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02/06/2022 | FRANCE | N°22NC00056

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 02 juin 2022, 22NC00056


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 août 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2000193 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2022, Mme A..., représentée par Me Roussel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 février

2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 26 août 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 août 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2000193 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2022, Mme A..., représentée par Me Roussel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 février 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 26 août 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'incompétence ;

- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation ;

- il méconnait l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où son enfant autiste ne peut être pris en charge et soigné au Maroc ;

- il méconnait le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où elle dispose d'attaches professionnelles et sociales sur le territoire français ;

- il méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard à la situation de l'intéressée et au suivi dont bénéficie l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2022, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 9 mars 1989, de nationalité marocaine, est entrée régulièrement en France le 25 décembre 2014, sous couvert d'un titre de séjour valable jusqu'au 2 mars 2020 en raison de la qualité d'enseignant de son époux. Mme A..., qui a donné naissance à un enfant le 11 février 2015, a quitté le domicile conjugal le 14 février 2019. Le 13 juin 2019, Mme A... a sollicité un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 (7°) et L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 août 2019, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Mme A... relève appel du jugement du 16 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur la légalité de l'arrêté du 26 aout 2019 :

2. En premier lieu, Mme A... reprenant en appel, sans apporter d'élément nouveau, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige et du défaut de motivation, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif de Strasbourg dans son jugement du 16 février 2021.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 (...) ". L'article L. 313-11 du même code dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) /11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. "

4. Il ressort de l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 5 août 2019 que cette instance a estimé que si l'état de santé de son enfant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce dernier était toutefois en mesure de bénéficier d'un traitement approprié au Maroc et de voyager sans risque vers ce pays. Il ressort des pièces du dossier que l'enfant est suivi par le service pédopsychiatrique du centre hospitalier de Rouffach et qu'il bénéficie d'un avis favorable de la Commission des droits et de l'autonomie en date du 4 mars 2019 pour être admis dans une structure spécialisée. Toutefois, si Mme A... se prévaut des extraits d'une thèse soutenue le 3 mai 2019 et relative à l'élaboration d'une plateforme adaptée au contexte marocain relatif au contexte général de la prise en charge de l'autisme au Maroc et aux difficultés y afférentes, il ressort également de ces travaux que des actes d'amélioration pour mieux informer et accompagner les patients atteints d'autisme et leurs familles ainsi que les personnels de santé ont été mis en place sur le territoire marocain. Par ailleurs, le certificat établi par un médecin marocain le 29 juillet 2021 attestant de l'absence de centre spécialisés au Maroc ne permet pas de justifier de l'impossibilité de toute prise en charge des troubles autistiques au Maroc. En outre, le préfet fait état dans son mémoire de défense, sans être contredit, de l'existence de structures spécialisées sur le territoire marocain. Dans ces conditions, Mme A... ne démontre pas, eu égard aux pièces versées au dossier, que son enfant ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Maroc. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Au vu des circonstances postérieures à la décision en litige exposées à l'audience, il appartient à Mme A..., si elle s'y croit fondée, de former une nouvelle demande auprès de l'autorité préfectorale en faisant valoir notamment le suivi spécifique dont bénéficie son fils sur le territoire français à la date du présent arrêt.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Selon l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision litigieuse, Mme A..., présente en France depuis moins de cinq ans, ne justifie pas, par le suivi psychologique et la scolarisation de son fils quelques heures par semaine avec la présence d'une accompagnante pour élève en situation de handicap, d'une intégration particulière au sein de la société française. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 3, il n'est pas démontré par les pièces versées au dossier que son fils ne pourrait pas être suivi et scolarisé au Maroc. Si Mme A... verse au dossier une lettre d'embauche, celle-ci est postérieure à la décision contestée et il n'est pas établi qu'elle a été effectivement recrutée. Séparée de son conjoint et isolée sur le territoire français, elle n'est en revanche pas dépourvue d'attache familiale dans son pays d'origine où résident toujours ses parents et ses sœurs et où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. En outre, le père de l'enfant a également fait l'objet d'un refus de titre de séjour le 26 aout 2019 et a vocation à retourner au Maroc. Dans ces conditions, compte tenu de la durée de séjour et des conditions d'entrée et de séjour de la requérante en France, le préfet du Haut-Rhin n'a pas, en adoptant le refus de séjour en litige, porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, cet arrêté ne méconnait ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment celles relatives à sa situation personnelle à savoir son dépôt de plainte en date du 22 avril 2019 et son suivi psychiatrique que Mme A... justifie de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Samson-Dye, présidente,

Mme Lambing, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : C. B...La présidente,

Signé : A. SAMSON-DYELa greffière,

Signé : S. BLAISE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

2

N° 22NC00056


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00056
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : ROUSSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-02;22nc00056 ?
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