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02/06/2022 | FRANCE | N°21NC02855

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 02 juin 2022, 21NC02855


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... G... épouse B... a demandé au tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 4 juin 2021 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101492 du 28 septembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et d

es pièces, enregistrées les 2 novembre 2021 et 28 avril 2022, Mme H... B..., représentée par Me Gaffuri, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... G... épouse B... a demandé au tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 4 juin 2021 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101492 du 28 septembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistrées les 2 novembre 2021 et 28 avril 2022, Mme H... B..., représentée par Me Gaffuri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 septembre 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 4 juin 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de réexaminer sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur le refus de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée et sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision méconnait l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'une exception d'illégalité, dès lors que la décision lui refusant un titre de séjour est elle-même illégale ;

- elle emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2022, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née en 1969 et de nationalité angolaise, serait entrée irrégulièrement en France le 6 mars 2015, selon ses déclarations, pour y rejoindre ses trois enfants mineurs, entrés sur le territoire français le 11 janvier 2013. Elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du système Visabio a révélé qu'elle avait été titulaire d'un visa délivré par les autorités allemandes, valable du 14 novembre 2014 au 6 décembre 2014. La demande de prise en charge faite par le préfet de l'Aube auprès des autorités allemandes a été acceptée le 30 juin 2015. Le 2 septembre 2015, elle a été destinataire d'un arrêté de réadmission auprès des autorités allemandes et d'un courrier l'informant que le délai de transfert était porté à

dix-huit mois en raison de son absence aux convocations en préfecture. Le transfert vers l'Allemagne de Mme B... n'a pas pu être réalisé dans ce nouveau délai. Le 11 avril 2017, elle a renouvelé sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile sur le territoire français. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 14 mars 2018, confirmée le 5 octobre 2018 par la cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 17 juillet 2019, le préfet de l'Aube a constaté qu'elle n'avait plus le droit de se maintenir sur le territoire français et l'a obligée à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a octroyé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 23 octobre 2019, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté. Par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 6 mai 2021, ce jugement a été annulé et la demande de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2019 a été rejetée. Le 18 août 2020, Mme B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 4 juin 2021, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 28 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 4 juin 2021.

Sur l'arrêté dans son ensemble :

2. Mme B... reprend en appel les moyens tirés du défaut de motivation de la décision lui refusant le séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, il ressort des termes même de l'arrêté, qui évoque notamment la scolarité des enfants mineurs de la requérante et l'obtention, par son fils majeur, d'une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'un an, en qualité de mineur entré en France avant l'âge de treize ans, que le préfet a effectivement procédé à un examen préalable de la situation personnelle et familiale de Mme B... au vu des éléments portés à sa connaissance par l'intéressée. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation familiale manque en fait.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... déclare être entrée en France le 6 mars 2015 sans toutefois justifier de sa présence continue sur le territoire français entre cette date et le 11 avril 2017, date à laquelle elle a renouvelé sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile. Par ailleurs, la durée de son séjour résulte en grande partie, d'une part, du

non-respect de la décision de transfert vers l'Allemagne prise à son encontre le 2 septembre 2015 et de sa situation de fuite qui a fait obstacle à sa remise aux autorités allemandes dans le délai de dix-huit mois, et d'autre part, du délai d'instruction de sa demande d'asile déposée le 11 avril 2017. Par ailleurs, en se bornant à se prévaloir de ses activités de bénévolat, la requérante ne justifie pas d'une insertion particulière en France. Si ses trois enfants, nés en 2002, 2005 et 2008, sont scolarisés en France depuis mars 2013, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces derniers ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Angola. Enfin, la circonstance que son fils aîné, devenu majeur, est titulaire d'une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'un an, en qualité de mineur entré en France avant l'âge de treize ans, ne fait pas obstacle à ce que toute la cellule familiale se reconstitue en Angola, où Mme B... a vécu jusqu'à l'âge de quarante-six ans, quand bien même elle serait sans nouvelle de son mari depuis 2012. Les pièces du dossier, et notamment celles produites à la présente instance le 28 avril 2022, ne permettent pas, par elles-mêmes, de justifier d'attaches personnelles fortes en France. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour sur le territoire français, la requérante n'établit pas avoir transféré en France le centre de ses intérêts personnels et familiaux. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Il ressort des pièces du dossier que les trois enfants de A... B..., C... né en 2002, E... née en 2005 et D... né en 2008, sont entrés en France en janvier 2013 et sont, depuis mars 2013, régulièrement scolarisés sur le territoire français. La requérante se prévaut de l'intégration de sa fille E... dans le projet " les cordées de la réussite " et de l'implication de son fils D... dans la section sportive de handball. Elle fait valoir que ses enfants ne parlent plus le portugais, langue officielle en Angola, ce qui ferait obstacle à la poursuite d'une scolarité dans leur pays d'origine. Toutefois, si les attestations des professeurs produites par la requérante font état du parcours scolaire remarquable d'Armanda et D..., les éléments produits par le préfet en première instance établissent que l'Angola a adopté une nouvelle loi en 2016 en faveur de l'éducation et dispose d'un système éducatif associant les meilleures pratiques internationales. La gratuité de la scolarité jusqu'à l'âge de quatorze ans a été instituée et les frais d'inscription pour l'enseignement secondaire et supérieur sont réglementés. Mme B... ne saurait ainsi soutenir qu'elle ne pourrait assurer la charge financière de la poursuite des études de ses enfants, D... bénéficiant encore de la gratuité des études à la date de la décision litigieuse. La requérante ne démontre pas qu'elle ne disposerait pas des ressources suffisantes pour assumer la charge financière des frais d'inscription dans le secondaire de sa fille E.... Mme B... n'apporte pas non plus d'éléments attestant que ses enfants ne maitriseraient plus leur langue maternelle alors qu'au demeurant, ces derniers ont fait preuve d'une grande capacité d'adaptation pour apprendre le français et suivre un cursus scolaire dans une langue qu'ils ne maitrisaient pas. Enfin, comme l'ont retenu les premiers juges, et comme le fait valoir le préfet de l'Aube en première instance, la durée de cette scolarisation n'a été rendue possible que par le non-respect, par Mme B..., de la procédure de transfert vers les autorités allemandes dont elle a fait l'objet, puis par le délai d'instruction de sa demande d'asile devant l'OFPRA et la CNDA. Il s'ensuit que les éléments dont se prévaut la requérante ne suffisent pas à caractériser une atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces derniers ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Angola. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

8. En dernier lieu, au regard des circonstances de fait exposées au point 5, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.

10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Samson-Dye, présidente,

Mme Mosser, première conseillère,

Mme Lambing, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : S. F...

La présidente,

Signé : A. SAMSON-DYE

La greffière,

Signé : S. BLAISE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

N° 21NC02855


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02855
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : GAFFURI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-02;21nc02855 ?
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