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02/06/2022 | FRANCE | N°21NC02851

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 02 juin 2022, 21NC02851


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 22 septembre 2021 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a prononcé leur assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2106590, 2106591 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés du 22 septembre 2021.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2021, la préfète du Bas-Rhin, dem

ande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2021 ;

2°) de rejeter les demandes de M....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 22 septembre 2021 par lesquels la préfète du Bas-Rhin a prononcé leur assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2106590, 2106591 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés du 22 septembre 2021.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2021, la préfète du Bas-Rhin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2021 ;

2°) de rejeter les demandes de M. et Mme B... ;

Elle soutient que :

- aucune disposition législative ou règlementaire ne vient restreindre l'application des dispositions du 2° de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux seules situations des étrangers, soumis à une interdiction de retour sur le territoire français, qui ont quitté la France et y sont revenus ;

- l'interdiction de retour doit être considérée comme une mesure d'éloignement exécutoire d'office ;

- la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne citée dans le jugement n'est pas applicable en l'espèce ;

- la position des premiers juges est en contradiction avec la jurisprudence du juge judiciaire ;

- les moyens soulevés à l'appui des demandes des requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2022, M. D... B... et Mme A... B..., représentés par Me Chebbale concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à leur conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par la préfète du Bas-Rhin ne sont pas fondés.

M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 13 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me Carraud, se substituant à Me Chebbale, représentant M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., nés respectivement en 1986 et en 1990, sont entrés en France le 3 juillet 2019 et ont sollicité leur admission au séjour en qualité de demandeurs d'asile. Par des arrêtés du 28 octobre 2019, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Strasbourg le 10 octobre 2020, le préfet du Bas-Rhin leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Les intéressés n'ont pas déféré à ces mesures d'éloignement. Par des arrêtés du14 septembre 2021, la préfète du Bas-Rhin a prononcé à leur encontre des interdictions de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et les a assignés à résidence. Par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 septembre 2021, les arrêtés du 14 septembre 2021 portant assignation à résidence ont été annulés au motif que ces décisions, fondées sur les dispositions du 2° de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, étaient dépourvues de base légale dès lors que les interdictions de retour sur le territoire français édictées à leur encontre n'avaient pas encore pris effet faute d'éloignement effectif des intéressés. Par des arrêtés du 22 septembre 2021, la préfète du Bas-Rhin les a à nouveau assignés à résidence pour une durée de quarante-cinq jours sur le même fondement. Par un jugement du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions d'assignation à résidence du 22 septembre 2021 pour les mêmes motifs que son précédent jugement. La préfète du Bas-Rhin relève appel du jugement du 5 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ses arrêtés du 22 septembre 2021.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 730-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, dans les conditions prévues au présent titre, assigner à résidence l'étranger faisant l'objet d'une décision d'éloignement sans délai de départ volontaire ou pour laquelle le délai de départ volontaire imparti a expiré et qui ne peut quitter immédiatement le territoire français ". Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; 2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 612-7 du même code : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article R. 613-6 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé du caractère exécutoire de cette décision et de ce que la durée pendant laquelle il lui est interdit de revenir sur le territoire commence à courir à la date à laquelle il satisfait à son obligation de quitter le territoire français. / Il est également informé des conditions d'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français mentionnées à l'article R. 711-1, ainsi que des conditions dans lesquelles il peut justifier de sa sortie du territoire français conformément aux dispositions de l'article R. 711-2. ".

3. D'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 612-7, qui transposent l'article 11 de la directive 2008/115/CE du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008 telle qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, laquelle a expressément jugé que la durée d'une interdiction de retour devait " être calculée à partir de la date à laquelle l'intéressé a effectivement quitté le territoire des Etats membres " (26 juillet 2017, Ouhrami, C-225/16, point 58) que, si la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français, prise suite à l'inexécution d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, est exécutoire à compter de sa notification, la durée fixée par cette mesure ne commence à courir qu'à compter de la date à laquelle l'obligation de quitter le territoire français a été exécutée. D'autre part, il résulte de la combinaison des articles L. 612-7 et L. 731-1 (2°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'assignation à résidence, qui a pour objet de permettre la mise à exécution d'une mesure d'éloignement, ne peut être fondée sur une interdiction de retour sur le territoire que lorsque celle-ci a commencé à courir, donc après l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français et le retour irrégulier de l'intéressé.

4. Il ressort des termes des arrêtés litigieux que, pour assigner M. et Mme B... à résidence, la préfète s'est fondée sur le 2° de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Toutefois, les décisions portant obligation de quitter le territoire français du 28 octobre 2019 n'ont pas été exécutées par les intéressés et par suite les interdictions de retour prises à leur encontre n'ont pas commencé à courir. Dans ces conditions, eu égard à ce qui a été dit aux points 2 et 3, la préfète n'a pu, sans méconnaître les dispositions combinées précitées, assigner à résidence M. et Mme B... pour assurer l'exécution de l'interdiction de retour d'un an prononcée à leur encontre par des arrêtés des 14 septembre 2021, alors que les obligations de quitter le territoire prises le 28 octobre 2019, n'avaient elles-mêmes pas encore été mises à exécution. Si la préfète soutient que les interdictions de retour étaient exécutoires dès leur notification, cette circonstance ne saurait justifier que la préfète assure l'exécution de mesures qui, à la date de l'édiction des assignations en litige, ne pouvaient avoir produit d'effets faute d'éloignement effectif des intéressés, et ne pourront être exécutées d'office par les autorités françaises qu'en cas de retour postérieur à l'exécution des obligations de quitter le territoire. Il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de l'erreur de droit pour annuler les arrêtés d'assignation à résidence en litige, fondés seulement sur l'existence d'une interdiction de retour sur le territoire français.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ses arrêtés du 22 septembre 2021.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à Me Chebbale sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la préfète du Bas-Rhin est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Chebbale une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D... B... et à Mme A... B....

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Samson-Dye, présidente,

Mme Mosser, première conseillère,

Mme Lambing, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : S. C...

La présidente,

Signé : A. SAMSON-DYE

La greffière,

Signé : S. BLAISE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

N° 21NC02851


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02851
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-04-01 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Restrictions apportées au séjour. - Assignation à résidence.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : CHEBBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-02;21nc02851 ?
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