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02/06/2022 | FRANCE | N°20NC02942

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 02 juin 2022, 20NC02942


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite née du silence gardé par l'agence de services et de paiement sur sa demande du 25 avril 2018 tendant à l'octroi de l'aide à l'acquisition ou à la location d'un véhicule peu polluant, dite prime à la conversion d'enjoindre au ministre de l'écologie et de la solidarité et l'agence de services et de paiement de lui verser la somme de 2 000 euros au titre de la prime à la conversion et de mettre à l

a charge de l'Etat et de l'agence de services et de paiement une somme de 1 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite née du silence gardé par l'agence de services et de paiement sur sa demande du 25 avril 2018 tendant à l'octroi de l'aide à l'acquisition ou à la location d'un véhicule peu polluant, dite prime à la conversion d'enjoindre au ministre de l'écologie et de la solidarité et l'agence de services et de paiement de lui verser la somme de 2 000 euros au titre de la prime à la conversion et de mettre à la charge de l'Etat et de l'agence de services et de paiement une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1808020 du 22 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 octobre 2020, sous le n° 20NC02942, Mme B..., représentée par Me Bujoli, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 juillet 2020 ;

2°) d'annuler la décision implicite née du silence gardé par l'agence de services et de paiement sur sa demande du 25 avril 2018 par laquelle l'agence de services et de paiement a refusé de faire droit à sa demande tendant à l'octroi de l'aide à l'acquisition ou à la location d'un véhicule peu polluant, dite prime à la conversion ;

3°) de condamner l'agence de services et de paiement à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de la prime à la conversion ;

4°) de mettre à la charge de l'agence de services et de paiement une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande devant le tribunal administratif de Strasbourg a été formée dans le délai de recours contentieux ;

- si le véhicule cédé était immatriculé au nom de son mari, décédé, elle en était la propriétaire et remplissait les conditions prévues par l'article D. 251-3 du code de l'énergie pour bénéficier de la prime à la conversion.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2021, l'agence de services et de paiement, représentée par Me Delpla, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mis à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de première instance était tardive ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- l'arrêté du 29 décembre 2017 relatif aux modalités de gestion de l'aide à l'acquisition et à la location des véhicules peu polluants ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un formulaire signé le 25 avril 2018, Mme B... a sollicité de l'agence de services et de paiement l'attribution de la prime à la conversion prévue par l'article D. 251-3 du code de l'énergie en faisant valoir l'achat, le 18 avril 2018, d'un véhicule répondant aux exigences de ce code, accompagné du retrait de la circulation, à des fins de destruction, de son précédent véhicule. Par un courrier du 13 juin 2018, l'agence de service et de paiement a rejeté cette demande au motif que le certificat d'immatriculation de ce dernier véhicule était établi au nom de l'époux de Mme B..., décédé le 25 mars 2017. Le 21 août 2018, Mme B... a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision de rejet. Par une requête enregistrée le 20 décembre 2018, elle a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite née du silence gardé par l'agence de services et de paiement sur son recours gracieux et à ce qu'il soit enjoint à l'agence de lui verser la somme de 2 000 euros au titre de la prime à la conversion. Elle relève appel du jugement du 22 juillet 2020 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la fin de non-recevoir opposée par l'agence de services et de paiement :

2. Eu égard aux termes de sa requête, Mme B... doit être regardée comme ayant demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation, non seulement de la décision implicite née du silence de l'agence de services et de paiement sur son recours gracieux du 21 août 2018, mais aussi de la décision expresse du 13 juin 2018 rejetant sa demande d'attribution de la prime à la conversion.

3. Si l'agence de services et de paiement fait valoir que la demande formée par Mme B... le 25 avril 2018 en vue de l'attribution de la prime de conversion a fait l'objet d'un rejet par une décision expresse du 13 juin 2018, assortie de la mention des voies et délais de recours, elle n'établit cependant pas la date à laquelle cette décision a été notifiée à l'intéressée. Si l'exercice d'un recours gracieux contre cette décision révèle la connaissance qu'en avait alors Mme B..., celle-ci ne peut être regardée comme ayant eu cette connaissance avant le 21 août 2018, date à laquelle elle a formé son recours gracieux. Ce dernier recours a eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux contre la décision du 13 juin 2018 jusqu'à l'expiration du délai dans lequel la requérante pouvait déférer devant le juge administratif la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Ce recours a été reçu par l'agence de services et de paiement le 22 août 2018, ainsi qu'en atteste l'avis de réception postal versé au dossier, de sorte que le silence gardé par l'agence de services et de paiement a fait naître une décision implicite de rejet le 22 octobre 2018. Le délai de recours contentieux contre cette décision implicite, ainsi que contre la décision expresse du 13 juin 2018, expirait en principe le 23 décembre 2018. Ce dernier jour étant un dimanche, l'expiration du délai de recours contentieux devait être reportée au lundi 24 décembre 2018 à minuit. Il suit de là que la requête présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Strasbourg le 20 décembre 2018 n'était pas tardive. Par suite, il y a lieu d'écarter la fin de non-recevoir opposée par l'agence de services et de paiement, tirée de la tardiveté de la demande de première instance.

Sur la demande de la légalité des décisions des 13 juin et 22 octobre 2018 :

4. D'une part, aux termes de l'article article D. 251-3 du code de l'énergie : " I.- Une aide dite prime à la conversion est attribuée à toute personne physique majeure justifiant d'un domicile en France ou à toute personne morale justifiant d'un établissement en France et à toute administration de l'Etat qui acquiert ou prend en location, dans le cadre d'un contrat d'une durée supérieure ou égale à deux ans, un véhicule automobile terrestre à moteur qui : / 1° Est mentionné au 1° de l'article D. 251-1 ; / 2° Est immatriculé en France avec un numéro définitif ; / 3° N'est pas cédé par l'acquéreur ou le titulaire d'un contrat de location : / a) Dans les six mois suivant son acquisition ni avant d'avoir parcouru au moins 6 000 kilomètres, dans le cas d'un véhicule mentionné au a du 1° de l'article D. 251-1 ; / b) Dans l'année suivant sa première immatriculation ni avant d'avoir parcouru au moins 2 000 kilomètres dans le cas d'un véhicule mentionné au b du 1° de l'article D. 251-1 ; / II.- Cette aide est attribuée lorsque cette acquisition ou cette location s'accompagne du retrait de la circulation, à des fins de destruction, d'un véhicule qui, à la date de facturation du véhicule acquis ou de versement du premier loyer : (...) 3° Appartient au bénéficiaire de la prime à la conversion définie par le présent article (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 1401 du code civil : " La communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres. ". L'article 1402 de ce code dispose que : " Tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de la communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi. " et l'article 1404 que : " Forment des propres par leur nature, quand même ils auraient été acquis pendant le mariage, les vêtements et linges à l'usage personnel de l'un des époux, les actions en réparation d'un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne. ". Aux termes de l'article 757 de ce même code : " Si l'époux prédécédé laisse des enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille, à son choix, l'usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d'un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux ".

6. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, que Mme B... a fait l'acquisition, le 18 avril 2018, d'un véhicule pour lequel elle a sollicité de l'agence de services et de paiement l'attribution de la prime à la conversion prévue par les dispositions, rappelées au point 4, de l'article D. 251-3 du code de l'énergie. Parallèlement, le 25 avril 2018, elle a cédé un véhicule de marque Opel Vectra au Garage de la Sablière, situé à Herrlisheim-près-Colmar, aux fins de destruction. Ce dernier véhicule a été acquis en 2013 par l'époux de Mme B..., décédé le 25 mars 2017. Mme B... et son époux, qui n'avaient pas conclu de contrat de mariage, étaient mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts depuis le 27 avril 1968. Le véhicule acquis par M. B... et immatriculé à son nom en 2013, postérieurement au mariage des intéressés, devait ainsi être considéré comme un bien commun du couple depuis son acquisition en application des dispositions des articles 1401 et 1402 du code civil citées au point 5. Il ressort du certificat d'héritier établi le 20 octobre 2017, produit à l'instance, qu'aux termes d'une donation entre époux, reçue devant notaire le 27 décembre 1997, Mme B... a opté pour un quart en pleine propriété et un quart en usufruit de toute la succession de son époux, cet usufruit se confondant avec celui lui revenant en vertu de l'article 757 du code civil. La circonstance que Mme B..., à la suite du décès de son époux, n'aurait conservé que l'usufruit des biens appartenant à son époux, notamment de la part du véhicule dont celui-ci était propriétaire, et à supposer même que ce véhicule n'ait pas fait partie des biens reçus par Mme B... en pleine propriété dans le cadre de la succession de son époux, ce véhicule ne lui appartenait pas moins, au sens des dispositions du 3° du II de l'article D. 251-3 du code de l'énergie, qui ne conditionnent pas le bénéfice de la prime à la conversion à la circonstance que le demandeur, acquéreur d'un véhicule visé au I de cet article, possède à titre exclusif le véhicule ancien qu'il cède parallèlement à des fins de destruction. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir qu'en lui refusant le bénéfice de cette prime au motif qu'elle n'établissait pas être propriétaire du véhicule cédé pour destruction le 25 avril 2018, l'agence de services et de paiement a entaché sa décision d'illégalité.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Eu égard aux termes tant de la demande de première instance que de la requête d'appel, les conclusions de Mme B... tendant à la condamnation de l'agence de services et de paiement à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de la prime de conversion doivent être regardées comme tendant à ce que la juridiction enjoigne, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, à l'agence de services et de paiement de lui verser cette prime. Eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, et en l'absence d'invocation, par l'agence, d'un autre motif susceptible de justifier légalement le refus de la prime de conversion, l'exécution de cet arrêt implique nécessairement que l'agence de services et de paiement procède au versement de cette prime au profit de Mme B.... Il y a lieu d'enjoindre à l'agence de procéder à ce versement dans un délai de deux à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme demandée par l'agence de services et de paiement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'agence de services et de paiement le versement à Mme B... de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 juillet 2020 ainsi que les décisions de l'agence de services et de paiement des 13 juin et 22 octobre 2018 refusant à Mme B... le bénéfice de la prime de conversion sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à l'agence de services et de paiement de faire droit à la demande de Mme B... d'attribution de la prime de conversion et de lui verser la somme à laquelle elle peut prétendre à ce titre dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'agence de services et de paiement versera à Mme B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'agence de services et de paiement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B..., à l'agence de services et de paiement et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Rees, président-assesseur,

- M. Goujon-Fischer, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 juin 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Goujon-FischerLa présidente,

Signé : S. Vidal

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 20NC02942


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02942
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Mesures d'incitation.

Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : BUJOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-02;20nc02942 ?
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