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25/05/2022 | FRANCE | N°21NC00696

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 25 mai 2022, 21NC00696


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 10 juin 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notif

ication du jugement à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 10 juin 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2004691 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 21NC00696 le 8 mars 2021, M. C..., représenté par Me Snoeckx, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 juin 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet l991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

s'agissant du refus de titre de séjour :

- cette décision méconnaît le 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît en outre le 5) de l'article 6 de cet accord ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi :

- ces décisions doivent être annulées en conséquence de l'annulation, respectivement, du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 4 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'OFII, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien, est entré en France le 17 mai 2011 sous couvert d'un visa de court séjour valable jusqu'au 9 juin 2011. Après plusieurs refus de titre de séjour assortis de mesures d'éloignement, il s'est vu octroyer un certificat de résidence algérien le 16 juin 2014, renouvelé jusqu'au 15 juin 2016. Par un arrêté du 7 avril 2017, le préfet du Bas-Rhin lui a toutefois refusé un nouveau renouvellement de ce titre et lui a fait obligation de quitter le territoire français. En réponse à une nouvelle demande, présentée le 1er mars 2018, M. C... a, de nouveau, obtenu une carte de séjour temporaire pour raisons de santé, valable jusqu'au 29 mars 2019, dont il a demandé le renouvellement le 30 janvier 2019. Par un arrêté du 10 juin 2020, la préfète du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 22 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 10 juin 2020 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

3. Dans son avis du 8 août 2019, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Le requérant a produit un certificat médical établi le 29 juin 2020 par le Dr B..., psychiatre en charge de son suivi depuis 2013, dont il ressort qu'il présente une psychose grave, de type schizophrénie hébéphréno-catatonique, avec syndrome autistique majeur, marqué par l'inhibition, des stéréotypies gestuelles et corporelles et des écholalies, qu'il présente également un délire de persécution non systématisé, avec des éléments mélancoliques, qu'il est dès lors incapable de se prendre en charge, vit replié sur lui-même et a besoin de l'assistance d'une tierce personne pour les gestes de la vie quotidienne. Il est précisé que les angoisses très importantes de l'intéressé justifient un traitement psychotrope lourd, associant des neuroleptiques à hautes doses ainsi que des anxiolytiques et nécessite une prise en charge psychiatrique soutenue. M. C... produit par ailleurs plusieurs documents médicaux et ordonnances indiquant qu'il a fait l'objet de plusieurs hospitalisations en établissement psychiatriques et suit depuis plusieurs années un traitement médicamenteux associant neuroleptiques, anxiolytiques et antidépresseurs. En outre, M. C... justifie bénéficier d'une reconnaissance comme travailleur handicapé. Toutefois, aucun des documents produits ne permet d'établir que le traitement médicamenteux suivi en France ne serait pas disponible en Algérie, ni que M. C... ne serait pas en mesure d'y accéder pour des motifs financiers. Si M. C... fait par ailleurs valoir que le territoire algérien compte un nombre de psychiatres par habitant nettement inférieur à celui constaté en France et présente une offre de soins psychiatriques moins développée, ces affirmations d'ordre général ne permettent pas de mettre sérieusement en doute la possibilité d'un accès effectif à des soins psychiatriques adaptés à la nature et à la gravité des troubles dont il est atteint, alors qu'au demeurant, il a fait l'objet d'un suivi psychiatrique en Algérie avant son entrée en France. Enfin, si le certificat du Dr B... indique qu'au vu de l'état de santé de M. C..., une modification de son environnement familial, affectif et social serait immanquablement de nature à entraîner une " catastrophe psychique " et un passage à l'acte suicidaire, la réalité et l'importance de ce risque ne font l'objet d'aucune précision en dehors de cette affirmation, tandis qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé dispose en Algérie comme en France d'un environnement familial et affectif important, de nature à prévenir les conséquences d'un retour dans son pays d'origine sur son état de santé. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer le certificat de résidence demandé, la préfète du Bas-Rhin n'a pas fait une application inexacte du 7) de l'article de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit: (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la CEDH : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré en France en 2011, alors âgé de 30 ans. En dehors des périodes de juin 2014 à juin 2016 et de mars 2018 à mars 2019, il y a séjourné en situation irrégulière et s'y est maintenu en dépit des mesures d'éloignement prononcées à son encontre. Si trois de ses frères et deux de ses sœurs résident régulièrement en France, il est en revanche célibataire et sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où résident sa mère, un frère et trois sœurs. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard aux conditions de séjour de l'intéressé en France, la décision lui refusant le renouvellement de son certificat de résidence n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, elle n'a méconnu ni le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni l'article 8 de la CEDH et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice par la préfète de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi :

6. Le refus de la préfète du Bas-Rhin de renouveler le titre de séjour de M. C... n'étant pas illégal, celui-ci n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de ce refus, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français et fixant son pays de renvoi. Il n'est pas davantage fondé à invoquer la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant son pays de renvoi.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. C... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Rees, président-assesseur,

- M. Goujon-Fischer, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mai 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Goujon-FischerLa présidente,

Signé : S. Vidal

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 21NC00696


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00696
Date de la décision : 25/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SNOECKX

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-05-25;21nc00696 ?
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