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25/05/2022 | FRANCE | N°21NC00725

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 25 mai 2022, 21NC00725


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite née du silence gardé par la préfète du Bas-Rhin sur sa demande du 6 février 2020 tendant à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sou

s une astreinte de cent euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Eta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite née du silence gardé par la préfète du Bas-Rhin sur sa demande du 6 février 2020 tendant à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous une astreinte de cent euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2004702 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 21NC00725 le 11 mars 2021, M. A..., représenté par Me Begeot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 février 2021 ;

2°) d'annuler la décision implicite née du silence gardé par la préfète du Bas-Rhin sur sa demande du 6 février 2020 tendant à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que la préfète du Bas-Rhin lui a opposé l'absence de vie commune avec son épouse et sa prétendue absence d'intégration à la société française ;

- en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, la préfète a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant angolais, est entré en France en 1987 en compagnie de son épouse et de ses trois enfants. Le statut de réfugié, qui lui a été accordé le 7 avril 1987, lui a été retiré le 7 octobre 1997. Il a ensuite bénéficié d'une carte de résident en qualité de parent d'enfants français. Le 22 mai 2014, le tribunal correctionnel de Strasbourg a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français durant cinq ans pour détention non autorisée de stupéfiants et contrebande de marchandises prohibées. Le requérant a obtenu la levée de cette interdiction par décision de ce tribunal du 19 janvier 2016. A la suite de plusieurs refus de visas, il est entré en France irrégulièrement au courant du mois d'avril 2018, selon ses déclarations. Par un courrier reçu le 6 février 2020, il a sollicité de la préfète du Bas-Rhin la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de conjoint de ressortissant français, sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 décembre 2020, la préfète du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français durant deux ans. M. A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler une prétendue décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour. Par un jugement du 4 février 2021, le tribunal a estimé que les conclusions de M. A... devaient être regardées comme dirigées contre l'arrêté du 14 décembre 2020 et a rejeté la demande de l'intéressé. Celui-ci relève appel de ce jugement.

Sur l'analyse des conclusions :

2. Lorsqu'un requérant conteste, dans les délais de recours, une décision implicite de rejet et une décision expresse de rejet intervenue postérieurement, ses conclusions doivent être regardées comme dirigées uniquement contre la seconde décision, qui s'est substituée à la première. Ainsi, et à supposer même qu'une décision implicite de rejet ait pu naître du silence gardé par la préfète du Bas-Rhin sur la demande de titre de séjour de M. A..., celui-ci, compte tenu des termes de sa requête, devait être regardé comme contestant également l'arrêté du 14 décembre 2020, par laquelle la préfète a rejeté explicitement cette demande de titre de séjour. Comme l'a relevé à bon droit le tribunal, les conclusions de l'intéressé devaient donc, en tout état de cause, être regardées comme dirigées contre ce seul arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 14 décembre 2020 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Aux termes de l'article L. 313-2 de ce code, alors applicable : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23, L. 313-24, L. 313-27 et L. 313-29 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 (...) ".

4. D'une part, il est constant que M. A..., entré en France irrégulièrement en avril 2018, n'a pu justifier de la détention d'un visa de long séjour. La préfète du Bas-Rhin pouvait dès lors, pour ce seul motif, lui refuser le bénéfice de la carte de séjour temporaire demandée.

5. D'autre part, ainsi que l'a rappelé le tribunal, M. A... a été condamné le 7 juin 1989 à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger en France, le 4 février 1993, à un mois d'emprisonnement avec sursis pour conduite sous l'emprise d'un état alcoolique, le 8 juin 1995, à un an d'emprisonnement pour aide à l'entrée, à la circulation d'un étranger en France, obtention frauduleuse de documents administratifs, détention frauduleuse de faux documents et rébellion, le 20 février 1996, à deux ans d'emprisonnement pour les mêmes faits et recel de biens provenant d'un délit, le 15 juillet 1998, à six mois d'emprisonnement pour recel de biens provenant d'un vol et usage de chèque contrefait, le 9 janvier 2008, à six mois d'emprisonnement pour conduite d'un véhicule sans permis, le 22 mai 2014, à un an d'emprisonnement pour détention non autorisée de stupéfiants et contrebande de marchandises prohibées, peine assortie d'une interdiction de territoire français durant cinq ans, le 4 février 2015, à quatre mois d'emprisonnement pour communication de renseignements inexacts sur son identité par un étranger faisant l'objet de mesure de reconduite à la frontière. Eu égard à la nature et à la gravité de ces infractions et à leur caractère répété, et alors même que M. A..., au demeurant hors de France jusqu'en 2018, n'a pas fait l'objet de nouvelle condamnation depuis 2015, a obtenu la levée de son interdiction judiciaire du territoire et serait selon lui intégré à la société française, le préfet n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en estimant que la présence de l'intéressé sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public et en refusant, pour ce second motif, de lui délivrer une carte de séjour temporaire.

6. Enfin, la préfète du Bas-Rhin pouvait légalement rejeter la demande de carte de séjour temporaire de M. A... en se fondant uniquement sur les motifs tirés de l'absence de visa de long séjour et de la menace que sa présence en France constituait pour l'ordre public. Il résulte de l'instruction que la préfète aurait pris la même décision en se fondant sur ces seuls motifs. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète aurait inexactement appliqué le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant qu'il ne justifiait pas d'une vie commune avec son épouse ne peut qu'être écarté.

7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que si M. A... a résidé en France de nombreuses années avant de faire l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire français, il a quitté la France de 2014 à 2018. Ses enfants, de nationalité française, sont majeurs et étaient âgés, à la date de l'arrêté contesté, de trente-trois, trente et vingt-sept ans. Son épouse, de nationalité française, elle-même née en Angola, où le couple s'est d'ailleurs marié en septembre 1985, est en mesure de lui rendre visite en Angola. M. A..., enfin, n'est pas dépourvu d'attaches en Angola, où résident ses deux parents. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard aux conditions de séjour de l'intéressé en France, et au motif d'ordre public qui fonde le refus de titre de séjour, la préfète du Bas-Rhin, en lui opposant ce refus, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été décidé et n'a par suite méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. A....

Sur les frais liés à l'instance :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Rees, président-assesseur,

- M. Goujon-Fischer, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mai 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Goujon-FischerLa présidente,

Signé : S. Vidal

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

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N° 21NC00725


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00725
Date de la décision : 25/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : BEGEOT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-05-25;21nc00725 ?
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