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02/06/2022 | FRANCE | N°21NC02768

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 02 juin 2022, 21NC02768


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100771 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 octobre

2021 et 5 mai 2022, M. C... A..., représenté par Me Chebbale, demande à la cour :

1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100771 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 octobre 2021 et 5 mai 2022, M. C... A..., représenté par Me Chebbale, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er avril 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 27 novembre 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard ou à défaut de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente, dans les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté ;

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- le préfet n'apporte pas d'élément quant au respect de la procédure prévue par l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment quant à la composition régulière du collège ;

- l'avis du collège de médecins de l'OFII n'est pas signé de l'un des trois médecins, ce qui ne permet pas de démontrer que la procédure a été régulière ;

- elle méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle méconnait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier ;

- elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 octobre 2021.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me Carraud, substituant Me Chebbale, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né en 1990 et de nationalité albanaise, est entré régulièrement en France le 14 juillet 2018 muni de son passeport biométrique. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 21 décembre 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 25 juillet 2019. Le 10 septembre 2019, M. A... a déposé une demande de titre de séjour pour raisons de santé. Par un arrêté du 27 novembre 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 1er avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 27 novembre 2020.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ". Aux termes de l'article R. 611-26 de ce code : " Sauf lorsqu'il est fait application de l'article R. 611-8, la section ou la chambre fixe le délai dans lequel les mémoires doivent être produits ". Aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. Cette ordonnance n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours ".

3. Il ressort des pièces du dossier que par une ordonnance du 8 février 2021, prise sur le fondement de l'article R. 776-11 du code de justice administrative et notifiée au conseil de M. A... et à la préfète le 9 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a fixé la clôture de l'instruction au 5 mars 2021 et la date de l'audience publique au 18 mars 2021. La préfète du Bas-Rhin a produit un mémoire en défense enregistré au greffe le 15 mars 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué au requérant. Il ressort des termes même du jugement que les premiers juges ont analysé ce mémoire et se sont fondés sur les pièces jointes produites par la préfète pour considérer que la procédure était régulière. Or ce mémoire en défense n'a pas été communiqué à M. A... et l'instruction n'a pas été rouverte. Dans ces conditions, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité.

4. Il y a lieu de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

6. Il ressort des pièces du dossier que l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le 21 janvier 2020, concernant M. A... et produit par la préfète en première instance, ne comporte pas la signature d'un des médecins qui a siégé. Ce vice est, en l'espèce, de nature à entacher d'illégalité le refus de titre de séjour qui a été opposé à l'intéressé, dans la mesure où il n'est pas établi que l'avis a bien été rendu à l'issue d'une délibération collégiale conformément aux dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, cette délibération constituant une garantie pour l'étranger intéressé. La décision lui refusant un titre de séjour et, par voie de conséquence, celles lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont illégales et doivent être annulées.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. L'annulation des décisions litigieuses implique seulement, compte tenu du motif d'annulation retenu, qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Chebbale, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Chebbale de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 1er avril 2021 et l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 27 novembre 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Chebbale , en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de première instance et de la requête d'appel de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Samson-Dye, présidente,

Mme Mosser, première conseillère,

Mme Lambing, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : S. B...

La présidente,

Signé : A. SAMSON-DYE

La greffière,

Signé : S. BLAISE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

N° 21NC02768


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02768
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : CHEBBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-02;21nc02768 ?
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