aucune aggravation des infiltrations d'eau dans sa cave depuis la fin des travaux de voirie réalisées par la communauté de communes de l'Arc Mosellan, le lien de causalité entre les infiltrations et les travaux d'imperméabilisation du parking n'est pas établi. La responsabilité de la communauté de communes de l'Arc Mosellan ne peut donc être engagée.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la communauté de communes de l'Arc Mosellan, que la SCI Futuris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande indemnitaire et a mis les dépens à sa charge.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté de communes de l'Arc Mosellan, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, tout ou partie des frais exposés par la SCI Futuris et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la communauté de communes de l'Arc Mosellan.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Futuris est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté de communes de l'Arc Mosellan sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Futuris et à la communauté de communes de l'Arc Mosellan.

Copie en sera adressé à M. A..., expert.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Grossrieder, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : S.RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00583
Date de la décision : 14/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : MATHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-14;19nc00583 ?
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